dimanche 29 janvier 2012

Pourquoi revenir sur la Lune ? Conclusion (5)

Cette semaine Newt Gingrich, candidat à la nomination républicaine, a annoncé que s’il était élu les Etats-Unis auraient leur première base lunaire d’ici 2020. Celle-ci pourrait même prétendre au statut d’Etat membre de l’Union une fois le seuil de population dépassé. Cette proposition n’aura pas manqué de faire sourire ses adversaires – aux premiers rangs desquels Mitt Romney, le favori actuel, pour qui « it may be a big idea but it’s not a good idea ».

Un tel retour sur la Lune est certainement quelque chose que la communauté spatiale désire depuis longtemps. On peut donc comprendre certaines des réactions enthousiastes qui ont embrasé la communauté depuis mercredi dernier. N’en demeure pas moins que ce n’est pas la première fois qu’une telle déclaration est faite par un décideur aux Etats-Unis. De fait, si Kennedy, proclamant en 1961 que « I believe that this nation should commit itself to achieving the goal, before this decade is out, of landing a man on the Moon and returning him safely to the Earth », avait pu lancé un « crash program » qui atteignait son objectif moins de dix ans plus tard, avoir une « vision » ne suffit pas. En témoignent les différentes initiatives revendiquées depuis. Il y a de grande chance que le discours de Gingrich laisse la même postérité. Selon John Logsdon, spécialiste américain du spatial, cité par Space.com, « When we are not expecting a U.S. crewed launch to the ISS until 2016-2017 and are just getting started on a lunar-class launch vehicle, establishing a lunar outpost by 2020 is a fantasyIt would be much better to set realistic goals, but that is not Mr. Gingrich’s strong suit ».

Mais pourquoi retourner sur la Lune ?

Voilà une question à laquelle je tâche de répondre, après Wallace & Gromit et beaucoup d’autres, depuis un certain temps déjà (voire les billets 1, 2, 3 et 4). Il me semble opportun de conclure aujourd’hui.

Le débat républicain a tourné jeudi au duel entre les deux favoris de la course, Mitt Romney et Newt Gingrich.De fait, Newt Gingrich ne s’est guère attardé sur cela, évoquant parfois l’ambition de la Chine, d’autre fois les ressources minières que pourrait receler le sol sélène. Or ces « motivations » sont de fait plus ou moins biaisées.

Ainsi pour la dimension économique (voir le billet correspondant). Non seulement les perspectives de richesse sont peut-être exagérées, en tout cas pour notre technologie actuelle, mais cet argument s’appuie en outre sur un modèle de la frontière –  l’individu, partant seul à la conquête de l’Ouest –  qui n’est pas forcément pertinent pour l’espace.

Pour ce qui est de l’aspect militaire (ou ayant trait à la sécurité nationale), là encore, l’intérêt pour notre satellite est largement fantasmé. Le débat reste bien sûr ouvert (comme entamé dans mon billet) mais, pour le moment, la Terre – voire au maximum l’orbite terrestre – semble nous suffire.

Quant au prestige (voir le billet), des trois, il semble offrir l’argument le moins contestable aujourd’hui – notamment en lien avec les programmes supposés dynamiques des nouvelles puissances émergentes et avec ce que certains qualifient de « course ». Mais qu’en est-il vraiment ? Rappelons que la Terre n’a qu’un seul satellite et que la Lune semble donc constituer une destination logique pour un premier programme de robots-sondes, sans qu’il faille pour cela lui surajouter l’effet d’une rivalité internationale. Qui plus est, je ne suis pas sûr que la guerre froide – dont certains appellent de leurs vœux le retour sous une forme ou une autre – puisse être, à elle seule, un modèle pertinent, et surtout stable, sur lequel construire l’exploration spatiale.

Alors faut-il retourner sur la Lune ? Je n’ai pas d’avis définitif sur la question. Soulignons seulement que le seul fait de se poser la question est déjà en soi une réponse. Il ne s’agit pas tant d’une question de volonté que de moyens. Pour cause, le problème avec le spatial est que le budget définit souvent la stratégie. Tant que la technologie n’existera pas ou ne sera pas suffisamment mature, alors le débat continuera. Ce n’est qu’avec des moyens bon marché que l’humanité cessera de se poser la question du pourquoi de l’exploration, de son coût et de ce à quoi cet argent pourrait servir ici sur Terre. Aussi Romney a-t-il répondu à son rival qu’il préférait « re-building housing here in the U.S ».

