vendredi 1 novembre 2013

Débat sur les stations-relais dans la nouvelle ère spatiale militaire

Sa lecture, je le signale sans plus attendre, est décevante. Voilà pourtant un ouvrage qui traite d’un sujet relativement peu connu et pourtant d’importance : la militarisation de l’espace analysée du point de vue de la composante « sol ».

Trois éléments suscitent l’intérêt. 1) Le premier porte sur la définition de ce qu’est un système spatial militaire alors que les applications spatiales autrefois définies de manière très spécifique (dualité civil-militaire) ont évolué pour s’adapter aux nouveaux besoins de défense et de sécurité quitte à adopter de nouvelles approches (empruntées au civil ou externalisées au commercial) de « consommation ». C’est ainsi que, encore récemment, Jean-Jacques Dordain a indiqué devant un parterre de MPs que l’ESA – suivant en cela l’exemple des pays signataires de l’OST de 1967, dont la France – assumait une interprétation libérale de la convention qui l’enjoint à poursuivre des activités spatiales « à des fins exclusivement pacifiques » afin précisément de mieux répondre à ces nouvelles utilisations.

2) Très critique de cette évolution – et en cela révélateur d’un malaise persistant à l’égard de la militarisation « non-agressive » de l’espace qu’il est impossible d’ignorer –, l’auteur, journaliste chez NRK, premier organe de presse du pays, est explicitement accusateur. Reste que son propos, qui par endroit véhicule une vision que nous qualifierions de naïve de l’espace militaire et ignore complaisamment certaines réalités, a le mérite d’aborder toutes les facettes de la problématique. Le focus sur les stations terriennes de télécommunications de Norvège dont les services complémentaires sont vendus aux gouvernements et firmes du monde entier, en l’occurrence Svalsat et TrollSat situées respectivement en Arctique (Svalbard) et Antarctique (Terre de la Reine-Maud) – deux territoires soumis à des contraintes juridiques particulières –, offre la possibilité d’élargir notre horizon.

3) Ce n’est pas la première fois que les installations sur Terre qui participent au fonctionnement d’un système spatial font l’objet de controverse. A titre d’exemple, le programme DSP américain a suscité une importante polémique en Australie à la fin des années 1980 lorsqu’il a été accusé, entre autres, de participer à l’initiative de défense stratégique sans que la population souveraine n’ait été mise au courant. Le cas norvégien offre un cas similaire à travers la station radar américaine Globus II située à Vardø à proximité de la frontière russe, officiellement dans le but de surveiller la population de débris en orbite (ici un documentaire sur le sujet). Le gouvernement norvégien s’est montré à tout le moins très réservé avec ses citoyens quant aux implications des opérations qui y sont conduites. Il y a une vraie et importante problématique de transparence et de souveraineté derrière ce sujet. 

Outre qu’il est révélateur d’un programme spatial norvégien ignoré bien que très actif et d’une géopolitique tout aussi mal connue, The Satellite War donne un visage aussi concret qu’actuel à la militarisation de l’espace, loin de certains clichés sur la future « guerre des étoiles ». Il est dommage de ce point de vue que cette impression soit gâchée par le style provocateur de son auteur : il y a un risque à se contenter de jeter de l’huile sur le feu, celui de faire le jeu du grand voisin russe (fait notable, la traduction russe a été assurée grâce aux soins de l’Ambassade de Russie à Oslo).









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire