mercredi 27 mars 2013

L'avenir de l'Europe spatiale, selon les sénateurs

A la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) au nom duquel M. Bruno Sido (UMP – Haute-Marne) et Mme Catherine Procaccia (UMP – Val de Marne) avaient rédigé un rapport d’information présenté à la presse en novembre dernier, les sénateurs ont débattu ce mardi 26 mars de l’avenir de la politique spatiale européenne.


Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche du gouvernement Ayrault, était présente. Dans les tribunes, il y avait également l’actuel PDG d’Arianespace et candidat à la présidence du CNES, Jean-Yves Le Gall, dont la nomination à la succession de Yannick d’Escatha devrait être confirmée sans surprise d’ici le 10 avril.

Au-delà des inévitables lieux communs, plusieurs questions ont retenu l’attention des sénateurs alors que les Etats membres de l’ESA, réunis à Naples en octobre 2012 dans un contexte budgétaire crispé, ont alloué 10 milliards d’euros sur les trois prochaines années et entériné l’évolution – défendue par la France – vers Ariane 6. Parmi les principales, nous noterons la nécessité de « clarifier le millefeuille de la gouvernance de l’Europe spatiale » et garantir le financement du programme de l’Union européenne GMES, de même que celle – tout aussi vitale – de poursuivre le soutien à l’industrie face à une concurrence internationale qui s’accentue dans tous les domaines (satellites tout-électriques, lanceurs, etc.) et vient menacer le maintien des emplois, activités et compétences en France et en Europe.

Le besoin de mieux familiariser les Français et les Européens aux efforts consentis en faveur de la politique spatiale est revenu à plusieurs reprises (de même que celui de faire participer le parlement aux grandes décisions). Quelques chiffres valent plus que de grands discours : si l’effort spatial européen ne coûte en moyenne que 10€ par an et par habitant, pour un euro investi, ce sont 20€ de richesse qui sont créés. A noter que le citoyen français finance la plus grande partie de l’effort spatial européen, avec 31€ par habitant, contre 17€ pour l’Allemagne et 6€ pour le Royaume-Uni. A comparer avec les 49€ par an par habitant aux Etats-Unis.

Plus largement, on remarquera – comme l’a d’ailleurs fait un sénateur – que le consensus prévaut parmi la classe politique en France. La volonté de préserver l’autonomie d’accès à l’espace est de ce point de vue exemplaire. Pour la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas (UMP), « L’indépendance de l'accès à l'espace est aussi cruciale que notre autonomie alimentaire ou énergétique. Il y va de notre souveraineté, mais aussi de notre influence culturelle ». Dans le contexte actuel d’écriture de la prochaine programmation militaire et alors que l’activité spatiale militaire a été décrite hier soir comme un aiguillon, le sens de certaines déclarations n’a sans doute pas été perdu par tout le monde...

jeudi 21 mars 2013

Billards cosmiques vs. réalités terrestres : ces "destructeurs de mondes" qui menacent la Terre

géocroiseur ApophisA la suite des événements du 15 février dernier, après qu’une météorite a frappé de manière inattendue la Russie au moment même où un astéroïde – annoncé lui – frôlait dangereusement la Terre, les membres du Congrès américain ont demandé à la NASA, à la Maison Blanche, à l’USAF et à divers autres experts leur avis sur la menace posée par les NEO (Near-Earth Asteroids) et les dispositions qui étaient prises.

Cette double séance d’auditions s’est tenue le 19 et 20 mars à Capitol Hill, à la Chambre (« Threats from Space: A Review of U.S. Government Efforts to Track and Mitigate Asteroids and Meteors, Part 1 ») puis au Sénat (« Assessing the Risks, Impacts, and Solutions for Space Threats »). Elle a réuni le général William Shelton du Air Force Space Command, John Holdren, conseiller auprès de Barack Obama, et Charles Bolden de la NASA d’un côté, Jim Green du département des sciences planétaires de la NASA, Ed Lu de la Fondation B612, Richard DalBello de l’opérateur Intelsat et Joan Johnson-Freese du Naval War College de l’autre. 

Ces experts ont largement eu le temps de rappeler que les deux événements cosmiques de février dernier étaient une coïncidence et que les chances de voir un astéroïde frapper la Terre étaient faibles. Ainsi selon Charlie Bolden, « it is unlikely that the world will suffer a global catastrophic impact over the next several hundred years similar to the dinosaur extinction event. » Mais pour John Holdren de la Maison Blanche, si « The odds of a near-Earth object strike causing massive causalities and destruction of infrastructure are very small, [...] the potential consequences of such an event are so large that it makes sense to take the risk seriously. »



Reste qu’à l’heure où seulement 10% des NEO (astéroïdes > 140 m) ont été identifiés par la NASA, alors que l’objectif fixé par le Congrès en 2005 était de 90% d’ici 2020, Charles Bolden a indiqué combien cette mission ne pouvait pas être réalisée dans les délais impartis compte tenu du budget actuel. « Our estimate right now is at the present budget levels it will be 2030 before we’re able to reach the 90 percent level as prescribed by Congress. » « You all told us to do something, and between the administration and the Congress, the bottom line is the funding did not come. »

Comme l’indique l’article de SN, la menace céleste posée par les NEO se heurte en effet aux réalités budgétaires bassement terrestres, une problématique qui se trouve être d’autant plus d’actualité maintenant que le couperet du sequester est entré en application.

Le général William Shelton a ainsi rappelé combien les coupes budgétaires diminuaient la capacité des Etats-Unis à générer une bonne connaissance de la situation spatiale (SSA) et une surveillance efficace des objets géocroiseurs et surtout des débris orbitaux de toute sorte (accidentels et intentionnels). « We are clearly less capable under sequestration. » « Our dependence on space, not only for our way of life but also for military operations, is very high, so we would sacrifice that. »

A l’exemple de Shelton, aucun des intervenants n’a cherché à agiter le spectre de la menace posée par les NEOs. C’est en réalité l’inverse qui a prévalu, chacun préférant défendre son pré-carré craignant sans doute qu’en ces temps difficiles un investissement accru dans ce domaine de la détection et de la caractérisation des géocroiseurs ne se fasse au détriment de programmes jugés prioritaires. « We could come out of this hearing and decide that we really want to pour money into NEO detection and characterization, and that would not be the right thing to do » a notamment indiqué le directeur de la NASA.
  
Image : Astéroïde Apophis Crédits : CNES/Ill. P. Carril.

dimanche 17 mars 2013

DSI : Vers la guerre spatiale

Il n’est pas trop tard. Je voudrais signaler ici la parution d’un nouveau hors série DSI spécialement consacré à l’espace, intitulé « Vers la guerre spatiale ». Et de fait, le propos, découpé en trois sections (« changements d’époque », « politique spatiale » et « vecteurs »), suscitera j’en suis certain l’intérêt et la curiosité du lecteur.
L’amateur trouvera son compte avec des articles variés abordant tour à tour les principaux enjeux du spatial aujourd’hui. Le professionnel appréciera quant à lui le regard des non-spécialistes du domaine qui, malgré certains raccourcis, posent des jalons originaux dans une perspective globale, véritable marque de fabrique de DSI.

J’y contribue pour ma part pas moins de trois fois.

Dans un premier article, je m’intéresse à deux ouvrages américains que je qualifie comme appartenant à la science fiction dite hard, plus précisément le genre de la « fiction de la guerre du futur » (future war fiction). C’est vrai sur le plan technique : nous sommes plus près des écrits de von Braun que des aventures de Buck Rogers, Luke Skywalker et Barbarella. Ca ne l’est pas moins sur l’aspect politique : le premier exemple est un techno-thriller, le second un essai géopolitique. Malgré un horizon temporel différent, Space Wars: The First Six Hours of World War III se passe de nos jours, The Next 100 Years: A Forecast for the 21st Century situe son action – du moins celle qui nous intéresse – en 2030-2045, tous les deux postulent que l’arsenalisation de l’espace, ainsi que l’éclatement de la guerre en orbite sont des événements inévitables auxquels il faut se préparer.

Un second article s’intéresse au concept de l’avion spatial. La controverse est presque religieuse. Et si j’avoue pour ma part être aujourd’hui fortement sceptique quant à la possibilité de voir l’avion spatial l’emporter sur le lanceur conventionnel, cela ne m’empêche pas de remettre le MSP (Military Space Plane) dans son contexte et d’explorer l’ensemble des options que le concept recouvre. N’en demeure pas moins que la question est peut-être davantage politique et culturel que technique. Pour les partisans de l’avion spatial, la continuité entre l’atmosphère et l’espace ne prête pas à discussion. Bien qu’il s’agisse de deux milieux différents, les deux peuvent être réunis (le néologisme « aérospatial ») et un appareil hybride créé : l’avion spatial. Pour les sceptiques, les deux milieux sont radicalement distincts. Séparés par des lois physiques différentes, ils nécessitent pour leur exploration et exploitation des forces autonomes : les plus lourds et plus légers que l’air d’une part, les satellites et autres « croiseurs spatiaux » maintenus en orbite d’autre part.

Moins porté sur l’imagination, moins polémique aussi, le dernier article s’interroge sur la tendance consistant à délaisser les gros satellites (les Battlestars) pour des plateformes plus petites, moins lourdes et plus flexibles (micro, nano, picosats, etc.). Pour limitée qu’elle puisse paraître (toutes les missions militaires ne sont pas compatibles ; pour le moment seules les communications – stratégiques et tactiques – et la météorologie sont susceptibles d’en faire l’objet), elle est en tout cas prise très au sérieux par les militaires du Pentagone dans le contexte budgétaire déprimé actuel. Alors que l’USAF est en pleine redéfinition de ses moyens spatiaux, la disaggregation, sous toutes ses formes (hosted payloads, essaim, etc.), serait annoncée pour 2015.

On lira bien entendu les autres contributions. Celle de Jean-Luc Lefebvre vaut sans doute le détour, ce serait-ce que parce qu’elle est originale et plaisante à lire. L’entretien accordé par le général Yves Arnaud du CIE à DSI est lui aussi passionnant, beaucoup plus d’ailleurs – c’est mon humble avis – que les précédentes interventions effectuées ici et là dans diverses revues et magazines. Sans oublier les analyses habituelles toujours enrichissantes de Joseph Henrotin, Benoist Bihan et des autres. Trois points me paraissent pouvoir faire l’objet d’une mise au point future :

- Le premier concerne le postulat de l’ouvrage lui-même, soit l’inéluctabilité de la guerre en orbite et qui mériterait très certainement d’être discutée, ainsi en rapport avec le contournement de la problématique des débris, l’aspect guerre électronique, etc.

- Le deuxième touche à l’état de la menace antisatellite : à parler des projets actuels (ou présumés) chinois et indiens, ainsi que des programmes hérités de la guerre froide aux Etats-Unis et en URSS/Russie, on en oublie que beaucoup plus près de nous se trouvent des pays avec des ambitions et des capacités (la France pour ne pas la citer) et que tout ce qui est ASAT résiduels vaut aussi la peine d’être explorée (DAMB, etc.).