Mais en dehors des moyens, il reste… l’imagination (voir billet). Aussi puis-je retenir de cette énumération l’idée que la principale motivation pour un retour sur la Lune restera liée à l’imagination. Ne colore-t-elle d’ailleurs pas chacune des approches offertes ci-dessus, qu’elles soient politiques, économiques ou militaires ?

Une telle position soutenue dans un blog s’intitulant De la Terre à la Lune ne devrait pas surprendre. Mais il est vrai que la Lune a toujours occupé une place spéciale dans l’histoire de l’humanité et tout particulièrement depuis les débuts de l’âge spatial. Pour Roger Launius, « From the first clear images of the Moon to the last landings in the 1970s and to the present the body has held a fascination that propels the space program ». Alors…

It's a Wonderful Life

jeudi 26 janvier 2012

De la Terre à la Lune, nouvel allié de l’Alliance Géostratégique

Space Station Flying by the Moon
The International Space Station can be seen as a small object in upper left of this image of the moon in the early evening Jan. 4 in the skies over the Houston area flying at an altitude of 390.8 kilometers (242.8 miles). The space station can occasionally be seen in the night sky with the naked eye and a pair of field binoculars. 

Image credit: NASA/Lauren Harnett
Chers lecteurs,

L’annonce a retenti hier. Peut-être aurez-vous d’ailleurs déjà remarqué la présence d’un nouveau logo à la droite de ce billet… De la Terre à la Lune est désormais membre de l’Alliance Géostratégique (AGS), une plateforme commune rassemblant plusieurs blogs venus d’horizons variés pour partager une même passion.

Je suis pas le seul à bénéficier de cet honneur : ce n’est pas un ni deux, mais cinq nouveaux bloggeurs que l’équipe de l’Alliance a invité en ce début d’année 2012. Outre mes remerciements à tous les membres, je salue donc également les nouveaux venus et souhaite à tout le monde de grandes opportunités d'échanges et une collaboration fructueuse.

A bientôt, ici même ou sur AGS.

dimanche 22 janvier 2012

[MAJ Budget] CNES : des vœux 2012 … et des images


La tour Eiffel vue par Pléiades

La semaine dernière, Yannick d’Escatha, le président du CNES, a présenté ses vœux à la presse. L’occasion de faire le bilan d’une année 2011 « exceptionnelle », avec bien entendu, en toile de fond, le 50e anniversaire du CNES, et de préparer une année 2012 non moins « exceptionnelle ».

Il est vrai que de grandes décisions vont devoir être prises. Le conseil ministériel de l’ESA de novembre prochain devra notamment prendre en compte la question de l’ISS et réfléchir à l’avenir de la contribution européenne – le CNES a évidemment son idée là-dessus – après la fin de l’ATV (« barter element »). De même, il faudra décider quelle suite donner à ExoMars.

Dernière information, et non des moindre, le budget. A en croire le document présenté, le budget du CNES sera stable en 2012 (760M€ ; 385M€ en prenant en compte le Plan d’Investissement d’Avenir, confirmant ici la position du gouvernement sur la priorité donnée au spatial). Quant à la contribution française à l’ESA, elle est en augmentation (770M€). Un document disponible sur le site de l’ESA ajoute toutefois que celle-ci se situerait – pour la première fois ! – derrière la contribution allemande. A confirmer !

MAJ : Quelque chose m’échappait l’autre jour : alors que le CNES indiquait que sa contribution à l’ESA serait en augmentation de 2% par rapport à l’année précédente (770M€), l’ESA estimait quant à elle que la part française serait en diminution de 4% par rapport à 2011 (718,8M€). L’explication est aujourd’hui donnée par SpaceNews.com citant une source allemande : « The French agency has 770 million euros that it expects to devote to ESA in 2012. But ESA has estimated that CNES’s obligations in 2012 will amount to just 718.8 million euros. The difference will go toward reducing CNES’s long-standing debt to ESA. […] CNES’s outstanding debt to ESA stood at 376 million euros as of Jan. 1, Germain said. The debt was incurred following the last failure of the Ariane 5 vehicle, in late 2002. Germain said that CNES in 2012 would pay down at least 17 million euros of the debt, and up to 51 million euros if, as expected, the government does not withhold any funds from the financial reserve ». A noter tout de même que la France est le seul pays parmi les 19 pays membres de l’Agence européenne à partager son budget à part quasiment égale entre l’ESA et ses autres obligations, qu’elles soient nationales ou en collaboration avec d’autres pays.

