dimanche 20 novembre 2011

La stratégie (spatiale) d’Ender ?


J’ai récemment parcouru un livre de SF bien connu des fans du genre, j’ai nommé Ender’s Game de Orson Scott Card (La stratégie d’Ender en français). Bien que se situant dans une veine déjà bien exploitée, au moins depuis Starship Troopers de Robert A. Heinlein (1959), celle d’une espèce humaine aux prises avec l’ennemi ontologique par excellence, une civilisation extraterrestre de type insectoïde (« formics » ou « buggers ») menaçant sa survie dans le cadre d’une gigantesque guerre intergalactique, le livre surprend par son originalité et la diversité des thèmes utilisés.

A l’image de Starship Troopers, la réflexion sur l’outil militaire, le leadership et la conduite de la guerre est centrale. Et tout comme Starship Troopers avant lui, on peut noter que l’USMC (U.S. Marine Corps) recommande la lecture du livre – comme en témoignent les listes suivantes ici et – expliquant que « Ender’s Game is more than about the difficulty and excitement that competition provides in preparing for combat. There are lessons in training methodology, leadership, and ethics as well ». De fait, Ender’s Game intègre une pensée plus vaste d’ordre philosophique et éthique, tant sur l’utilisation des enfants soldats, que sur la politique, l’internet (voire le blogging, en 1985 !) ou encore la difficulté de communiquer et d’établir un dialogue en relations internationales intergalactiques, le tout dans le cadre d’une projection géopolitique intéressante et plausible.

Mais ce qui m’a surtout frappé, ce sont ces quelques lignes écrites par l’auteur en préface de l’édition de 1991 :  
How would you train soldiers for combat in the future? I didn’t bother thinking of new land-based weapons systems – what was on my mind, after Foundation, was space. Soldiers and commanders would have to think very differently in space, because the old ideas of up and down simply wouldn’t apply anymore.
Le fruit des spéculations d’Orson Scott Card est la « Battle Room » à l’intérieur de laquelle des humains – filles et garçons mélangés – s’entraînent dès le plus jeune âge à faire la guerre dans un environnement d’impesanteur. Cette invention, autour de laquelle l’auteur nous dit avoir construit son premier personnage et l’histoire englobant ce dernier, est intéressante. Après tout, et pour aller plus loin, comment peut-on comprendre la « guerre des étoiles » si nous ne prenons pas conscience des contraintes et des techniques très spécifiques du milieu spatial – mais aussi très différentes de ce dont nous, êtres humains, mammifères terrestres, avons naturellement l’expérience.


Cette tentative est, pour moi, la principale force de l’ouvrage. De fait, elle le situe loin des poncifs du genre et des analogies couramment adoptées – qu’il s’agisse de la SF ou des traités de stratégie spatiale sérieux – pour tenter d’imaginer la « guerre des étoiles » du futur. On voit souvent s’exprimer dans des ouvrages ou articles américains la nécessité d’une approche mahanienne de la stratégie spatiale. Non pas qu’il s’agisse d’essayer d’appliquer à l’espace la théorie que Mahan a dessinée pour la puissance navale au XIXe siècle. Cela est, si ce n’est absurde, en tout cas très limité. Tout comme le sont également les tentatives d’appliquer les autres théoriciens au milieu spatiales, de Corbett à Douhet en passant par Mitchell, etc. Ce qui est perçu comme une nécessité vitale, c’est la construction d’une théorie de la puissance spatiale ayant la stature de la pensée de Mahan.

Pour le moment, malgré les quelques (bons) ouvrages parus sur la question, l’échec semble patent. 

Ce qui me fait justement revenir à la citation donnée plus haut. Si l’on veut penser espace, il faut garder à l’esprit les contraintes techniques et technologiques intrinsèques à ce milieu. Or l’exercice est d’autant plus difficile que 1) nous sommes abreuvés au quotidien par certaines attentes et perceptions, comme celles générées par les Star Wars et autres spectacles stellaires grandioses, et 2) que notre éducation – généralement : sciences sociales ou histoire – a eu tendance à éviter ce genre de formation (orbitologie, etc.). 3) Mais aussi faut-il avouer que :
Dans la guerre, tout est simple, mais le plus simple est difficile.
Clausewitz.

1 commentaire:

  1. "Heureux sont les simples d'esprit car le royaume des cieux leur appartient !"
    RL

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