jeudi 28 février 2013

Décès d’André Lebeau, ancien président du CNES


Je l’apprends grâce à Peter B. de Selding, journaliste à SpaceNews. André Lebeau est décédé aujourd’hui, 26 février 2013, à l’âge de 80 ans. Ancien élève de la rue d’Ulm, agrégé de science physiques et docteur en sciences, il avait occupé la fonction de président du CNES (Centre national d’études spatiales) de 1994 à 1995. Un des pères de la fusée Ariane, fils d’instituteurs, le professeur Lebeau avait d’abord choisi l’aventure - il a fait partie de la deuxième expédition française en Antarctique - avant de s’intéresser à l’ionosphère au CNRS. Devenu directeur général adjoint et directeur des programmes à l’ESA (Agence spatiale européenne) après avoir occupé différents postes, dont celui de directeur des programmes, au CNES de 1965 à 1975, il est ensuite nommé directeur général de Météo France, puis président d’Eumetsat et vice-président de l’Organisation météorologique mondiale de 1991 à 1994.

Démissionnaire forcé, son passage éclair à la tête du CNES a été marqué par l’opposition à l’Allemagne, accusée de suivisme vis à vis de la NASA, et le refus d’engager l’Europe dans le programme de Station spatiale internationale. Considérant ce projet comme une impasse coûteuse (« un piège »), André Lebeau avait des rêves plus ambitieux dans le cadre d’une Europe de l’espace qu’il voulait autonome (et sous direction française). Rester ou se taire, le dilemme était d’autant plus simple que Lebeau n’était pas du genre à rester silencieux : François Fillon, Ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à lEspace d’alors, ne pouvait donc qu’accepter sa démission plutôt que de risquer leffondrement du consensus franco-allemand sur lEurope du spatial.

Témoin privilégié de la naissance du spatial français et européen, Lebeau est l’auteur d’ouvrages critiques, passionnants, comme L’espace, les enjeux et les mythes (1998), L’engrenage de la technique (2005), L’enfermement planétaire (2008) et Les horizons terrestres. Réflexions sur lasurvie de l'humanité (2011).

 C’est avec émotion que Yannick d’Escatha, président depuis 2003 du CNES, a déclaré : « En mon nom propre mais également en celui des nombreux salariés du CNES qui ont travaillé sous sa présidence et en conservent le souvenir d’une personnalité d’exception, je rends hommage à André Lebeau, grand nom du spatial mais au-delà un homme de devoir et de convictions, aux engagements visionnaires et courageux ».


De la meteo au sauvetage en mer from CNES on Vimeo.

