mardi 3 décembre 2013

Le programme spatial chinois à l’horizon 2020

Le lancement de la sonde Chang’e 3 sur une orbite translunaire, ce 1er décembre, offre une fois de plus l’occasion de mesurer les progrès du programme spatial chinois et d’en apprécier le dynamisme apparent. Avec cette nouvelle mission, entend-on, la Chine deviendra la troisième nation à réussir un alunissage « en douceur » après les Etats-Unis et l’URSS. Beaucoup plus révélateur, à mon sens, est le fait que l’Agence spatiale européenne (ESA) ait mis à disposition de la Chine ses antennes relais pour que celle-ci puisse communiquer avec la sonde durant les étapes cruciales que sont la phase de transit et celle de descente. Inutile de préciser qu’une pareille coopération est inconcevable de l’autre côté de l’Atlantique ; une posture que le risque de sombrer dans le ridicule ne semble pas effrayer.

Le problème est multiple. 1) Il est d’abord culturel et touche à l’interprétation des informations à disposition. Le programme spatial chinois est un mystère dans un labyrinthe. La cause est entendue. Or, le fossé séparant la Chine du reste du monde (occidental) est tel que, trop souvent, la prudence n’est pas de mise et des conclusions sont tirées sur la base d’informations erronées, d’erreurs de traduction et de sources qui d’ordinaire seraient écartées pour leur manque de fiabilité. Encore récemment un article écrit sur un coin de table, basé, qui plus est, sur une discussion de concepts d’origine américaine, était identifié comme étant un rapport interne ultra-secret délivrant un aperçu des ambitions militaires de la Chine envers le cyberespace.

2) D’où le second problème qui a trait aux perceptions et représentations. Sans compréhension de ce qui constitue une source fiable et représentative, la tendance est de trier plus ou moins consciemment pour se concentrer sur ce que l’on connaît, ce que l’on anticipe ; autant dire, le pire. Aussi, il est courant d’imager la Chine en train de s’engager dans un effort spatial comparable à celui des Etats-Unis pour la simple raison que celle-ci est vue comme le compétiteur naturel des Etats-Unis. Pour autant, rien ne permet d’affirmer que ce scénario est plus pertinent qu’un autre. Cette lecture hâtive du spatial chinois est avant tout le fruit d’une conception biaisée, fondée sur l’idée qu’il n’existe qu’un seul et unique modèle pour l’espace – américain d’inspiration.

Pour cette raison, l’initiative de Greg Kulacki de l’Union for Concerned Scientists de procéder à une traduction du rapport « Vision 2020 : The Emerging Trends in Science & Technology and  China’s Strategic Options » de l’académie des sciences de Chine (Chinese Academy of Science, CAS), paru au printemps dernier dans le cadre de la stratégie « Innovation 2020 », doit être saluée. Cette traduction partielle, puisque ne concernant que les parties du rapport qui s’intéressent au spatial, mérite une lecture attentive parce qu’elle rappelle que les dépenses spatiales chinoises sont avant tout évaluées au prorata des bénéfices technologiques, économiques, environnementaux et scientifiques apportés. Pour la CAS, qui milite contre toute préemption des ressources spatiales par les militaires y compris en faveur du programme spatial habité (géré par le DGA), le futur des projets spatiaux dans le court et moyen terme doit rester déterminé par les besoins nationaux et leur contribution au développement harmonieux du pays. Pour reprendre le commentaire de présentation de l’auteur , « The report articulates a strategic vision for Chinese space science and technology that should give pause to U.S. observers who believe Chinese investments in space technology are driven primarily by military objectives ». Pour cause, bien qu’elle soit soutenue par les auteurs du rapport, l’utilisation de l’espace à des fins de sécurité et de défense est largement en retrait par rapport aux préoccupations civiles (changement climatique, gestion durable des ressources, réponse aux catastrophes naturelles, retombées économiques, etc.). Le rapport met également l’accent sur la soutenabilité des activités spatiales (débris spatiaux, surveillance de l’espace et code de conduite porté par l’Europe). Enfin, la CAS préconise une réorganisation radicale de la politique spatiale chinoise afin d’améliorer la coordination des efforts civils et militaires (définition des objectifs, gestion des ressources et partage des données). Pour Kulacki, « Such a development could radically transform China’s current approach to national space policy, including making it more transparent and accountable to the expectations of the international space community ».

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