- Enfin, la vulnérabilité réelle des systèmes spatiaux mériterait d’être étudiée plus méthodiquement. Pour ne citer que le GPS – selon un des articles, le centre de la gravité de la puissance militaire américaine actuelle –, je rappellerais combien cette constellation est robuste et que sa dégradation ne pourra être, le cas échéant, que graduelle et dans tous les cas particulièrement complexe. 
Spéciale mention enfin pour l’article de Béatrice Hainaut, qui s’intéresse à l’ISU [full disclosure : je fais partie de cette communauté]. Au-delà de l’élément de (bonne) surprise, il me semble néanmoins que l’analyse aurait pu être poussée plus loin ou agencée différemment je ne sais. Ainsi le relatif désintérêt par rapport aux questions militaires et ASAT me paraît relever d’un double mouvement : sincère d’une part, la croyance parfois béate que l’exploration du cosmos (un objectif en soi (sic) est-il besoin de le rappeler) ne pourra se réaliser qu’avec la coopération – sinon sous étendard américain, du moins dans le cadre d’un système de pensée et ensemble normatif américano-centrés – de toutes les nations du monde et que certaines questions sont plus à même de diviser que d’unir ; pratique d’autre part, témoignant non seulement d’une stratégie de survie alors qu’un des principaux bailleurs de fonds est depuis quelque année la Chine mais aussi et surtout d’un héritage plus technique que politique et surtout critique, plus problem-solving (optimisme et techno-déterminisme : la singularité, le NewSpace, etc.) que auto-réflexif et contre-hégémonique si l’on me permet d’utiliser cette distinction tirée du néo-gramscisme de Robert Cox (pourquoi, pour qui, plus que comment).

Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit, et certains points exposés par les auteurs mériteraient d’être nuancés. Mais je recommande tout particulièrement la lecture de cet opus, et pas seulement pour les articles que j’ai commis ! 



samedi 16 mars 2013

« Stratégie spatiale et espace militaire », conférence avec Jean-Luc Lefebvre

Le Comité « Aéronautique & Espace » de l’ANAJ-IHEDN organise le 28 mars prochain une conférence sur le thème de la « Stratégie spatiale et espace militaire ». Bien connu des lecteurs de ce blog, l’invité sera Jean-Luc Lefebvre.
L’espace, l’ultime frontière de l’Humanité, est aujourd’hui, après plus de 50 ans d’utilisation, aussi vital pour l’activité économique mondiale qu’indispensable à notre vie quotidienne. Indispensable, il l’est aussi à toute armée en opération, car s’il n’y a pas encore de guerre dans l’espace, il n’y a déjà plus de guerre sans l’espace. L’espace est par là même devenu le milieu ultime d’application de la stratégie.

Pour comprendre la stratégie spatiale, il faut connaître le milieu spatial, ses spécificités comme ses limites, et évaluer l’enjeu stratégique de l’espace pour lui-même et en relation avec les activités terrestres.

A l’issue de cette réflexion, il devient possible d’imaginer les possibilités d’un combat depuis, contre et dans l’espace. Colonel de l’armée de l’air, responsable de programme à l’IRSEM au sein du domaine d’étude « Pensée stratégique et nouveaux concepts », Jean-Luc Lefebvre s’emploiera à nous présenter les fondements, les concepts et les principes de la stratégie spatiale.

Jeudi 28 mars 2013 : 19h30 à 21h00
Amphithéâtre Louis, Ecole militaire
Inscription obligatoire

Officier de carrière le colonel Jean-Luc Lefebvre a occupé des fonctions opérationnelles au sein des unités de transmissions de l’armée de l’air. Dans le cadre d’un détachement au Centre spatial guyanais, il a également participé à plusieurs lancements de la fusée ARIANE IV comme chef du département télécommunications. Il a exercé des responsabilités d’officier de programme (SYRACUSE et SCCOA) et a contribué à la conception de la formation dispensée au Collège interarmées de défense (CID) avant de rejoindre l’IRSEM en tant que responsable de programme

Informations : aeronautique-et-espace@anaj-ihedn.org


dimanche 10 mars 2013

« Où va la dissuasion nucléaire française ? »

Pour leur 23e édition, les Cafés Stratégiques recevront Philippe Wodka-Gallien, chercheur associé à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et auteur d’un Dictionnaire de la dissuasion (2011).
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Rdv est donc donné le jeudi 14 mars, comme d’habitude au café Le Concorde, 239 bd Saint Germain, métro Assemblée Nationale, de 19 à 21h. Venez nombreux !