Je voudrais quant à moi revenir sur la naissance d’Ariane, épisode instructif s’il en est, une histoire d’hommes aussi. Je cite le Pr André Lebeau, tour à tour spectateur privilégié et protagoniste principal, parlant du satellite franco-allemand Symphonie et de la fusée Ariane, de l’Europe à la recherche de l’autonomie face à l’éléphant américain : « Nous avons eu raison ! »
« Je crois que si les Etats-Unis avaient vendu les deux lancements de Symphonie sans conditions particulières, la décision d’engager le programme Ariane n’aurait pu être obtenue. Leur intransigeance, maladroite, reposait sans doute sur l’idée que l’Europe serait incapable de ressusciter son programme de lanceurs. Le comportement américain vint à point pour fournir un appui décisif aux promoteurs du L3S [Lanceur de 3e génération de substitution, à la suite des projets Europa]. Dans la marge du document indiquant les conditions américaines, je me souviens que le négociateur allemand avait écrit : Es ist schwer! (C’est difficile!). » in Claude Carlier et Marcel Gilli, Les Trente Premières Années du CNES (1994)
« L’idée d’Ariane n’est pas née de notre direction général, ni même de la direction générale adjointe chargée des programmes. Elle est venue de l’équipe de la direction des Lanceurs composée de MM. Vienne, Deschamps, Gire, Gruau et Morin. Je crois devoir leur rendre hommage car ils sont injustement oubliés. Je suis parfois choqué, à propos de l’histoire d’Ariane, d’entendre certains en revendiquer l’initiative alors qu’ils n’auraient pas été mécontents, à l’époque, de tuer l’enfant au berceau [...]. Ce sont des hommes de l’ombre, tenus à mon avis dans une obscurité excessive, qui ont imaginé le L3S. Il s’agissait d’un lanceur modeste, un peu rustique comparé à ce qu’on pouvait imaginer de mieux, mais fabriqué selon des méthodes et des technologies déjà bien maîtrisées. [...] Ainsi, c’est bien avant les hommes qui ont porté cette idée vers sa réalisation et son succès, que les décisions clés pour concrétiser le futur programme Ariane ont été prise. Les paternités tardives ne doivent pas occulter les paternités réelles. Tout le monde n’était pas convaincu. Il a fallu qu’au sein de la direction des Lanceurs, on prenne conscience à la fois de l’enjeu lié à l’autonomie en matière spatiale, à l’orbite géostationnaire et à la valorisation du savoir-faire de nos ingénieurs. Le CNES a joué alors un rôle déterminant pour emporter la décision gouvernementale. En parallèle, la navette spatiale américaine est venue en contrepoint du projet européen. Lorsque nous avons engagé le programme Ariane, la NASA expliquant que les lanceurs conventionnels seraient bientôt condamnés. [...] En France, nos analyses nous laissaient penser exactement le contraire. Nous considérions que la navette serait plus coûteuse mais aussi plus fiable que les lanceurs conventionnels. Nous avons eu raison. » in France Durand-de Jongh, De la fusée Véronique au lanceur Ariane (1998)




dimanche 17 février 2013

Actualités spatiales : Lancements et réminiscences du Crétacé

Une fusée Soyouz s’est élancée dans l’espace mercredi soir avec à son bord six satellites de télécommunications. Le lanceur a été tiré depuis le cosmodrome de Baïkonour par la société Starsem, filiale d’Arianespace. Les six satellites ont rejoint les 18 autres déjà en orbite à 920 kilomètres. Ainsi combinée, la constellation permettra de reconstituer le système Globalstar destiné à assurer les services de téléphonie mobile en direction de 120 pays. Globalstar fonctionnait en effet en mode dégradé depuis 2007, la compagnie ayant dû se résoudre à abandonner un temps son service vocal Duplex alors que les satellites les plus anciens lancés entre 1998 et 2000 ne répondaient plus. Selon Jay Monroe, CEO du groupe, « We fully expect Duplex service to be restored to the high level of quality that Globalstar customers historically enjoyed ». Construits par TAS, les satellites de seconde génération pèsent chacun 650 kg. Stabilisés trois axes, leur durée de vie est désormais de 15 ans, la protection face aux radiations ayant été renforcée par rapport à leurs prédécesseurs. Représentant un contrat de 200 millions de dollars, six autres satellites devraient être construits par Thales pour un lancement prévu en 2015. Globalstar constitue l’un des trois grands réseaux commerciaux de communications par satellite, avec Iridium et Orbcomm. Starsem a conduit 26 missions depuis 1999.



Pour son premier lancement de l’année depuis Kourou, Arianespace a établi un nouveau record de performance pour une mission visant la GTO. La fusée Ariane 5 a en effet placé en orbite deux satellites de télécommunications, Amazonas-3 (6,3 tonnes) et Azerspace/Africasat-1A (3,2 tonnes), ainsi que l’équipement permettant le lancement double, soit 10,3 tonnes. Le précédent record, 10,1 tonnes, datait du 2 août 2012 nous indique Futura Sciences. Amazonas-3, construit par SSL pour le compte de l’opérateur espagnol Hispasat, offrira des services de téléphonie, télévision et internet au-début depuis sa position à 61°W au-dessus de l’Amérique, Europe et Afrique du Nord. Azerspace 1, construit par Orbital Sciences Corporation pour l’opérateur azerbaïdjanais Azercosmos OJSC, situé à 46° E, se concentrera sur l’Afrique, l’Europe, le Caucase, le Moyen-Orient et l’Asie centrale. A noter que le satellite Azerspace est le premier satellite azéri confié à Arianespace par le Ministère des Communications et des Technologies de l’Information de la République de l’Azerbaïdjan. Arianespace a lancé le premier satellite de plus de 31 opérateurs dans le monde. La société prévoit 11 campagnes de lancements cette année.