Pendant ce temps, depuis son point de vu imprenable à 694 km d’altitude, le satellite Pléiades, lancé à la mi-décembre par une fusée Soyouz, continue de fournir des images saisissantes de la Terre. Chaque nouvelle semaine, le CNES offre ainsi un aperçu des capacités du satellite.

De fait, avec Pléiades, les utilisateurs d’images satellitaires disposent d’un système dual – à la fois civil et militaire – d’observation à résolution submétrique. Peut en témoigner la belle Bora-Bora.

A cela s’ajoute une autre originalité, la grande agilité qui permet au satellite d’effectuer des prises de vue dans toutes les directions. Ce qu’illustrent cette image, présentant la face sud-est de la tour Eiffel, et cette vue tout aussi originale du pont de San Francisco. (MAJ : voir également ici).

Complémentaire d’Hélios et Spot, suivant le canal « Défense » ou « Civil » utilisé, le système Pléiades sera à termes – d’ici une quinzaine de mois – constitué d’une constellation de deux satellites optiques. Le système est construit en coopération avec l’Autriche, l’Espagne, la Belgique et la Suède.

Le satellite Pléiades livre ses 1eres images haute résolution

Pour dautres images des Pyramides du Caire, de Washington D.C., de Tucson ou de Dubaï : voir CNES et Astrium 

jeudi 19 janvier 2012

Livre : Espace et défense


D’autres se sont déjà chargés de faire passer le mot (voir par exemple ici, ici et ). Viennent en effet de paraître aux éditions L’Harmattan les actes du colloque « Espace et Défense » (dir. Pierre Pascallon et Stéphane Dossé) organisé à l’Assemblée Nationale par le Club participation et progrès le 15 novembre 2010.

Preuve que l’espace/défense intéresse de plus en plus en France – je rappelle d’ailleurs que la création du Commandement Interarmées de l’Espace (CIE) date de juillet de la même année –, ce livre va certainement devenir une référence.

Je ne crois pas trop m’avancer, j’étais à l’époque dans l’assistance.

Tous ( !) les grands noms du spatial français sont de fait réunis pour évoquer ensemble les principales problématiques de l’espace militaire. Trois couches sont étudiées : la militarisation de l’espace (une réalité), l’arsenalisation de l’espace (un projet) et les questions de gouvernance de l’espace (un rêve).

Malgré la présence de Jean-Luc Lefebvre, il n’est pas encore question de martialisation (revoir ici et ), mais à relire mes notes, a posteriori donc, je trouve amusant de voir qu’elle est déjà plus ou moins dans l’air. 

Vous trouverez ci-dessous le sommaire : 

TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS Par Pierre PASCALLON et Stéphane DOSSÉ
PREFACE, « Espace sacré », Par Le Général Claude le BORGNE

INTRODUCTION GENERALE
« Un demi-siècle d’espace militaire », Par Jacques VILLAIN
« L’espace : quel enjeu stratégique ? », Par le Colonel (air) Jean-Luc LEFEBVRE

Ire PARTIE : LA MILITARISATION DE L’ESPACE : UNE RÉALITÉ
« Panorama des moyens spatiaux militaires actuels », Par Christian LARDIER
« La militarisation de l’espace dans les rapports de force internationaux d’aujourd’hui », Par Thierry GARCIN
« Les moyens spatiaux dans notre défense nationale: changements dans l’art de la guerre », Par Gilles LEMOINE
« Spatial militaire en Europe : les grandes manœuvres ? », Par Guilhem BROUARD
« Les applications militaires de l’espace », Par Colomban LEBAS
« Quelles utilisations futures de l’espace pour la Défense ? », Par Le Général Henry de ROQUEFEUIL
« L’évolution des moyens spatiaux militaires », Par Le Colonel Sébastien LEITNER

