Le problème est multiple. 1) Il est d’abord
culturel et touche à l’interprétation des informations à disposition. Le programme
spatial chinois est un mystère
dans un labyrinthe. La cause est entendue. Or, le
fossé séparant la Chine du reste du monde (occidental) est tel que, trop
souvent, la prudence
n’est pas de mise et des conclusions sont tirées
sur la base d’informations erronées, d’erreurs de traduction et de sources qui
d’ordinaire seraient écartées pour leur manque de fiabilité. Encore récemment
un article
écrit sur un coin de table, basé, qui plus est, sur une discussion de concepts
d’origine américaine, était identifié comme étant un rapport interne ultra-secret
délivrant un aperçu des ambitions militaires de la Chine envers le cyberespace.
2) D’où le second problème qui a trait
aux perceptions et représentations. Sans compréhension de ce qui constitue une source
fiable et représentative, la tendance est de trier plus ou moins consciemment pour
se concentrer sur ce que l’on connaît, ce que l’on anticipe ; autant dire,
le pire. Aussi, il est courant d’imager la Chine en train de s’engager dans un
effort spatial comparable à celui des Etats-Unis pour la simple raison que
celle-ci est vue comme le compétiteur naturel des Etats-Unis. Pour autant, rien
ne permet d’affirmer que ce scénario est plus pertinent qu’un autre. Cette
lecture hâtive du spatial chinois est avant tout le fruit d’une conception
biaisée, fondée sur l’idée qu’il n’existe qu’un seul et unique modèle pour
l’espace – américain d’inspiration.
Pour cette raison, l’initiative de Greg
Kulacki de l’Union for Concerned Scientists de procéder à une traduction
du rapport « Vision 2020 : The Emerging Trends in Science &
Technology and China’s Strategic Options
» de l’académie des sciences de Chine (Chinese Academy of Science, CAS),
paru au printemps dernier dans le cadre de la stratégie « Innovation
2020 », doit être saluée. Cette traduction partielle, puisque ne
concernant que les parties du rapport qui s’intéressent au spatial, mérite
une lecture attentive parce qu’elle rappelle que les dépenses spatiales
chinoises sont avant tout évaluées au prorata des bénéfices technologiques,
économiques, environnementaux et scientifiques apportés. Pour la CAS, qui
milite contre toute préemption des ressources spatiales par les militaires y
compris en faveur du programme spatial habité (géré par le DGA), le futur des
projets spatiaux dans le court et moyen terme doit rester déterminé par les
besoins nationaux et leur contribution au développement harmonieux du pays. Pour reprendre le commentaire
de présentation de l’auteur , « The
report articulates a strategic vision for Chinese space science and technology
that should give pause to U.S. observers who believe Chinese investments in
space technology are driven primarily by military objectives ». Pour
cause, bien qu’elle soit soutenue par les auteurs du rapport, l’utilisation de l’espace à des fins de sécurité et de
défense est largement en retrait par rapport aux préoccupations civiles (changement
climatique, gestion durable des ressources, réponse aux catastrophes
naturelles, retombées économiques, etc.). Le rapport met également l’accent sur
la soutenabilité des activités spatiales (débris spatiaux, surveillance de l’espace
et code de conduite porté par l’Europe). Enfin, la CAS préconise une
réorganisation radicale de la politique spatiale chinoise afin d’améliorer la
coordination des efforts civils et militaires (définition des objectifs, gestion
des ressources et partage des données). Pour Kulacki, « Such a
development could radically transform China’s current approach to national
space policy, including making it more transparent and accountable to the
expectations of the international space community ».
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