samedi 28 avril 2012

« The truth is… I am Iron Man »

Ce billet a été publié sur AGS

Depuis quelques années, un nouveau genre hollywoodien, absent jusqu’alors aussi bien des salles de cinéma que des ouvrages critiques spécialisés, est apparu : le film de super-héros. X-Men, Daredevil, Hulk, Spider-Man, Hellboy, Batman, Fantastic Four, The Green Hornet, Thor, Green Lantern, Captain America, la liste est longue et ne saurait être exhaustive. Ce renouveau est cependant intéressant, je veux dire géopolitiquement parlant. Il l’est d’autant plus si l’on s’attache au phénomène Iron Man
Iron Man premier du nom (John Favreau, 2008) frappe en effet par une originalité certaine dans le paysage des films de super-héros. De fait, l’action débute non pas aux Etats-Unis, mais en Afghanistan. Par ailleurs, le principal fait d’arme du héros ne concerne pas les rues criminelles de l’Amérique à l’intérieur desquelles tout bon avenger se doit de patrouiller, mais un territoire étranger dans lequel la population civile est massacrée et l’armée américaine impuissante. Si le terrain de prédilection de Super Man est Metropolis, celui de Batman, Gotham City, et celui de Spider Man, New York, pour Iron Man, c’est d’abord la périphérie qui importe. Aussi serait-il sans doute envisageable de proposer à partir du film une lecture spécifique de la politique étrangère américaine après la fin de la guerre froide : si l’histoire relate la transformation (un classique du genre !) d’un playboy superficiel en super-héros responsable, elle semble aussi renvoyer à la mission impériale que l’Amérique consommatrice, entrepreneuriale, riche et futile se doit d’assumer.
Encore que Iron Man paraisse plus difficile à cerner. Tout comme Batman, Iron Man ne possède aucun superpouvoir, n’ayant que son intelligence et ses gadgets pour l’aider. Mais à l’inverse du premier dont les deux identités – héroïque et civile – se rejoignent logiquement, le héros (Batman) laissant la place au riche philanthrope (Bruce Wayne) et vice versa, Iron Man/Tony Stark (interprété par l’excellent Robert Downey Jr.) doit effectuer un saut identitaire d’autant plus extrême qu’il est définitif. En effet, Tony Stark est Iron Man, comme l’annonce narcissiquement le personnage à la fin du film lors de la conférence de presse, et Iron Man est Tony Stark, un super-héros sérieux (= puissant) qui agit de manière non sérieuse (= exubérant). Pour cette raison, Iron Man/Tony Stark est aussi un entre-deux. Il a beau entretenir des liens étroits, y compris amicaux, avec les militaires, sa dernière invention (la combinaison Iron Man) n’est pas pour eux, pas plus d’ailleurs qu’elle n’est destinée au marché. Si Stark est à la tête d’une entreprise d’armement, son style n’est certainement pas entrepreneurial : il s’oppose aussi bien aux vendeurs d’armes nationaux (sa propre famille) qu’aux terroristes afghans et au Pentagone (ses clients potentiels). En définitive, Iron Man/Tony Stark refuse de partager. Ce faisant, il protège certes son identité (« The suit and I are one. To turn over the Iron Man suit would be to turn over myself ») et son unicité en tant que super-héros, mais il préserve aussi son monopole impérial face aux forces civiles et militaires. La combinaison, équivalent moderne de l’armure du chevalier, lui permet d’assurer une paix post-nucléaire : « I’m your nuclear deterrent. Its working. We’re safe. America is secure. You want my property? You can’t have it. But I did you a big favor. I’ve successfully privatized world peace ».
C’est en effet par ces mots que Iron Man deuxième du nom (John Favreau, 2010) commence. Pour Iron Man/Tony Stark, l’arme ultime doit être unique si elle veut être morale. Aussi doit-elle rester un prototype à jamais réduit au stade de version béta. Ce qui est d’ailleurs illustré par ses qualités artisanales (Stark invente Iron Man au fond d’une grotte afghane, et il continue plus tard d’améliorer son invention dans le garage/laboratoire de sa villa californienne). Dès lors, la problématique ne peut être que celle de la prolifération.
Le principal intérêt de Iron Man 2, non des moindres si vous voulez mon avis, réside dans la menace multipolaire qui pèse sur Iron Man/l’Amérique. L’idée simple mais puissante est que d’autres acteurs ont la capacité d’avoir accès à la technologie inventée par Stark. Et dès lors, le risque est que ces nations rivales, symbolisées dans le film par le russe Ivan Vanko (interprété par Mickey Rourke), puissent venir limiter les marges de manœuvre du peacekeeper américain. Or tout comme l’Amérique de l’après-guerre froide, Stark n’est pas tout de suite conscient de cela. Qui plus est, le scénario se complique lorsque Stark doit s’inquiéter autant des gouvernements étrangers que de l’Amérique elle-même.