IIème PARTIE : L’ARSENALISATION DE L’ESPACE : UN PROJET
« Que reste-t-il aujourd’hui de l’IDS reaganienne américaine ? », Par Alain DUPAS
« Défense anti-missile et dissuasion nucléaire », Par André DUMOULIN
« La DAMB, l’OTAN et le spatial », Par Olivier KEMPF
« Arsenalisation de l’espace : quelle orientation possible demain pour l’Europe et pour la France ? », Par Laurence NARDON
« La poussée demain de l’arsenalisation de l’espace chez les nations émergentes ? », Par Isabelle SOURBES-VERGER
« Existe-t-il un programme chinois d’arsenalisation de l’espace ? », Par Alain NEVE
« Va-t-on assister à un duel Etats-Unis – Chine dans l’espace ?, Le point de vue d’Henri PARIS
« Va-t-on assister à un duel Etats-Unis – Chine dans l’espace ? », Le point de vue de Serge CHOLLEY

IIIème PARTIE : LA GOUVERNANCE DE L’ESPACE : UN RÊVE
« Un nouveau traité de l’espace est-il nécessaire ? », Par Gérard BRACHET
« Space situational awareness, un impératif », Par Yann CHEVILLON
« Etat des travaux au sein du United Nations Committee on the Peaceful Uses of Outer Space », Par Mario HUCTEAU
« Sécurité des infrastructures spatiales : les enjeux de la surveillance de l’espace », Par Thierry MICHAL
« Espace et sécurité : Les activités de l’Agence spatiale européenne », Par Florent MAZURELLE
« La gestion du trafic spatial et la surveillance de l’espace : Une coopération entre l’industrie et la Défense pour un espace durable », Par Louis LEVEQUE
« Vers un deuxième âge du bien commun spatial », Par Xavier PASCO

CONCLUSION GENERALE, Par Yves ARNAUD

BIBLIOGRAPHIE

mardi 17 janvier 2012

Les mots de l’espace

Il est souvent difficile de mettre la conquête spatiale en mots...
Preuve si l’en est, « alunir » et « alunissage » constituent autant de termes qui, bien que parfois employés, n’en sont pas moins incorrects. « Atterrir » signifiant « se poser sur la terre », c'est-à-dire le sol et non la planète Terre, il nous faut convenir que quel que soit l’astre, qu’il s’agisse de la Lune, de Mars ou de Phobos, l’atterrissage est toujours la méthode employée.

Encore que l’amerrissage soit également utilisé. Il est vrai que les missions lunaires s’effectuent souvent en pleine mer (… de la tranquillité) ou au milieu de l’océan (… des tempêtes). 
Fichier:Apollo11.png
Le terme renvoie néanmoins aussi au « splash-down » des capsules américaines (ou internationales pour reprendre l’exemple décrit dans un livre qui nous passionne beaucoup ici) de retour de mission. 

Mettre la conquête spatiale en mot, c’est ce que tente de faire France Terme. C’est ainsi que le mot « lanceur » désigne un « véhicule aérospatial autopropulsé capable de placer une charge utile dans l’espace » (« launcher », « launching vehicle ») et que la « géolocalisation par satellite » constitue à la fois l’abrégé du système américain GPS (« Global Positioning System ») et la « détermination de la position d’un point à la surface ou au voisinage de la Terre, par traitement des signaux radioélectriques en provenance de plusieurs satellites artificiels, reçus en ce point ».

D’autres exemples aérospatiaux sont disponibles ici. Pour en savoir plus sur la commission générale de terminologie et de néologie, la vidéo suivante est également consultable : 


dimanche 15 janvier 2012

Liens de la semaine (7) « Tout ce qui monte doit redescendre »



Nous avions évoqué l’an passé le cas des satellites américain UARS et allemand ROSAT qui, retombant sur Terre, avaient un temps défrayé la chronique. LeMonde.fr et l’Ecole de Guerre ont d’ailleurs publié en début d’année un point de vue sur la question : « Satellites en chute libre : l’armée de l’Air veille ». Or voilà que l’histoire se répète…

D’ici quelques heures, la sonde russo-chinoise Phobos-Grunt, dont nous avons suivi l’agonie depuis l’échec du mois de novembre, traversera l’atmosphère et viendra percuter l’Océan Pacifique au large du Chili. Du moins s’agit-il des prévisions. L’incertitude reste encore grande, notamment concernant la zone d’impact. Vous pouvez d’ailleurs suivre les péripéties de la sonde, heure par heure, sur le site suivant : http://www.spaceflight101.com/phobos-grunt-re-entry-information.html via planete-mars.com.