Un Progress en remplace un autre. Alors que des fragments du cargo russe M16M, séparé de la Station spatiale internationale le samedi 9 février, sont tombés le jour même dans l’Océan pacifique, un lanceur Soyouz transportant le vaisseau ravitailleur M18M a décollé ce lundi 11 depuis Baïkonour. D’une masse de 7,282 kg au décollage, ce 50e Progress permet de renouveler les stocks de l’ISS en eau, denrées alimentaires diverses, linges, articles d’hygiène personnelle, ainsi que de l’équiper en nouveaux matériels de contrôle et d’examen médicaux. Sa mission consistera également à corriger l’orbite de la station que le frottement atmosphérique menace régulièrement de faire retomber sur Terre. Lors de la séparation enfin, sans doute le 23 avril prochain, il évacuera les déchets de la station, puis sera détruit dans l’atmosphère terrestre.



La Terre a désormais une nouvelle paire de jumelles braquées sur elle, celles du satellite américain Landsat 8/LDCM. En collaboration avec le U.S. Geological Survey (USGS) qui prend en charge le programme, la NASA a lancé lundi un nouveau satellite d’observation de la Terre : le 8e du nom, dernier né de la longue et célèbre lignée des satellites civils Landsat dont le premier a été mis en orbite en 1972. La fusée Atlas 5 à bord de laquelle se trouvait le satellite de 2623 kg a décollé de la base militaire de Vandenberg en Californie et a disposé correctement sa charge utile. Situé sur une orbite polaire (i = 98,2°) à 705 km d’altitude au-dessus de la Terre, Landsat 8 pourra prendre celle-ci en photo pas moins de 14 fois par jour. Conçu pour durer cinq ans, avec des performances supérieures à ses prédécesseurs, le satellite pourrait fonctionner le double de temps à l’image de Landsat 5 qui, ayant décollé en 1984, n’a que très récemment pris sa retraite.

Il faut dire que Landsat 5 a battu des records de longévité entrant même au Livre des records après 28 ans et 10 mois passés en orbite. Et heureusement pour le programme, dont la continuité était menacée par l’échec de Landsat 6 victime d’un mauvais lancement et par la tentative ratée de privatisation sous les administrations Carter et Reagan. Landsat 7 a été lancé en 1999 après le retour du programme dans le giron gouvernemental en 1992 et son sauvetage par la NASA. Seul satellite Landsat jusqu’à aujourd’hui, il ne fonctionne toutefois plus qu’en mode dégradé après quelques dysfonctionnements subis en 2003. La communauté d’utilisateurs peut être rassurée maintenant que la relève est là. Encore que l’avenir du programme est largement incertain.

Landsat a produit depuis 39 ans les archives d’images moyenne résolution les plus complètes de la planète : consultables en ligne, intégrables dans un système d’information géographique (GIS), elles permettent notamment de suivre l’évolution de la Terre, de ses forêts, de ses glaciers, cours d’eau, terres agricoles ou zones urbaines. Le résultat multidécennal de cette immense base de données mis à disposition par l’USGS (dépendant du département de l’intérieur) est le signe d’un très grand succès technique et scientifique. Il témoigne également de la beauté et de la fragilité de notre planète. Sur ce point, je recommande le dernier ebook de la NASA, intitulé Earth is Art et en partie constitué d’images de Landsat 5 et 7.



