dimanche 28 avril 2013

La durabilité des activités spatiales, menacée par la multiplication des déchets orbitaux

Selon les experts réunis cette semaine à Darmstadt en Allemagne dans le cadre de la 6e Conférence Européenne sur les débris spatiaux, les agences spatiales devront rapidement donner leur accord pour financer l’élimination chaque année de 5 à 10 gros débris en orbite basse (satellites ou étages supérieurs de fusée) si elles désirent éviter que le rideau ne tombe – peut-être définitivement – sur les rêves d’exploration de l’humanité. L’idée que l’ébouage spatial et le nettoyage des orbites les plus polluées (entre 700 et 1 100 km) sont une affaire sérieuse fait ainsi son chemin jusque dans les pages de notre presse nationale.

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Reste que même les agences les plus proactives dans ce domaine, celles ayant accepté la limite des 25 ans, continuent pour partie de lancer des satellites et des fusées qui resteront en orbite une fois leur mission terminée. La règle a beau exister, mais synonyme de surcoûts, elle n’est pas toujours respectée. Ainsi, environ 80% des étages supérieurs de fusées sont désorbités après usage. Et seulement 60% des satellites sont positionnés en fin de vie sur une orbite plus basse permettant leur retour dans l’atmosphère au bout de 25 ans. Pour un propriétaire de satellite, désireux d’amortir le plus longtemps possible le coût de son programme, la tentation est en effet grande de prolonger la mission au-delà du calendrier fixé. Elle l’est d’autant plus que la quantité de fuel et d’énergie encore à bord du satellite doit être suffisante pour permettre une rentrée atmosphérique contrôlée, i.e. au-dessus de zones non-peuplées (principalement le Pacifique).

Certes, de plus en plus de nations acceptent désormais de « passiver » leurs fusées et satellites une fois la mission achevée – décharger les batteries, vider les réservoirs, etc. pour plus largement diminuer le risque d’explosion. N’en demeure pas moins que les prévisions sont très pessimistes et que si rien n’est fait personne n’acceptera bientôt de prendre le risque d’envoyer un équipage d’astronautes ou de futurs systèmes satellites très coûteux dans l’espace. Ainsi, lors de la conférence, six des agences appartenant à l’IADC (Inter-Agency Space Debris Coordination Committee) se sont accordées sur un même diagnostic : même si 90% des satellites et fusées suivent la règle des 25 ans, le nombre de débris en orbite augmentera nécessairement dans le futur du fait de l’effet cascade (dit « syndrome de Kessler »). Pour stabiliser le nombre de déchets orbitaux, il ne saurait donc y avoir qu’une seule réponse : l’élimination active des débris (« active debris removal », ADR en anglais).

Les options sont nombreuses : harpon ou grappin pour attraper un débris et le guider vers la Terre, filet pour chasser et capturer les proies non-coopératives, lasers pour ralentir un objet et ainsi accélérer sa chute, kits de désorbitation, etc. Aucune n’est encore véritablement mure, toutes font l’objet d’enquêtes approfondies en attente d’un consensus de la part des membres de l’IADC. Le CNES en France – en lien avec Astrium et TAS – est très actif sur cette question, sur laquelle il aurait voulu voir financé un système ADR lors de la dernière ministérielle en lieu et place du partenariat européen avec le système Orion.
Active debris removalESA concept for active debris deorbit mission

La contrainte majeure n’est néanmoins pas technologique, mais juridique et politique. Toute approche complète et pertinente du problème doit donc être systémique. Telle est notamment la thèse soutenue dans un papier – dont je suis co-signataire – présenté à l’occasion de cette conférence.

Il est ainsi difficile pour une agence d’éliminer un débris dont une autre agence est « propriétaire » sans l’accord de cette dernière. Pour simplifier les choses, chaque agence pourrait nettoyer l’espace des déchets qu’elle possède pour deux centaines de millions d’euros la mission. La cible n°1 de l’ESA est par exemple le satellite mastodonte Envisat en dérive depuis 2012 et dont la rentrée contrôlée dans l’atmosphère est une nécessité. Mais toutes les incertitudes ne seraient pas levées pour autant : qui blâmer en cas d’accident pendant une intervention alors qu’un système ADR est de facto une arme spatiale ? Par ailleurs, les Etats doivent-ils être les seuls à payer ou faut-il aussi faire participer les opérateurs et industriels, sur leurs fonds propres ou à travers une taxe pollueur-payeur ? Une nouvelle organisation doit-elle être créée pour collecter les fonds et coordonner en son nom cette activité ? « My dream is that a new agency like the International Telecommunications Union will be proposed at UN level to coordinate all this activity » a ainsi indiqué Claudio Portelli de l’Agence spatial italienne (Asi) cité par BBCNews.

