mercredi 21 mars 2012

Drone spatial : le X-37B, extravagant tout simplement ?

 
Cela fait désormais un peu plus d’un an que l’U.S. Air Force possède un « avion spatial militaire » en orbite. Difficile de donner la définition exacte de ce que doit être un « avion spatial » sinon qu’il s’agit du rêve absolu : le Saint-Graal lui-même.

On tombe généralement d’accord pour désigner une capacité de transport humain, capable non seulement d’être lancée en orbite rapidement et à la demande, mais également d’y manœuvrer de façon extensive. De ce point de vue, le X-37B Orbital Test Vehicle (OTV) n’est pas à proprement parlé un avion spatial, mais plutôt, comme Jean-Luc Lefebvre le fait observer, « un drone aérospatial » (p. 208). Reste que l’entreprise Boeing a indiqué vouloir construire un X-37C plus grand (180%) capable de prendre à son bord six membres d’équipage.

A la vérité nous ne savons pas grand-chose de cette mini-Shuttle réutilisable lancée le 5 mars 2011 de la base de Cape Canaveral à bord d’une fusée Atlas V. Cela explique sans doute l’appétit vorace du public pour la moindre information susceptible de dévoiler un peu le mystère. Il faut dire que les spéculations ne manquent pas, y compris en provenance de grands sites d’information comme BBC, qu’il s’agisse d’espionner le nouveau laboratoire orbital chinois Tiangong-1, de neutraliser les satellites ennemis ou de patrouiller l’orbite basse sinon la galaxie.

1) Des origines

L’OTV a derrière lui une longue carrière passée dans les mains de différentes entités gouvernementales et commerciales.

Il a ainsi vu le jour en 1998 autour du projet X-40 Space Maneuver Vehicle géré en commun par l’USAF et Boeing. A la fin des années 1990, le programme est recueilli par la NASA et réapparaît sous la forme légèrement augmentée (120%) du X-37A. Quatre années et 493 millions de dollars plus tard, le projet est transféré à la DARPA puis classifié. Il ne refait son apparition qu’en 2006 dans ce qui est devenu depuis lors sa maison, l’USAF.

Le premier X-37B, OTV-1, est lancé le 22 avril 2010 depuis Cape Canaveral (Floride) et atterrit de manière autonome le 3 décembre de la même année sur la base de Vandenberg AFB (Californie) après avoir passé 224 jours en orbite. Le second vol a lieu courant mars 2011. A ce jour, OTV-2 est toujours en orbite. Le record a beau être dépassé de 156 jours : toujours aucun signe de retour à l’horizon. Il peut du reste demeurer en orbite aussi longtemps qu’il lui plaira, du moment que le carburant ne vient pas à manquer, la chose dépendant en réalité de la nature de sa mission.

2) Un drone à la recherche d’une mission

Aucune information précise ne circule concernant le contenu de sa mission. Tout au plus savons-nous qu’il s’agit d’un véhicule expérimental chargé de « demonstrate technologies for a reliable, reusable, unmanned space test platform ». Il est toutefois possible de tirer quelques conclusions des éléments qui nous sont connus et que Boeing partage sur son site.

Primary Mission: Experimental test vehicle
Prime Contractor: Boeing
Height: 9 feet, 6 inches (2.9 m)
Length: 29 feet, 3 inches (8.9 m)
Wingspan: 14 feet, 11 inches (4.5 m)
Launch Weight: 11,000 pounds (4,990 kg)
Orbit Range: Low-Earth Orbit, 110 — 500 miles above Earth (~ 200 – 800 km)
Power: Gallium Arsenide Solar Cells with lithium-Ion batteries
Launch Vehicle: United Launch Alliance Atlas V (501)

Le X-37B remplirait ainsi deux missions. 1) La première concerne les technologies contenues à l’intérieur de l’appareil lui-même. En cela, le X-37B se rapprocherait du X-37A original utilisé par la NASA. L’objectif semble reconnu par l’USAF, soit le test de la technologie de rentrée atmosphérique : l’OTV est après tout conçu pour retourner sur Terre par ses propres moyens.

2) La seconde mission n’a pas été révélée officiellement mais étant donné la capacité définie ci-dessus il est probable que des sous-systèmes soient expérimentés dans l’espace pour être inspectés à leur retour sur terre. Il peut s’agir de panneaux solaires, senseurs et autres technologies satellitaires destinés un jour à équiper la future génération de satellites. C’est également ce que l’on peut déduire de sa présence en LEO – l’orbite utilisée par les satellites d’observation – et de l’existence d’une soute de la taille d’un plateau de pickup.

Le X-37B collecterait donc quelques données susceptibles d’intéresser l’armée de l’air. De fait, il n’est pas inintéressant de remarquer que le programme a été sauvé par l’USAF alors que la NASA menaçait de l’abandonner. Cela prouve que l’appareil a une certaine utilité. Et le X-37B ne serait pas aussi utile s’il n’avait pas ce coffre arrière. Un détail d’autant plus crucial dans le contexte post-navette spatial. Pour autant, cela ne signifie pas que ce drone spatial soit prévu pour rester.