La mission Phobos-Grunt était supposée être un triomphe technologique pour la Russie. La sonde à 163 millions de dollars devait en effet voyager jusqu’au plus gros des deux satellites de Mars (Phobos), collecter un échantillon du sol (désigné par le mot russe « Grunt ») et le ramener sur Terre. Une telle mission n’ayant jamais été tentée, la Russie aurait directement bénéficié de cet exploit. Mais Phobos-Grunt n’a ramené de son voyage vers Mars que de l’embarras.

De fait, Roscosmos a offert au monde un étrange spectacle – réminiscence  nostalgique d’une période révolue et réflexe d’un autre temps peut-être – durant lequel chacun y est allé de sa théorie plus ou moins fumeuse pour expliquer l’origine de l’échec. Le directeur de l’Agence spatiale russe, Vladimir Popovkin, a ainsi fait allusion à la possibilité que la sonde ait été victime d’une interférence étrangère, sans doute un tir antisatellite américain. L’explication est certainement plus simple. Selon Rianovosti, « Unfortunately for Popovkin, any thinking person will immediately see his words for what they are – without a concrete theory as to how and why Phobos-Grunt may have been sabotaged, this looks to be a classic means of passing the buck ». Pour Anatoly Zak, de RussianSpaceWeb.com, cité par le Washington Post, « My strong belief is there are systemic problems in the industry which build spacecraft ».

Cela étant dit, peut-être l’événement fera-t-il prendre conscience aux gens, comme le croit Space.com, de l’importance de la problématique des débris spatiaux. Rappelons que 20 à 30 fragments, pesant près de 200 kg, survivront à la traversée de Photos-Grunt dans l’atmosphère et que quelques tonnes de carburant toxique devraient être éparpillées pour l’occasion. A moins qu’il s’agisse d’une publicité bon marché pour le nouveau film Space Junk 3D.

Histoire de finir cette semaine sur des « liens » plus heureux, et pour rester sur les dernières sorties cinéma, vous pouvez également aller visionner le documentaire Man on a Mission (Mike Woolf, 2010) qui met en scène l’histoire du touriste de l’espace Richard Garriott. Ce fils d’astronaute – son père est Owen Garriott – est semble-t-il suffisamment chanceux et fortuné pour réaliser ses rêves. Encore qu’il faudra du temps pour que le premier film de SF jamais réalisé dans l’espace et tourné par ses soins à bord de l’ISS soit porté à l’écran…

jeudi 12 janvier 2012

Un exemple de géopolitique populaire : World of Warcraft. Entretien avec Hagalis (2)

WoWlogo.png
Après une introduction et un premier billet consacrés à WoW, la seconde partie de l’entretien s’attache au jeu en lui-même. Avant d’aller plus en avant, que l’on me permette cependant une digression : ceux qui s’interrogent encore sur la pertinence d’une étude géopolitique du jeu vidéo peuvent lire l’article récemment publié sur le blog de Thomas Ricks (« Getting serious about video games »). A noter d’ailleurs que d’autres lectures peuvent être entreprises, philosophiques par exemple. Mais sans plus attendre...

Dans quoi le joueur de World of Wacraft est-il projeté ? Quel récit l’univers du jeu développe-t-il ?


Un point intéressant à soulever serait au niveau de la lore [l’histoire, au sens du scénario : ici, l’univers Warcraft III], entre les différences de visions entre les leaders de chaque clan. C’est le cas pour Thrall et Garrosh notamment. Thrall veut une union sacrée entre les races de la horde et vise à réconcilier la horde et l’alliance. Garrosh veut juste tout anéantir. Pour lui, alter n’est pas ego.

lundi 9 janvier 2012

Un exemple de géopolitique populaire : World of Warcraft. Entretien avec Hagalis (1)

WoWlogo.png
Comme annoncée hier dans l’introduction, la première partie de l’entretien concerne l’aspect « réel » du jeu. La parole à Hagalis, invité spécial, expert ès-WoW de Terre à la Lune.