En ce 15 février, tout le monde attendait la visite de l’astéroïde 2012 DA14, ce conglomérat de roches d’environ 45 m de diamètre frôlant la Terre en passant sous l’orbite géostationnaire à environ 27 700 km sans conséquence pour les satellites situés à cette altitude, mais c’est la boule lumineuse surprise dont la longue traînée blanche a perturbé le ciel matinal avant d’exploser au sol dans les environs de Tcheliabinsk dans le sud de l’Oural qui s’est trouvée au cœur de toutes les conversations. Tout comme en 1908, lorsqu’une gigantesque explosion avait balayé 2 000 km² de forêts près de la Toungouska, en Sibérie centrale, un météore vient en effet de traverser l’atmosphère pour s’abattre sur Terre. A la différence que dans le premier cas la région était largement inhabitée, les victimes et témoins potentiels peu nombreux. Cette fois-ci, l’onde de choc ressentie, le boum supersonique – tout aussi terrible – a soufflé les vitres des bâtiments, déclenché plusieurs alarmes, et causé plusieurs milliers de blessés parmi la population environnante, les images et les vidéos de l’événement se comptant par dizaines. D’après les premières analyses, le météore de Tcheliabinsk – pris en image par le satellite Meteosat-9 – serait ainsi le plus gros connu depuis la catastrophe de la Toungouska : sa taille initiale devait être d’environ 15 mètres et sa masse de 7 000 tonnes.



Bien qu’apparemment sans lien direct, l’astéroïde 2012 DA14 voyageant sur une orbite similaire à celle de la Terre alors que la météorite provenait quant à elle de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter, ces deux événements rappellent que le système solaire est peuplé d’une multitude d’objets de toute dimension, certains détectables longtemps à l’avance du fait de leur taille, d’autres passant plus inaperçus tout en étant suffisamment larges pour causer d’importants dégâts. Bref, loin d’être harmonieux ou ordonné selon son étymologie, ou vide et immense selon la croyance populaire, le cosmos mérite notre attention. Ce genre d’actualité est en effet très commun. Vous pouvez d’ailleurs vous amuser à en calculer les conséquences…



D’une certaine manière cette coïncidence cosmique apporte de l’eau au moulin de ceux plaidant en faveur d’une défense planétaire contre ce genre de menace. Le républicain Lamar Smith (Texas), président du Comité Science, Espace et Technologie de la Chambre des Représentants des Etats-Unis, a ainsi rappelé la nécessité qu’il y avait à « invest in space science », tout en indiquant qu’il fallait « invest in systems that identify threatening asteroids and develop contingencies, if needed, to change the course of an asteroid headed toward Earth » et que dans cette optique il promettait une audience sur la manière de « better identify and address asteroids that pose a potential threat to Earth ».

Plus largement, elle justifie un effort spatial ambitieux. Car si nous pouvons après tout nous estimer chanceux – selon le bon mot de Larry Niven, contrairement aux dinosaures, nous avons en effet un programme spatial ! – notre avenir en tant qu’espèce ne sera complètement assuré que lorsque nous aurons établi une présence permanente hors de notre planète. Toute civilisation avancée n’a d’autre choix que celui-ci. Le dilemme est fort simple : ou l’exploration spatiale ou l’extinction, concluait déjà Carl Sagan. Hollywood a bien sûr surfé sur cette idée avec succès : du modèle de l’Arche de Noé illustré par When Worlds Collide en 1951 montrant comment un groupe d’humains échappe à l’apocalypse pour bâtir une nouvelle civilisation ailleurs sur un autre monde, aux Armaggeddon et autre Deep Impact tous les deux sortis en 1998 qui racontent comment l’humanité peut repousser (ou non) la menace incarnée par les NEO (Near-Earth Objects).
Reste à savoir comment nous organiser. Comme un blog allié s’en faisait l’écho, citant exercice conduit par l’USAF en 2008, la prise en main de la problématique n’a pour le moment démontré qu’une chose : l’absence de consensus sur les méthodes et la gouvernance. De fait, la NASA semble avoir pris les devants, mais aucune agence américaine précise n’a pour le moment été désignée pour cette mission. De même, aucune procédure spéciale n’a été introduite que ce soit pour atténuer la menace ou gérer la situation en cas d’impact. Le choix n’est pas neutre d’autant plus que la question requiert des réponses non ambigües en matière d’armes spatiales – y compris armes atomiques – dont certains Etats pourraient s’inquiéter.