Prochaine date : jeudi 11 avril. 

dimanche 3 mars 2013

Actualités : Rêves de Mars et d’exploration, réalités terrestres et sequester

Dennis Tito, premier touriste spatial, veut lancer une mission vers Mars
Falaise budgétaire oblige, sans « jedi mind-meld » à disposition, l’effet du « sequester » a commencé à se faire sentir pour les agences gouvernementales américaines, y compris – sans surprise – celles ayant partie liée avec l’espace. Pour l’année fiscale en cours, la NASA et la NOAA ont ainsi subi des coupes budgétaires automatiques de 5%, le DoD de 7,8%. Selon un rapport de l’Office of Management and Budget, la NASA perdra 896 millions de dollars, touchant principalement, à hauteur de 388 millions, le programme de lanceurs commerciaux qui subventionne SpaceX, Boeing et Sierra Nevada, à comparer avec un budget total de 17,8 milliards. A comptabiliser les pertes subies au niveau des programmes spatiaux seulement, la NOAA perdra 266 millions. Les coupes « spatiales » ordonnées au DoD ne sont quant à elles pas disponibles, aucun budget Espace n’existant en tant que tel.



La fusée indienne PSLV-C20 (Polar Satellite Launch Vehicle) transportant sept satellites a décollé lundi du centre spatial Satish Dhawan sur l’île de Sriharikota dans le sud-est du pays. Un satellite franco-indien (CNES-ISRO) de 346 kg destiné à mesurer le niveau des océans, SARAL (Satellite with ARgos and ALtika), faisait partie du voyage.  Pranab Mukherjee, président indien, a salué les ingénieurs de l’ISRO qualifiant le tir de “epitome of Indo-France cooperation in space”. Parmi les six autres charges utiles placées en orbite, on notera notamment la présence de Sapphire, un microsatellite développé par MDA entièrement conçu pour suivre la trajectoire des débris et satellites situés entre 6 000 et 40 000 km autour de la Terre dans le cadre d’une collaboration entre les forces militaires canadiennes et le programme américain de surveillance de l’espace. Initiative 100% militaire, Sapphire est le premier satellite jamais possédé par le Department of National Defence canadien et une étape majeure dans l’élaboration d’un programme spatial militaire propre. NEOSSAT, dit le “chasseur d’astéroïdes dangereux”, de l’Agence spatiale canadienne est également développé en partenariat avec les militaires : il pourra d’ailleurs le cas échéant être utilisé en tandem avec Sapphire. Suivent : UniBRITE, aka CanX-3 (Canadian Advanced Nanospace eXperiments), aka BRITE (BRIght-star Target Explorer), et TUGsat 1, aka BRITE-Austria, collaborations entre l’Autriche et le Canada, STRaND 1, phonesat britannique développé par l’université du Surrey, et AAUSAT3, un cubesat développé par des étudiants danois. Le poids total s’élève à 668,5 kg. L’Inde envisage d’effectuer neuf autres tirs cette année.



Après plusieurs jours de rumeurs, Dennis Tito et son équipe de l’Inspiration Mars Foundation ont annoncé leurs plans d’envoyer un équipage humain autour de Mars en 2018. Rien sur le coût ni l’architecture de la mission. Sans doute parce qu’eux-mêmes ignorent encore tout de cela. Tout comme le nom de la fondation prête à le croire, l’objectif est avant tout d’inspirer une nouvelle génération – la problématique STEM – et de préparer l’Amérique pour l’exploration proche de Mars. Et de fait l’idée est très sérieuse, cherchant à tirer avantage de la fenêtre de lancement de 2018. D’aussi bonnes conditions dans l’alignement de la Terre et de Mars ne seront en effet pas répétées avant 2031. L’entreprise n’est pas commerciale, mais philanthropique selon son créateur : « let me guarantee you I will come out a lot poorer ... but my grandchildren will come out a lot wealthier due to the inspiration this will give them »



Le second point est l’absence de toute contribution gouvernementale. Si Tito pense pouvoir lancer une telle mission sans l’appui financier public, c’est parce que la mission consiste en un simple survol : elle ne cherchera ni à rejoindre l’orbite martienne ni à atterrir au sol éliminant dès lors tous les systèmes associés, y compris le carburant supplémentaire, à ce type d’expéditions. Selon Dennis Tito, le coût sera modeste : un « chump change compared to what we’ve heard before ». Les deux premières années seront financées par Tito, par ailleurs multimillionnaire et premier touriste de l’espace, 20 millions de dollars donnés à la Russie ayant suffi pour lui ouvrir les portes de l’ISS en 2001. Robert Zubrin, de la Mars Society, a indiqué « I give them a 1-in-3 chance, but not for the technical reasons. It’s a question of can they raise the money. This raises the question to NASA—'How come you haven't done this?' NASA has had a billion dollars before ».