Comment réel et virtuel se combinent-ils dans WoW ? Je pense aux aspects économique (par exemple, que peut illustrer le succès de ce jeu, notamment dans les pays émergents, et quels mécanismes économiques se cachent derrière ?) et juridique, mais également à la dimension plus géopolitique ou, en tout cas, au rôle joué par les nationalités, les langues, voire la culture d’un pays, d’une région.

HAGALIS :

La majorité des joueurs sont probablement de la classe moyenne mais le jeu attire vraiment toutes les classes. Selon les statistiques, le joueur type a entre 15 et 35 ans, il est un homme et il est chinois (2/3 des joueurs).

Dans mon expérience de joueur européen, la tranche d’âge des 15 – 35 est  bien évidemment surreprésentée mais il m’est arrivé de côtoyer des mères de familles, des grands-pères, des fonctionnaires, des professions libérales, des salariés du privé, des chômeurs… en somme, tout le spectre social.

dimanche 8 janvier 2012

Un exemple de géopolitique populaire : World of Warcraft. Introduction.

WoWlogo.png
World of Warcraft (abrégé : WoW) est un jeu vidéo dit MMORPG (massively multiplayer online role-playing game) développé par Blizzard depuis 2004. Basé sur la franchise Warcraft, le jeu prend place dans un monde imaginaire dans lequel le joueur doit choisir un personnage parmi différentes races divisées en deux factions : l’Alliance (humain, nain, gnome, elfe de la nuit, etc.) et la Horde (orc, tauren, mort-vivant, etc.). En plus du choix de la race, le joueur choisit également une classe (guerrier, mage, druide, chasseur, etc.).

Payant (11-13 €/mois + le prix des extensions tous les deux ans) mais néanmoins très populaire – 12 millions d’abonnés en 2010 selon un communiqué officiel –, ce jeu ne pouvait qu’attirer mon attention. Celle-ci était d’autant plus stimulée que jusqu’à présent l’analyse vidéoludique était relativement peu présente sur ce blog en comparaison avec le cinéma ou la littérature. Le jeu vidéo constitue pourtant une source de géopolitique populaire très intéressante, du fait du public qu’il mobilise mais également des thèmes qu’il véhicule.

Pour exemple, outre la pratique de l’e-sport qui mériterait sans doute un développement, un aspect très intéressant du jeu vidéo est incarné par la « gamification » (ou ludification). Cette tendance décrit le transfert des mécanismes du jeu vidéo à d’autres contextes qui en sont dépourvus, en particulier celui des sites web, réseaux sociaux et autres forums, mais également l’entreprise. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette dernière que la gamification est parvenue à faire le buzz en 2011 : gamifier le travail favorise selon certains la loyauté des salariés de l’entreprise, augmente la productivité et l’esprit d’équipe, etc. La chose vaut également pour les clients (systèmes de « miles », points de fidélité ou autres).

Bien que reproduisant les mêmes codes, la gamification n’est donc pas un jeu. En autorisant les utilisateurs à accumuler des points en échange d’un quelconque service, elle favorise l’émergence d’un système de récompenses et de niveaux, de statuts et de prix, dont la valeur dépend tant de la rareté que de la compétition pour leur acquisition. De ce point de vue, je ne peux que recommander la lecture d’un article du magazine Foreign Policy traitant du jihadisme en ligne. Selon les auteurs, « It turns out that what drives online jihadists is pretty much exactly what drives Internet trolls, airline ticket consumers, and World of Warcraft players: competition».

Mais qu’en est-il vraiment ?

Ne me restait plus qu’à trouver le spécialiste ès-WoW. Il s’appelle Hagalis de la guilde Wraith, druide expérimenté (niveau/level 85) de race Tauren et semble-t-il suffisamment perspicace pour répondre à mes multiples questions. Vous trouverez dès demain le résultat de cet entretien que j’ai décomposé, avec l’accord de l’interviewé, en deux parties au risque de tronquer les questions :

- la première, sans doute plus « facile » d’accès, s’adresse à l’aspect réel du jeu (économie, géopolitique) ;

- la seconde s’attache davantage au contenu du jeu, au visuel (base scénaristique et comportement des joueurs) et demande donc une concentration peut-être plus soutenue de la part des non-joueurs.