vendredi 8 février 2013

« Littérature et renseignement » et autres nouveautés AGS

Beaucoup de nouveautés cette semaine du côté de l’Alliance.
La première concerne, vous l’aurez sans doute remarqué, le nouvel habillage du site http://alliancegeostrategique.org/. Entre autres, j’apprécie tout particulièrement la référence spatiale de la nouvelle bannière. A noter que d’autres déclinaisons sont par ailleurs disponibles !

L’allié Stéphane Mantoux s’en est fait l’écho sur le site : la seconde nouveauté est bien sûr l’intégration de quatre nouveaux membres AGS. De la part de la précédente promotion, nous étions alors cinq, je souhaite donc la bienvenue à War Studies publications (Olivier Schmitt), Le blog de Philippe Silberzahn (Philippe Silberzahn), Darisinikesana et L’écho du champ de bataille (Frédéric Jordan). Bonne lecture et à très bientôt !
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La troisième enfin ne surprendra personne. Comme de coutume, chaque deuxième jeudi du mois, l’Alliance géostratégique est heureuse de vous inviter à son grand rendez-vous des Cafés Stratégiques organisé au café Le Concorde (239 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris). Pour la 22e édition, ce jeudi 14 février, de 19h à 21h, Daniel Hervouët, contrôleur général des armées et auteur de thrillers, nous parlera de « Littérature et renseignement ». 
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Venez nombreux !




lundi 4 février 2013

Océan de paix ou théâtre de guerre : le futur du spatial dans le NYT

Space Shuttle Atlantis is towed away
Le New York Times nous livre dans ses pages d’opinion datées d’aujourd’hui une section spéciale qui ne manquera pas de susciter l’intérêt du lecteur, six experts de politique spatiale offrent ainsi leur avis sur « A New Space Race, or Chances to Collaborate » et où placer l’Amérique dans ce contexte spatial. L’enjeu est important puisqu’il ne s’agit rien moins que de savoir, pour paraphraser JFK, si l’espace sera « a sea of peace or a new terrifying theater of war ».

- Bill Nye, président de Planetary Society : « Reach for the Stars, Together »
- Dean Cheng, Heritage Foundation : « U.S. Can Help Its Allies’ Efforts »
- Jim Oberg, consultant: « Russia Must Choose :  Low Tech or High? »
- Laura Grego et Gregory Kulacki, UCS : « With China, Setting Norms »
- Anousheh Ansari, touriste de l’espace, « Nations Can Cooperate, and Welcome Private Investment »

Malgré des profils différents, tous les auteurs sont américains. L’ensemble vaut cependant la peine d’être lu. Peu connu en Europe, Bill Nye (@TheScienceGuy), que j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’écouter, est très célèbre aux Etats-Unis et au Canada pour ses émissions de vulgarisation scientifique, notamment « Bill Nye The Science Guy » (1993-1998), et pour ses nombreuses apparitions médiatiques. Dean Cheng et Gregory Kulacki (@gkucs) sont tous deux experts sur la Chine. Jim Oberg est un spécialiste du programme spatial soviétique/russe et un consultant pour NBC, un des rares journalistes spécialisés (avec Christian Lardier) à avoir fait le chemin jusqu’en Corée du Nord. Laura Grego, physicienne de formation, est connu pour ses travaux sur la sécurité dans l’espaceEnfin, Anousheh Ansari, américaine d’origine iranienne, est à la tête de la société de telecommunications Prodea Systems. Outre être un mécène particulièrement apprécié des space enthusiasts, elle est aussi devenue la première femme touriste de l’espace après 12 jours passés à bord de l’ISS – un documentaire de 2009, très bien fait, a même été tiré de cette aventure.