Plus largement, l’élimination des débris orbitaux soulève le lot d’interrogations commun à ce genre de problématique environnementale partagée entre « tragédie des communs » et « tragédie de la dépossession ». Comment les pays dont l’accès à l’espace, apanage de l’humanité, est tout neuf voire encore en gestation réagiront-ils face à ce qu’ils pourraient percevoir à juste titre comme de nouvelles contraintes dirigées directement contre eux et dictées par ces puissances impérialistes que sont les plus gros pollueurs (Etats-Unis, Russie, Chine, France/ESA) ? On devine que le processus ne peut se faire que par étape, avec des programmes d’aide au développement, transferts de technologie et d’expertise, etc.

La prise de conscience est en tout cas bien réelle. En témoigne le succès de cette 6e conférence européenne. « Il y a quelques années, c’était un peu une réunion entre initiés. Aujourd'hui, elle rassemble 350 chercheurs venus de trente pays » affirme ainsi Christophe Bonnal, expert senior à la direction technique du Centre national des études spatiales (CNES). Pour Heiner Klinkrad, Directeur du Bureau Débris spatiaux de l’ESA : « Nous pouvons comparer notre perception du problème grandissant des débris spatiaux à celle que nous avions de la nécessité d'aborder les changements climatiques de la Terre il y a 20 ans ». Un parallèle déjà effectué par Wall-e en 2008, ou lorsque l’exploration de l’espace rejoint la fibre écolo…


Images: ESA







vendredi 26 avril 2013

En mai : Espace et opérations aux ateliers de l'EDG

Le deuxième atelier de l’école de guerre autour du thème « Espace et Opérations » aura lieu cette année le jeudi 30 mai 2013  de 9h à 12h30 à  l’Ecole Militaire, Amphithéâtre Foch. Si l’édition de l’an passé était orientée vers les « enseignements et perspectives », cette année les ateliers de l’EDG se propose de répondre à deux séries d’interrogations organisées en deux tables-rondes : 1) « L’espace est-il devenu indispensable aux opérations actuelles ? », avec le Prof. Jacques Blamont (CNES) comme modérateur, 2) « Quelle menace pour la France dans le domaine spatial après le LBDSN ? », avec Xavier Pasco (FRS) comme modérateur.
L’inscription à cet atelier est obligatoire et doit être effectuée en complétant le formulaire à l’adresse suivante. Le lecteur intéressé trouvera ci-dessous le programme prévisionnel de la matinée. 

08h30-09h00 Accueil des participants.

09h00-09h05 Intervention du CA de Briançon, directeur de l’EDG.

09h05-09h30 Discours d’ouverture du SCOPS EMA (à confirmer)

09h30-11h00 Table ronde 1 (RETEX-OPEX) « L’espace est-il devenu indispensable aux opérations actuelles ? » Modérateur: Pr. Jacques Blamont CNES
- Témoignage opérationnel, Stagiaire EDG
- Planification, conduite, ciblage : Afghanistan / Lybie/Mali CPCO
- L’Espace dans le renseignement (ROEM / ROIM) DRM
- Espace et communications DIRISI
- Environnement géophysique BGHOM
- Discussion avec la salle.
11h15-12h30 Table ronde 2 (Prospective) « Quelle autonomie pour la France dans le domaine spatial après le LBDSN?» Modérateur: M. Xavier Pasco
- Connaissance-anticipation : voir/écouter (Veille stratégique ou sur un théâtre) pour mieux comprendre (DRM) : les satellites d’observations défilants, éventuellement en constellations ou d’observation permanente, les satellites radar, les satellites d’écoute SIGINT
- Commander et conduire les opérations modernes dans un cadre national ou MN (Col Bernier / CIE au CPCO) : Surveiller les espaces (maritimes, aérien, spatial), Communiquer à très haut débit de façon sûre et sécurisée, Navigation, Météorologie
- Garantir la crédibilité de la dissuasion (EMA FN / DGA) : Accès autonome à l’espace, Satellites d’écoute bande basse, Océanographie, Navigation
- Impact LBSDN et choix capacitaires (M. Granier DAS)
- Discussion avec la salle.
12h30 Discours de clôture du SCOPS EMA (à confirmer)

mercredi 17 avril 2013

L’imagerie satellite au service de la géopolitique, selon Le Dessous des Cartes

Le Dessous des Cartes, magazine de géopolitique bien connu, écrit et présenté par Jean-Christophe Victor, s’est intéressé cette semaine à « l’imagerie satellite au service de la géopolitique ». Comment l’espace dispense de l’information, comment celle-ci est interprétée et comment elle nous aide à lire le monde complexe ?
Au-delà des aspects technologiques et émotionnelles, de l’exploit grandiose au drame parfois tragique, auxquels le spatial est souvent relégué, Arte nous donne l’occasion ici de voir à travers l’exemple de l’imagerie d’origine spatiale l’espace sous l’angle « utile », esthétique certes mais surtout politique. Autant dire que j’apprécie !