... la première partie de l’entretien dès demain !

mercredi 4 janvier 2012

L’Odyssée chinoise dans l’espace


 
La publication par la Chine, le 29 décembre dernier, d’un « Livre blanc » décrivant les derniers succès du programme spatial chinois et dévoilant les futurs plans pour les cinq prochaines années constitue (2011-2016) l’un des points forts de l’actualité spatiale de ce début d’année 2012. 
« Outer space is the common wealth of mankind. Exploration, development and utilization of outer space are an unremitting pursuit of mankind. Space activities around the world have been flourishing. Leading space-faring countries have formulated or modified their development strategies, plans and goals in this sphere. The position and role of space activities are becoming increasingly salient for each active country's overall development strategy, and their influence on human civilization and social progress is increasing… » (pour lire la suite)
Pour la plupart des médias occidentaux, à l’instar du Monde, le programme fixé est ambitieux. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à comparer le document en question aux décisions prises par Kennedy au début des années 1960 et qui ont permis à l’Amérique de marcher sur la Lune. La réaction me paraît tout aussi excessive du côté du Washington Post. Partant du postulat d’une nouvelle course à l’espace, l’éditorialiste déplore que « Today, America lacks that type of visionary leadership. If the United States somehow does reach Mars sometime in the 2030s, it will not be because of anything Mr. Obama has done. The way things are going, our astronauts on the red planet will be greeted by a Chinese welcoming party ».

Or, finalement, rien de totalement nouveau ne transparaît dans ce Livre blanc comme peuvent le montrer la lecture des documents similaires déjà parus en 2000 et 2006 ainsi que le suivi de l’actualité spatiale chinoise. A première vue, cela n’étonnera pas alors que le pouvoir s’apprête à changer de main et de génération, Xi Jinping succédant en octobre prochain à Hu Jintao à la tête du Parti.

Dans cette perspective, les propos du professeur John Logsdon, cité par le New York Times, paraissent plus appropriés. Selon lui, « it is a comprehensive, moderately paced program. It’s not a crash program ». Peut-être pouvons-nous par contre admirer le fait que, selon un autre expert, « their program […] don’t have fits and starts. Their program is low budget but it is laid out, and they follow it in an orderly process, and we don’t do that ».

Ainsi du développement – déjà annoncé auparavant – d’au moins trois nouveaux lanceurs, une fusée Longue Marche 5 ayant la capacité de placer 25 tonnes en LEO ou 14 tonnes en GEO, ainsi qu’une Longue Marche 6 et une Longue Marche 7 pour des charges moindres. L’intérêt de la Chine pour une station spatiale orbitale étant connu, aucune initiative nouvelle concernant l’espace habité n’a non plus été prise. Concernant la Lune, le document précise que la Chine continuera de conduire des études sur une possible future mission lunaire. Pour autant, rien de nouveau n’est dit par rapport au programme d’exploration scientifique. Quant à l’accent mis sur le système de navigation – attribut par excellence de la puissance moderne – Beidou/Compass, cela n’a rien de bien surprenant, et ce alors que les autorités chinoises viennent de déclarer celui-ci opérationnel.

Un fait crucial établi depuis le dernier Livre blanc de 2006 est le tir antisatellite (ASAT) décidé en 2007 contre un satellite de météorologie chinois. L’opprobre international reçu par la Chine avait alors été à la mesure des 2 500 débris créés par le tir. Le nouveau Livre blanc ne mentionne qu’indirectement les aspects militaires du programme spatial chinois et les conséquences de l’ASAT, tout au plus répète-t-il la position officielle pour l’utilisation pacifique de l’espace et contre son arsenalisation.

Toutefois, le document souligne l’effort conséquent de la Chine entrepris dans le domaine de la prévention et de la réduction des débris en orbite. Dans cette logique, il met également l’accent sur la coopération internationale, notamment bilatérale. C’est ainsi que nous pouvons lire en Préface le fait que « China will work together with the international community to maintain a peaceful and clean outer space and endeavour to make new contributions to the lofty cause of promoting world peace and development ».

Image disponible ici.