Si jamais le thème de  l’empire américain est présent au cœur du message du film, celui-ci n’est certainement pas interprété par Washington. Pour Stark, la technologie ne doit pas être centralisée, elle doit rester privée. Or Iron Man 2 est non-seulement anti-fédéraliste, il est aussi anticapitaliste. Le marché n’est en effet pas plus pertinent que ne l’est l’Etat. De ce point de vue, Iron Man s’oppose à l’ensemble des acteurs du Iron Triangle du complexe militaro-industriel américain, qu’il s’agisse des politiciens (le sénateur Stern, joué par Garry Shandling), des industriels (Justin Hammer, interprété par Sam Rockwell) ou des militaires.

L’ultime étape de cette construction est incarnée par le fait que le film ne fait pas davantage confiance à Tony Stark. Si Iron Man 1 donne à son personnage la personnalité d’un playboy qui se réinvente une mission de « gendarme du monde », Iron Man 2 voit plutôt en lui un être narcissique, égoïste et arrogant. Autant de termes qui dans notre monde qualifient souvent la superpuissance américaine.

D’où la question présente au cœur du film : comment résoudre cette instabilité multiple ?

Pour maintenir une suprématie technologique, la stratégie généralement adoptée, ainsi de l’Occident face à l’URSS, comporte deux volets, le premier se concentrant sur la R&D (leap ahead), le second préférant un système national et multilatéral de contrôle des exportations (keep them behind). Il en est de même dans Iron Man 2 où la combinaison joue le rôle de technologie duale : selon Stark lui-même, « not a weapon, it’s more of a highly advanced prosthesis ».
1) Le premier volet est illustré par la batterie qui maintient Stark en vie au prix d’un empoisonnement mortel, bien que graduel. Tony Stark doit trouver une nouvelle technologie – une métaphore des énergies renouvelables face aux énergies fossiles – basée sur une source d’énergie alternative. Mais le succès de cette opération, typique d’un quick fix à l’américaine, ne saurait être définitif. De fait, dans le film comme dans la réalité, une solution technologique ne peut pas résoudre un problème à l’origine politique.
2) Iron Man/Tony Stark doit donc envisager une autre méthode : ce dont il a besoin, c’est d’un partenaire. Loin d’être seulement un cliché du genre (Batman/Robin, Green Hornet/Kato, etc.), le sidekick est ici tout un programme : la puissance doit être partagée, car ce n’est qu’ainsi qu’elle peut être contrebalancée. Lutter contre la prolifération revient donc dans le film à faire confiance à des alliés, collaborateurs ou amis. Ce n’est que de cette manière que Iron Man pourra garder l’arme sous contrôle, non seulement de lui-même, mais aussi des autres. C’est aussi de cette façon que le film introduit cette société civile des super-héros qu’est l’initiative Avengers/S.H.I.E.L.D. dont on ne sait d’ailleurs pas trop si Iron Man/Tony Stark en est une nouvelle recrue. 
Contrairement à  l’Amérique de la fin de la guerre froide, notre héros parvient à répondre au défi de la prolifération en s’appuyant sur un des deux piliers traditionnels (keep them behind). Aussi Iron Man 2 finit-il sur une bien étrange boucle : non seulement Iron Man/Tony Stark choisit de combattre avec un partenaire, par ailleurs lieutenant-colonel de l’USAF (son ami James Rhodes, joué par Don Cheadle), disposant d’une combinaison quasi-identique, mais encore abandonne-t-il son aversion pour le gouvernement puisqu’il accepte de recevoir une médaille pour acte de bravoure des mains du sénateur Stern. Quid enfin du S.H.I.E.L.D., agence américaine, organisation onusienne, ou animal d’une espèce inconnue ?

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Pour les curieux, je propose la lecture de Robert Genter, « "With Great Power Comes Great Responsibility": Cold War Culture and the Birth of Marvel Comics », The Journal of Popular Culture, 40, 6, p. 953–978, Décembre 2007… ainsi que le dernier film de super-héros Avengers (Joss Whedon, 2012) sorti en salle mercredi dernier et déjà un hit :

dimanche 22 avril 2012

Photo de la semaine : Discovery goes to Washington


Pendant que nous votons (!!!) en France, un drôle de manège s’effectue dans le ciel des Etats-Unis.