De l’utilisation militaire de l’imagerie spatiale à Google Earth, du programme nucléaire iranien aux pratiques agricoles diverses et variées de par le monde, des goulags cachés de Corée du Nord aux évolutions radicales de type changement climatique ou déforestation, tout est susceptible d’être dévoilé depuis le « high ground » qu’est l’espace, que le satellite soit gouvernementale ou commerciale, militaire ou civil ou dual. A condition bien sûr de comprendre :
1) de savoir correctement interpréter et intégrer à tout ensemble de données dite géospatiales, 2) de ne pas surestimer l’importance d’un tel outil d’un point de vue géopolitique, c’est-à-dire pour ce qui est de la prise décision. Il n’en a pas été entièrement question. Je pense par exemple au Darfour, au Soudan, etc. mais aussi au changement climatique. A priori, l’imagerie ne suffit pas… un support efficace mais qu’il faut compléter donc. 

A noter qu’il n’y a pas 800 satellites autour de la Terre aujourd’hui, mais un bon millier. Pour revenir sur la présentation, on visionnera également cette vidéo plus longue et plus détaillée :

lundi 8 avril 2013

La présidence du CNES et l’accès autonome à l’espace. Portraits croisés.

Yannick d’Escatha, contraint à 65 ans de laisser la présidence du Centre national d’études spatiales (CNES) après deux mandats passés aux commandes du vaisseau spatial France, avait rejoint l’établissement au lendemain de l’échec du premier vol de qualification d’Ariane 5 ECA. Dix ans plus tard, il tire sa révérence en confiant à son successeur, Jean-Yves Le Gall, dont le conseil des Ministres a confirmé la nomination le 3 avril dernier, la mission de développer la fusée Ariane 6 PPH et la responsabilité de mener à bien la transition.
Voilà quoi à devrait ressembler le futur lanceur de satellites européen Ariane 6. (image CNES)
Le soutien obstiné en faveur d’Ariane 6 contre l’avis de l’industrie et du gouvernement allemand, « a classic d’Escatha maneuver » selon Peter de Selding du journal spatial de référence Space News, pourrait bien être en effet la plus importante contribution de Yannick d’Escatha à la politique spatiale française et européenne. Imaginé dans le but premier de garantir l’indépendance d’accès à l’espace de l’Europe, un objectif que la France a toujours perçu comme stratégique, le nouveau lanceur européen n’utilisera sans doute qu’une fraction de l’énorme main d’œuvre que requiert aujourd’hui Ariane 5 pour son existence. Pas plus qu’il ne pourra contribuer, faute de puissance semble-t-il, à la participation européenne à l’effort international – présent et futur – d’exploration spatiale à l’instar de son prédécesseur que chevauchent les véhicules ATV…

Pur produit de la technocratie à la française, passé par EDF et le CEA, d’Escatha a été appelé à la présidence du CNES en février 2003 par le gouvernement Chirac pour redresser ses comptes et reprendre en main la filière spatiale alors dans une situation très préoccupante après l’échec d’Ariane 5 ECA en décembre 2002. Sil n’a pu éviter le déclin relatif de la France, il laisse néanmoins une « agence florissante au seuil d’une nouvelle histoire qu’[il a] su anticiper » pour reprendre les mots de la ministre. Assainissant la situation financière du CNES, tout en mettant un terme à l’image d’un programme spatial français naviguant à vue, parvenant notamment à sauvegarder quelques grands engagements européens et bilatéraux – centrés sur l’espace utile mais aussi la contribution à l’ISS –, coupant les vivres à d’autres – à l’image des projets martiens ou des successeurs de Spot 5 qu’Astrium Services devra financer sur ses propres deniers –, il a aussi gagné la réputation d’un homme intègre capable de dire non aux intérêts particuliers y compris lorsque ceux-ci sont français. « Car ce qui l’intéresse uniquement, c’est ce qui est bien pour la politique spatiale française et européenne. Point barre » selon Michel Cabirol de La Tribune.
François Hollande a reçu Yannick d'Escatha au palais de l'Elysée, le 20 mars 2013. Crédits : Présidence de la République.
Lancée lors du conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (ESA) le 21 novembre 2012, dans sa version PPH (P pour un premier étage doté de trois boosters à poudre et un deuxième étage également solide, et H pour le dernier étage doté du futur moteur cryotechnique – oxygène + hydrogène – ré-allumable Vinci), la décision de développer Ariane 6 s’inscrit aussi dans une démarche indispensable de rationalisation des coûts. Résultat de la nécessité alors que la contrainte budgétaire va en s’accentuant, elle est le fruit d’une réflexion longuement mûrie : celle d’avoir un lanceur compétitif à même de répondre à la fois aux perspectives d’évolution du marché des satellites et au renforcement de la concurrence internationale qui menace la prédominance européenne malgré la très bonne tenue actuelle du lanceur Ariane 5. Autant d’éléments qui obligent l’Europe à s’engager au plus tôt dans le développement d’un système de lancement de nouvelle génération au meilleur coût récurrent, pratiquant le lancement simple et qui soit modulaire afin de couvrir toute la gamme des satellites