S’il fallait choisir, le dernier article est à mon sens le plus intéressant et le moins conventionnel. Pour Grego et Kulacki, avant même de discuter coopération, il est en effet essentiel pour la sécurité dans l’espace que la Chine et les Etats-Unis se parlent. Or la chose, pour logique et minimale qu’elle puisse sembler, est aujourd’hui impossible : ne serait-ce que parce le Congrès américain interdit tout échange entre les représentants de la Maison Blanche et de la NASA d’une part, et leurs homologues chinois d’autre part. Je cite : « Congressional restrictions preventing the United States and China from talking about cooperation in space lock both nations into a hostile relationship. Those restrictions should be lifted, and leaders in both countries should begin to work together to ensure our common interests – in space and on the ground ». Je m’étais moi-même fait l’écho d’analyses similaires dans divers écrits, ici à propos des révélations WikiLeaks ou par exemple, ajoutant qu’à l’absence très dommageable de dialogue normalisé s’ajoutent la différence culturelle (la barrière de la langue et la différence d’approche quant à la transparence de l’information) et les misperceptions que cela induit. Greg Kulacki, bilingue anglais-chinois, a longuement écrit sur ce problème et sur ce sujet du « strategic distrust » comme se plaisent à le définir les internationalistes. Un constat inquiétant ! 



dimanche 3 février 2013

Actualités de l’espace : La Corée du Sud atteint l’orbite, le privé rêve d’ouvrir et d’exploiter la frontière de l’espace

STS-107
Une nouvelle entreprise, prénommée Deep Space Industries (DSI), a annoncé mardi 22 janvier qu’elle comptait envoyer à partir de 2015 des flottes de petits vaisseaux prospecteurs pesant 25 kg (les “FireFlies”, les fans de SF apprécieront) suivis de véhicules transporteurs de 32 kg (les “DragonFlies”) en direction des astéroïdes les plus proches de la Terre avec l’objectif d’en exploiter les ressources, y compris transformer directement celles-ci en produits complexes à l’aide d’imprimantes 3D (“Microgravity Foundry”). Avec cette annonce, DSI s’attaque à un marché jusque-là monopolisé, du moins sur le papier, par Planetary Resources, Inc. A la différence que Planetary Resources peut au moins revendiquer une certaine respectabilité et crédibilité, puisque la compagnie créée l’an passé est soutenue par de riches investisseurs, de Larry Page et Eric Schmidt de Google à Charles Simonyi ex- de chez Microsoft. Le business plan de DSI est étrangement muet lorsqu’il s’agit de parler du nerf de la guerre : l’argent.

Les astéroïdes sont à la mode aujourd’hui, aussi bien du côté des investisseurs privés que des gouvernements. Si les seconds s’inscrivent dans un schéma d’exploration traditionnel, les premiers ont néanmoins un obstacle majeur devant eux : l’incompatibilité apparente entre le régime de l’espace tel qu’actuellement en place et leurs projets d’exploitation des astres célestes à des fins de profit.


Le 27 janvier dernier, le Japon a lancé deux satellites de reconnaissance IGS, Radar 4 et Optical Radar-5, depuis le Tanegashima Space Center, principale base de lancement du pays. Les charges utiles ont été placées avec succès en orbite grâce au lanceur japonais H-2A qu’opèrent depuis peu les industries Mitsubishi. Il s’agissait du 22e lancement de la fusée H-2A, le 16e réussi depuis l’échec de 2003 et la perte des premiers satellites du programme « espion » et ainsi le 8e consacré au programme secret de satellites japonais dit IGS pour « Information Gathering Satellites ». IGS-Radar 4, le troisième satellite de la constellation, a un poids total de 850 kg et une durée de vie de cinq ans pour une résolution sub-métrique. Le démonstrateur optique, d’une durée de vie de deux ans, aurait quant à lui une résolution de 40 cm. Le Japon a établi ce programme à la suite du test d’un missile nord-coréen en 1998 dans le but de surveiller la Corée du Nord et de collecter des informations sur les préparatifs de lancement. Etant donné la nature secrète du lancement, il n’y a pas de vidéo officielle aussi bien du gouvernement que de Mitsubishi. Les amateurs ont donc suppléé… Trois autres tirs sont prévus cette année au Japon.