Une « simple » capsule, contenant deux personnes, suffira donc à faire l’aller-retour. Celui-ci, que Tito compare à un lancer de boomerang, durera quelque 501 jours. Une chose a été soulignée : la mission sera américaine – impliquant pour le moment, c’est-à-dire sur le papier, la future fusée Falcon Heavy de SpaceX, de même que la capsule Dragon non-encore testée pour le vol habité –, tout comme l’équipage : un homme, une femme, de préférence un couple. Pour l’homme d’affaires, il y a en effet urgence : d’autres pays profiteront sans doute de la fenêtre de 2031. Lorsque les journalistes présents à la conférence lui ont demandé s’il avait l’intention de battre la Chine, il a répondu : « Wouldn’t I want to do that?  Wouldn’t I want America to do that? ». La mission n’est néanmoins pas pensée pour remettre en cause le SLS ou le système Orion actuellement en développement. Pour Tito, les systèmes et la technologie disponibles aujourd’hui rendent possible un survol de Mars, l’exploration méthodique de la planète nécessitera un système plus complet…
La deuxième mission de fret de la société SpaceX a décollé vendredi du Kennedy Space Center situé en Floride. Malgré une mise en orbite réussie, le cargo spatial Dragon n’est pas parvenu tout de suite à ouvrir ses panneaux solaires. Si le problème avait persisté ou si les panneaux ne s’étaient pas déployés de manière optimale, le vaisseau n’aurait probablement pas eu l’énergie suffisante pour s’arrimer à l’ISS, ses batteries ne permettant vraisemblablement d’effectuer qu’une seule tentative et la NASA aurait pu se refuser à courir le risque. A noter l’importance des radars du l’USAF pour situer précisément le Dragon laissé à la dérive. Le lancement, CRS-2 pour Cargo Resupply Services 2, de la capsule Dragon permet d’assurer le ravitaillement de la station spatiale internationale. Le bras robotique de l’ISS, le fameux Canardam-2, contribution du Canada au programme, a été utilisé pour accrocher la capsule. Le vaisseau restera arrimé jusqu’au 25 mars, date à partir de laquelle il entamera sa descente sur Terre avec plus d’une tonne de matériel et déchets, notamment le résultat d’expériences menées à bord de l’ISS. A noter que la photographie (le Dragon au-dessus du Mont Etna) a été prise par le canadien Chris Hadfield, dont je conseille à tous de suivre le compte Twitter. Le premier vol commercial d’un Dragon s’est tenu en octobre 2012. Cinq mois auparavant, ce vaisseau avait été le premier cargo privé à s’arrimer à l’ISS. La NASA a signé avec SpaceX un contrat pour 12 missions de ravitaillement dans le cadre de COTS d’une valeur de 1,6 milliards de dollars. Une deuxième société, Orbital Sciences, sélectionnée par la NASA pour un contrat de 1,9 milliards de dollars de 8 vols, prépare activement le lancement de sa fusée Antares à bord de laquelle se trouvera le cargo Cygnus. 


Retour sur le météore russe à travers cette compilation et un article de The Economist : l’hebdomadaire britannique, habituellement très critique envers les programmes spatiaux, notamment habités, croit voir ici la justification ultime, « the real star war ». A noter que, détectée par le réseau de capteurs (infrason) de l’Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO) chargée de prêter l’oreille explosions atomiques de par le monde, l’entrée dans l’atmosphère du projectile a été enregistrée par 17 stations, dépassant le score atteint par un bolide similaire ayant explosé à Sulawesi en Indonésie en 2009.