jeudi 28 juillet 2011

Evolution de l’espace non-étatique (3) X-Prize, un autre chemin pour aller dans l'espace

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Un thème cher à cette série sur l’évolution de l’espace non-étatique est l’idée selon laquelle ce qui permet d’aller dans l’espace n’est pas que d'origine gouvernementale. En bref, les Etats ont beau rester les acteurs de référence - ils sont encore nécessaires - l’espace ne doit pas être que cela.

Certes la NASA finance déjà en partie les acteurs privés les plus capables via les différentes initiatives COTS (Commercial Orbital Transportation Services), qu’il s’agisse du fret ou désormais des futurs missions habitées. Nos précédents billets l’ont déjà évoqué.  Mais il existe d’autres sources de financement pour les technologies de demain.

Elles sont déjà là, bien visibles : 1) l’esprit de compétition, et 2) les incitations. Elles se résument à un seul mot : prix. La stratégie est différente, mais le résultat est identique : dans le premier cas, le gouvernement externalise certains contrats auprès d’entreprises ; et dans le second, on a la promesse d’une grosse récompense pour inciter les gens à se mettre au travail. 

Peter Diamandis, entrepreneur à succès, perçoit trois motivations essentielles pour aller dans l’espace : la curiosité, la peur et le profit. C’est ce dernier qui est visé par le X-Prize. La stratégie ne pourra qu’être payante et multiplier à l'infini les sommes investies : 



L’exemple classique est le Prix Orteig offert en 1919 par le propriétaire d’hôtels Raymond Orteig au premier aviateur capable de réaliser un vol sans escale au-dessus de l’Atlantique. C’est ce prix qui a conduit Charles Lindbergh à tenter le voyage en 1927 dans le but de gagner les 25 000 dollars de récompense. Des décennies plus tard, on parle d'une industrie pesant 300 000 000 000 dollars. 


C’est cette même idée qui a inspiré l’Ansari X-Prize pour les vols spatiaux. Créé en 1996, financé en majorité par la famille Ansari, le prix de 10 millions de dollars a été attribué en 2004 à la première équipe ayant réussi à lancer un véhicule spatial avec ses trois membres d’équipage à 100 km d’altitude et à répéter la même opération deux semaines plus tard avec le même véhicule… en l’occurrence, SpaceShipOne

Aujourd’hui, le vaisseau a un petit frère très prometteur, le SpaceShipTwo, et une entreprise entièrement construite autour de lui, Virgin Galactic, dirigé par un autre entrepreneur à succès, Richard Branson. Des 10 millions d'origine, en passant par les 100 millions investis par les différents compétiteurs, on parle 
aujourd'hui d'une industrie spatiale privée de près de 1 milliard....

Et l’exploration continue : d’autres prix ont encore été créés, à l’image du Google Lunar X-Prize doté de 30 millions de dollars ! Le NYT en faisait encore référence il y a peu. 

mardi 26 juillet 2011

La fin de la navette spatiale et les militaires : l’autre conséquence…


J’ai longuement parlé sur ce blog de l’émergence de l’espace commercial privé avec la fin de la navette spatiale. Et clairement, quelque chose pouvant être (et ayant été) qualifié de nouvelle course à l’espace – entre acteurs non-étatiques cette fois – est aujourd’hui à l’œuvre. 

Mais la fin de ce programme a aussi une autre conséquence, moins visible celle-ci, mais tout aussi importante : celle touchant à l’aspect militaire du programme spatial américain. Car il ne faut pas l’oublier, la navette spatiale a toujours été un véhicule hybride d’inspiration à la fois civile et militaire.

Dès l’origine, la NASA a essayé de justifier l’investissement auprès des décideurs politiques en s’attachant la complicité du Pentagone. Et effectivement le Département de la Défense a joué un grand rôle dans les négociations qui ont conduit au résultat final.

Par exemple, en 1972, l’USAF avait dans l’idée de voir de futures navettes spatiales décoller de la base militaire de Vandenberg, Californie, déposer leur cargaison en orbite et revenir atterrir une révolution plus tard. Le design de la navette a dû être modifié en conséquent.

Mais l’accident de Challenger en 1986 a mis en déroute l’ensemble de ces plans et la confiance des militaires dans le système a attendu plusieurs années avant d’être renouvelée. Bien sûr, cela n’a pas empêché les Soviétiques de croire dans les performances militaires de la navette jusqu’au bout. En témoigne la réaction extrême incarnée par la tentative Bourane

Quant aux relations entre les militaires et la NASA, il faut attendre l’accident de 2003 pour qu’elles reprennent des forces autour d’un projet commun successeur à la navette. Or désormais, Obama aidant, le modèle choisi par la NASA se jouera en grande partie sans les militaires. Comme nous en parlions déjà ici, la nouvelle approche commerciale revendiquée par l’Agence spatiale civile américaine ne convainc pas tout à fait les militaires qui craignent de devoir financer leurs prochaines fusées seuls.  

D’un autre côté, les militaires sont aussi en train d’expérimenter leur fameux drone spatial, X-37B. Pour certains, une version améliorée de la navette. En réalité, un engin bien différent, plus petit notamment (et qui ne pourra donc pas transporter les satellites qu’il faudra laisser aux fusées) et bien moins cher à faire voler. En bref, le X-37B pourra conduire des missions militaires d’espionnage, voire (?) prendre le chemin d’une arsenalisation de l’espace.

La flexibilité de la navette était son plus gros avantage : un véhicule à la fois commercial et gouvernemental, civil et militaire. L’autre côté de la médaille, c’est que cette innovation datant de la fin des années 1960 a aussi empêché l’émergence de nouvelles machines. Comme l'a résumé un critique, « The best of spacecraft, the worst of spacecraft ». Aujourd'hui peut-être pouvons-nous nous attendre à un renouveau technologique : pour David Axe, Wired, « America’s civil and military space agencies can get about the business of winning the space race, with orbital craft far better suited to the job ».