Première étape vers l’envoi d’hommes en orbite selon l’agence de presse Fars, l’Iran a déclaré avoir lancé dans l’espace à 120 km d’altitude une capsule de 285 kg contenant un singe. Le communiqué ajoute que l’animal a ensuite été récupéré vivant. A priori rien de bien excitant, s’il n’y avait les médias pour monter l’affaire en épingle et l’Iran pour faire de ce tir (suborbital) une démonstration de force et de prestige. La fusée Kavoshgar-3 a ainsi été tirée le lundi 28 janvier sans qu’il soit possible de préciser les détails, le site de lancement ou le lieu de récupération. Les Etats-Unis n’ont d’ailleurs confirmé ni le lancement ni le statut de sa mission laissant subsister un doute que les photographies publiées n’ont pas dissipé, bien au contraire. A noter que le programme spatial iranien, actif depuis 2009 notamment, est critiqué car violant la résolution 1929 du Conseil de Sécurité des NU, adoptée en 2010, qui interdit le développement par l’Iran de missiles balistiques. Dans le cas présent, le vol était suborbital et la technologie utilisée (je pense au bouclier thermique) sans doute très différente de celle nécessaire pour développer un missile balistique à tête nucléaire. Reste que c’est l’Iran et que l’on annonce qu’il en sera donc autrement dans l’avenir notamment si le régime poursuit le développement des fusées Safir (masse > 26 tonnes) et surtout Simorgh (masse > 80 tonnes).


Après la Corée du Nord en décembre dernier, le ô combien élitiste club spatial vient d’accueillir un onzième membre - treizième si l’on compte l’ESA, en plus de la Grande-Bretagne et de la France, et le couple Russie/Ukraine en tant que survivants de l’URSS. En parvenant à arracher avec succès 140 tonnes de métal et de carburant à la gravité terrestre, la Corée du Sud accède en effet à son tour au titre si convoité. A la différence de l’exploit similaire de Pyongyang, cela alors que le Conseil de Sécurité des NU a adopté une troisième résolution (Résolution 2087) imposant de nouvelles sanctions au régime du Nord, la réaction internationale a salué la réussite sud-coréenne.

La fusée sud-coréenne Korea Space Launch Vehicle-1 (KSLV-1) a été tirée avec succès le 30 janvier depuis le centre spatial de Naro (quelque 500 km au sud de Séoul) avec à son bord un satellite scientifique STSAT-2C d’un poids de 100 kg. Il s’agit de la troisième tentative de lancer une fusée. Organisé dans le cadre d’une coopération avec la Russie, celle-ci ayant accepté de développer le premier étage de la fusée, le programme spatial sud-coréen cumulait jusqu’à présent les déceptions après les échecs de 2009 et 2010. Avant d’être transformé, cet essai avait lui-même été repoussé à de nombreuses reprises laissant à la Corée du Nord le soin de placer la première un satellite en orbite : d’abord annoncé pour novembre, le lancement avait été annulé en raison de dysfonctionnements techniques, apparemment au niveau du moteur russe fabriqué par Khrounitchev sur la base de la future fusée russe Angara. De ce point de vue, malgré la réussite finale, le programme est donc un échec politique.

Sur le plus long terme, reste à savoir si la Corée du Sud aura tiré de cette coopération – à laquelle ce troisième tir réussi met fin – l’expérience nécessaire pour continuer le chemin seule. Séoul prévoit notamment le développement et le lancement en 2021 d’une fusée 100% indigène capable d’amener en orbite une charge utile de 1,5 tonnes.