Ainsi, alors qu’Ariane 5 était « technology driven » (ce qui a permis d’irriguer tout le secteur spatial), son successeur sera « cost driven » (plus en phase avec les enjeux actuels, symbolisés notamment par la posture très agressive de la société américaine SpaceX). Prévu pour 2021-2022, le nouveau lanceur est vendu comme un « triple sept » : 7 ans de développement, soit un délai très court pour un programme spatial de cette ampleur ; 7 tonnes de charge utile, soit trois de moins qu’Ariane 5 ; et 70 millions d’euros pour le lancement d’un satellite, à comparer avec les 85 millions demandés par Ariane 5 sur la base plus contraignante d’un lancement double. 

Ariane 6 capitalisera en outre sur les atouts européens : une filière poudre performante et le moteur Vinci, développé par Snecma dans le cadre de la version adaptée d’Ariane 5 baptisée ME (« midlife-evolution ») dont le premier tir devrait être effectué au plus tard en 2018.  Une nouvelle conférence ministérielle, annoncée pour 2014, viendra spécifier les détails du développement du nouveau lanceur et le partage des coûts. Si tout se passe bien, Ariane 6 permettra à Arianespace de maintenir sa présence sur le marché commercial mondial et l’aidera notamment – en combinaison avec les lancements gouvernementaux – à atteindre un seuil minimum, garantie à la fois d’efficacité et de rentabilité.
Ariane 6 devrait posséder 2 étages à poudre et un étage à hydrogène et oxygène liquides (PPH). Crédits : ESA/CNES/Arianespace.
Or voilà justement le nœud du problème tant concilier ces deux objectifs peut sembler herculéen sinon complètement absurde. De fait, contrairement à ses concurrents étrangers, dont les coûts sont purement fictifs, Ariane ne bénéficie pas de subventions gouvernementales et militaires aussi massives. La vérité, comme l’énonce Jean-Yves le Gall lors de son audition à l’Assemblée nationale qui ajoute qu’en matière d’espace la naïveté ne doit pas être permise, est que  « partout ailleurs qu’en Europe, on fait du spatial avec une approche totalement stratégique. C’est le cas aux Etats-Unis, les budgets sont considérables. C’est le cas en Russie, le président Poutine salue lui-même chacun des lancements effectués par la fédération de Russie. C’est le cas de l’Inde, de la Chine  ». A l’opposé, « en Europe, la France définit une politique spatiale – c’est très largement […] expliqué par l’existence du CNES : la France a une politique spatiale –, mais sans vouloir être désobligeant avec nos partenaires européens, ils ont plus une approche de retours industriels et un souhait de rentabilité qui […] n’est pas pertinent. Aujourd’hui, si on veut faire du spatial, c’est avant tout stratégique. La rentabilité intervient ensuite ».

Ce hiatus constitue sans doute la pierre d’achoppement sur laquelle viendra se heurter toute politique d’indépendance spatiale européenne à l’avenir. Malgré la ministérielle de novembre 2012, les tensions et les incertitudes demeurent. Alors que le camp français s’arroge régulièrement la victoire, parlant d’acte de naissance d’Ariane 6, de décision historique et de grand succès, les Allemands de leur côté font de même, mais en mettant l’accent sur la décision prise de poursuivre le développement d’Ariane 5 ME et n’évoquant Ariane 6 que sous l’angle de l’hypothèse de travail. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à l’attention de la Cour des comptes dont un rapport, rendu public par Le Figaro la semaine dernière et adressé le 28 janvier au Premier ministre, souligne que la France est « la seule à s’être résolument engagée dans le financement d'Ariane 6 », qui, s’il n’était pas confirmé en 2014, lui aurait déjà coûté « en pure perte […] un peu plus de 200 millions d’euros ». Plus largement, l’effort financier consenti par la France est trop élevé au goût des Sages qui demandent une meilleure répartition de l’effort entre les membres de l’ESA et l’Union européenne en contrepartie de la mise à disposition du Centre Spatial Guyanais par la France – le meilleur port spatial du monde, sans doute l’actif le plus important de la politique spatiale européenne selon Le Gall.
Jean-Yves Le Gall, le 20 mars dernier.
Jean-Yves Le Gall, 53 ans, à la tête d’Arianespace depuis 2001 comme directeur général puis PDG, auréolé du prestige apporté par la domination continue depuis 10 ans d’Ariane 5 sur le marché commercial, aura dès lors d’autant plus fort à faire que la question de la politique de transport spatial de la France recoupe en réalité un second chantier, plus vaste encore : celui des rapports entre spatial et démocratie.

Comme il l’a rappelé devant les députés et sénateurs, il est non seulement essentiel de communiquer sur les succès de l’espace et sur son utilité. « Deux milliards d’euros, c’est quand même une somme conséquente par les temps qui courent. Et je pense qu’il faut tout faire pour que tous nos concitoyens aient conscience de l’effort consenti par l’Etat et surtout ce que cela leur rapporte ». Il est aussi primordial de dialoguer et rencontrer les parlementaires pour comprendre « les aspirations de la représentation populaire ». L’enjeu est d’autant plus important que, contrairement aux Etats-Unis où la place que le Congrès occupe dans l’élaboration de la politique spatiale est immense – à la mesure des négociations sans fins que la NASA doit entreprendre avec les deux chambres pour définir et les objectifs et les budgets –, la constitution d’une capacité spatiale a toujours été en France une affaire de gouvernement. Cette spécificité française n’est pas sans vertu : elle confère à la politique spatiale stabilité et solennité, continuité et volontarisme. Rappelons ainsi qu’une pratique plus démocratique n’a pas épargné à l’Amérique cette erreur stratégique monumentale qu’a été la navette spatiale. Pour le sénateur Bruno Sido, auteur d’un rapport sur L’Europe spatiale : l’heure des choix, « il nous paraîtrait néanmoins légitime qu’en France le Parlement puisse être saisi à intervalles réguliers de la politique spatiale française et de la vision défendue sur le plan européen par notre pays ».

Le despotisme éclairé, pratiqué en matière spatiale depuis les années 1960, justifié alors que les enjeux paraissaient lointains, les efforts pour s’y préparer modestes et les choix à prendre relativement simples, n’est effectivement plus tenable aujourd’hui. Le problème s’est en effet transformé : le court terme s’est chargé d’enjeux politiques et économiques aussi divers que majeurs, certaines activités sont devenues commerciales et des acteurs nouveaux sont apparus.

Qui plus est, la formulation d’une politique spatiale n’est plus seulement nationale, elle est aussi désormais européenne. La difficulté devient dès lors d’inscrire son ambition dans le cadre de la construction européenne où intérêts et ressentis sont par nature inégaux. Là également il faudra dialoguer, convaincre, rassembler, entraîner. Aussi le leadership français, lorsqu’il aura précisé ce vers quoi il entend conduire – Jean-Yves Le Gall a parlé d’une « ambition 2020 » visant à contrôler la dépendance stratégique de l’Europe en matière de lanceur, de satellite, etc. face aux Etats-Unis et au reste du monde –, jouera-t-il un rôle important dans l’avenir de la politique spatiale européenne, ainsi que dans la redéfinition du millefeuille de la gouvernance européenne.

Crédits images : CNES, Présidence de la République, ESA/CNES/Arianespace, BRENDAN SMIALOWSKI/AFP 




jeudi 4 avril 2013

« Séries TV et sécurité internationale »

Pour leur 24e édition, les Cafés Stratégiques et leur nouvel invité passeront au crible la culture populaire. Précisément, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, directeur de collection aux Presses Universitaires de France et auteur de La Guerre au Nom de l’Humanité et de 24 heures chrono, débattra de la façon avec laquelle les séries télévisées américaines traitent des enjeux internationaux, ici la sécurité internationale.
Le thème, bien que très à la mode outre-Atlantique – je ne pense pas seulement à Game of Thrones – et même depuis peu ici, n’est certainement pas dénué d’intérêt. Il l’est d’autant plus que nous pouvons certainement compter sur l’intervenant pour nous offrir une lecture originale et personnelle.

Je vous invite donc à venir nombreux et curieux le jeudi 11 avril au café le Concorde, 239 bd St Germain,  de 19h à 21h.