Ce qui importe dès lors, c’est autant ce que l’on a mis à l’intérieur, que ce à quoi le X-37 ressemblera lorsqu’il retournera sur la terre. Voilà la vraie question : pourquoi l’USAF a-t-elle besoin de le voir revenir ?

3) Un outil extravagant ?

… et voilà donc aussi le cœur du problème. Une telle mission justifie-t-elle les coûts engagés ? Le fait qu’il soit un drone (i.e. inhabité) n’empêche pas le X-37B de tendre vers l’avion spatial. A ce niveau là, la différence importe peu : l’appareil est réutilisable, ce qui revient à dire qu’il est cher, et surtout cher à lancer (le coût du lancement d’une fusée Atlas V est estimé à 100 millions de dollars). Des alternatives moins dispendieuses existent certainement : pourquoi ne pas envisager par exemple une capsule de type Orion munie d’un parachute ?

Aurait-on alors manqué quelque chose ? Y a-t-il d’autres utilités capables de faire pencher la balance ?

- Une plateforme pour déployer de petits satellites rapidement ?

Le scénario s’inscrit dans un programme ORS (Operationally Responsive Space) et semble donc séduisant mais 1) le X-37 est dépendant d’un EELV (Atlas V, Delta IV), peu susceptible à l’heure actuelle de répondre au critère de lancement rapide à la demande, 2) le X-37B n’a pas assez de place pour prendre en voiture un nombre suffisamment grand de (petits) satellites, 3) le X-37B n’est certainement pas capable d’échapper à la SSA (space situational awareness) de l’adversaire, 4) les alternatives traditionnelles sont plus crédibles et surtout plus abordables en comparaison.

- Un véhicule utilisé pour réparer les astronefs amis ?

Là encore, remarquons que 1) le X-37B navigue beaucoup trop bas en altitude pour pouvoir aborder la plupart des satellites concernés, 2) le X-37B n’a de toute façon qu’une petite soute peu susceptible de convenir à la plupart des satellites/composants militaires (pour prendre un exemple la Shuttle, capable de contenir deux X-37B, était limitée à cet endroit là), 3) et du reste, récupérer un petit satellite à moins de 20 millions de dollars ne fait pas sens économiquement parlant.

- Un véhicule utilisé pour inspecter les astronefs ennemis ?

1) Le X-37, compte tenu de sa taille, ne manquera pas d’être détecté s’il s’approche d’un appareil adversaire en mode ASAT, 2) la capacité d’emport de la soute est trop faible, surtout s’il devient nécessaire d’embarquer un bras robotique, 3) les alternatives sont plus crédibles : plus petites et moins facilement détectables comme MiTEx ou XSS-11.

- Un bombardier spatial ?

1) Le X-37B est trop lent pour correspondre aux critères hyper-cinétiques inhérents au projet de Prompt Global Strike (PGS), et devra donc embarquer un surplus d’explosifs conventionnels – ce qui renforce le problème de la manœuvrabilité déjà limitée (ne serait-ce que parce qu’il faut prendre en charge le carburant nécessaire pour revenir sur terre), 2) le X-37B est trop peu manœuvrable/furtif pour ne pas constituer une proie facile, 3) la soute n’est pas assez grande pour contenir un armement intéressant, 4) quelques X-37B ne suffiront pas à assurer un système de frappe planétaire rapide, 5) et cela sans qu’il soit question des alternatives possibles de type CAV (Common Aero Vehicle), et sans bien sûr parler de la pertinence même du concept de PGS.

Bilan

Pour reprendre les mots de l’Union for Concerned Scientists, une organisation il est vrai très sceptique/critique quant au concept d’avion spatial, le X-37B est… un système extravagant sans mission convaincante. Reste la technologie sur laquelle on ne peut que s’émerveiller !
 
Sources

1) Secure World Foundation
2) UCS
3) USAF
4) Boeing 

Ce billet a été publié précédemment sur AGS.

4 commentaires:

  1. La Chine se lance aussi dans ''l'extravagante'' aventure de l'avion spatial ?

    http://defensetech.org/2012/05/14/closing-the-tech-gap-chinas-spaceplane/

    ''Divine Dragon — or Shenlong — space plane aloft for a successful atmospheric test flight in January, 2011.''

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  2. Merci pour le clin d'oeil. :) A noter que Shenlong bénéficie certainement de la comparaison, même si son rapide développement en a surpris plus d'un. Voir aussi http://www.andrewerickson.com/2012/05/china-signpost-58-shenlong-divine-dragon-takes-flight-is-china-developing-its-first-spaceplane/

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  3. Ces chinois sont les rois de la copie :) Il faut voir maintenant s'il ne s'agit pas d'une coquille vide.

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