Le nouveau système TDRS-K (Tracking and Data Relay Satellite K) de la NASA a décollé le 31 janvier lors d’un lancement sans problème depuis la base de l’USAF de Cape Canaveral. C’est à la fusée Atlas 5 de ULA que la tâche a été dévolue d’emporter ce satellite de communication de nouvelle génération à un demi-milliard de dollars en orbite géostationnaire. Le satellite TDRS-K de 3,5 tonnes est le premier d’une série de trois satellites qui devrait renforcer d’ici 2015 le réseau TDRS, aujourd’hui composé de seulement cinq appareils, de communication et de relais de donnés entre le sol et les véhicules – notamment habités – situés dans l’espace.


Malgré un calendrier des lancements chargé cette semaine, la conquête de l’espace est loin d’être une affaire de routine. L’échec retentissant de la fusée Zenit-3SL ce vendredi 1 février n’illustre que trop bien cette réalité. A peine plus de 40s après son décollage depuis la plateforme Odyssey, le lanceur de Sea Launch s’est ainsi abimé dans l’Océan Pacifique avec sa précieuse cargaison de 6 tonnes, le satellite IS-27. Une perte qu’il faudra compenser : c’est aussi vrai pour l’opérateur de télécommunications n°1 mondial Intelsat que pour le secteur des assurances – IS-27 était assuré à hauteur de 400 millions de dollars – pour qui 2013 commence d’ores et déjà dans le rouge.

Mais cet accident jette surtout le trouble sur l’avenir de la société Sea Launch qui se remettait à peine de la faillite de 2009 – causée par un précédent échec en 2007 – et de la restructuration dont elle avait fait l’objet en 2010 avant de revenir à l’opérationnel en septembre 2011. Après une année 2012 bien remplie, SL prévoyait son grand retour pour 2014 avec quatre campagnes de tirs par an.

Enfin, même si Ria Novosti se plaît à rappeler que la Zenit est au moins partiellement de « fabrication ukrainienne », cet échec est aussi le dernier d’une longue série d’accidents frappant l’industrie russe. La fusée Proton, utilisée par la société ILS, a subi en décembre dernier un troisième échec en moins de 16 mois. Quant au petit lanceur Rockot, malgré une mise en orbite réussie, il a tout de même souffert d’un dysfonctionnement lors de sa manœuvre de désorbitage.


En lieu et place de notre rubrique cinéma, cette semaine sera consacrée à la technologie au travers du  programme SeeMe. Le programme « Space Enabled Effects for Military Engagements » de la DARPA a pour objectif de fournir aux combattants sur le terrain une information d’origine spatiale disponible à la demande. SeeMe fournirait ainsi une imagerie en temps réel des alentours immédiats du combattant à l’aide d’appareils portatifs du genre téléphone mobile ou tablettes.  « We’re putting near-real time data where the warfighter needs it – directly into their hands – and providing them with vital, tactical intelligence they can control » a indiqué l’entreprise Raytheon à l’origine du projet. SeeMe comprend également un deuxième volet, soit une capacité de lancement rapide à bas coût : en l’occurrence le « Airborne Launch Assist Space Access », un simple avion modifié sous lequel un lanceur a été installé. Pour un total de 1,5 millions de dollars le lancement, SeeMe serait organisé autour d’une constellation de 24 microsatellites d’une durée de vie individuelle de 45 jours. Complémentaire des drones actuels, une telle architecture low-cost en orbite basse permettrait aux combattants de disposer d’une couverture satellite toutes les 90 minutes.



RememberingLa désintégration en vol de la navette Columbia en janvier 2003 a causé la mort des sept membres d’équipage de STS-107 et la fin du programme Shuttle. Cette semaine, dix ans après, l’Amérique se souvient :
Ten years ago, seven brave astronauts gave their lives in the name of exploration when America's first flight-ready space shuttle, Columbia, failed to return safely to Earth. Each year, on NASA's Day of Remembrance, we honor the crew of that Columbia flight, as well as those of Challenger and Apollo 1, and all the members of the NASA family who gave their lives in the pursuit of expanding our Nation's horizons in space-a cause worthy of their sacrifice and one we must never forget.
-- Président BarackObama