Un an après la mission STS-133, la navette spatiale Discovery a en effet réalisé cette semaine son dernier vol. Après avoir quitté le Centre spatial Kennedy, Floride, pour Washington qu’elle a survolé sur le dos d’un Boeing 747 pendant près de 45 minutes, elle a finalement rejoint les collections du Musée national de l’air et de l’espace de la Smithsonian Institution.
Space Shuttle Discovery DC Fly-Over (201204170045HQ)
Space Shuttle Discovery DC Fly-Over (201204170042HQ)
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Space shuttle Discovery over National Mall
Discovery a par ailleurs croisé la navette prototype Enterprise elle-même en route, sauf imprévus météorologiques, vers New York où l’attendent les visiteurs du musée de la ville dédié à l’histoire maritime, aérospatiale et militaire des Etats-Unis après quelques années passées au Smithsonian. Quant aux deux autres navettes, Endeavour et Atlantis, elles rejoindront très prochainement le musée scientifique de Los Angeles, Californie, et le Centre des visiteurs du KSC, Floride.
Pour plus d’images, voir les deux reportages photos du Washington Post, « Discovery flies over the D.C. area » du 17 avril et « Smithsonian welcomes space shuttle Discovery » daté du 19. Voir également la galerie Flickr de la NASA.

Ces images ont provoqué un enthousiasme et un regain d’intérêt certains, tout comme elles n’ont évidemment pas manqué de susciter la polémique. Charles Krauthammer du Washington Post a profité de l’événement pour tirer à boulets rouges sur l’administration Obama en publiant une colonne incendiaire ce vendredi. Pour le commentateur conservateur, la mise au musée de Discovery équivaut aux funérailles du programme spatial américain. « Is there a better symbol of willed American decline? The pity is not Discovery’s retirement — beautiful as it was, the shuttle proved too expensive and risky to operate — but that it died without a successor » écrit-il ainsi. Des propos que Panama Hat lui-même n’aurait sans doute pas contredits. Qu’en est-il du Space Launch System (SLS), du Multi-Purpose Crew Vehicle (MPCV) et des plans de la NASA pour envoyer une mission vers un astéroïde d’ici 2025 ? Les réalités budgétaires étant ce qu’elles sont, Krauthammer est sceptique : « Considering that Constellation did not last even five years between birth and cancellation, don’t hold your breath for the asteroid landing ». Quant aux nouvelles entités commerciales, c’est très bien, mais ce qui est importe, ce n’est pas tant le transport de marchandises que le symbole ; et sur ce point, « manned flight is infinitely more complex and risky, requiring massive redundancy and inevitably larger expenditures ».

La réaction de la Maison Blanche n’a pas tardé. Le directeur de la NASA, Charles Bolden, et John Holdren du Office of Science and Technology Policy ont tous deux signé une tribune diffusée sur internet dans laquelle il note que « nothing could be further from the truth ». Pour eux, cette caractérisation est tout sauf justifiée : les Chinois sur la Lune en 2025 ? « How absurd! Neil Armstrong and Buzz Aldrin walked on the Moon in 1969. How does China managing this feat fifty-six years later, if this happens, amount to “overtaking” us? ». La fin du programme Shuttle ?  « it was President Bush, not President Obama who ended the shuttle program ». La suppression du programme Constellation ? Nécessaire, car « behind schedule and over budget » : « we have kept the parts of it that made sense ». Reste une question : pourquoi être ainsi descendu dans l’arène ? Selon le blog Space Politics, « It suggests that the administration is perhaps a little sensitive to criticism of this era of transition for human spaceflight, particularly in an election year ».

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A propos du futur du programme spatial américain, je rappelle que le 30 avril prochain SpaceX (10 ans d’existence !) procèdera au premier lancement de la capsule Dragon en direction de l’ISS. J’en profite également pour signaler l’apparition d’une nouvelle star-up spatiale dont l’annonce officielle devrait être faite mardi. Quelques détails ont d’ores et déjà filtré, notamment en ce qui concerne l’exploitation minière d’astéroïdes.  Comme il est désormais d’usage dans l’espace (voir le dernier exemple en date ; d’ailleurs, humour : savez-vous comment devenir millionnaire grâce au spatial ? demandez aux milliardaires qui investissent), Planetary Resources – c’est son nom – inclut également quelques grands hommes : Larry Page, Eric Schmidt, Charles Simonyi, Peter Diamandis, et beaucoup d’autres, ainsi qu’une surprise, le cinéaste et explorateur des fonds marins, James Cameron. Stay tuned !

mercredi 18 avril 2012

Le satellite et Hollywood : petit guide exploratoire


Le dernier DSI Hors-Série n°23 (avril-mai 2012) consacré à la guerre de demain vient de paraître (consultable ici). Quatre grands thèmes sont traités regroupant ainsi quelques 25 textes organisés autour de « Technologie et innovation », « Frapper et combattre », « Observer et commander » et « Se projeter ». J’introduis pour ma part la problématique spatiale à travers un article sobrement intitulé « Espace militaire : situation actuelle, tendance à venir ». Je m’essaye à faire le bilan d’un demi-siècle d’expériences, de malentendus et de préjugés sur l’avenir du spatial, avant de « risquer » à mon tour une tentative d’analyse de futurologie et de prospective sur les 15-20 prochaines années.

Ce billet servira ici de complément de réflexion, ou plutôt d’illustration à l’article commis chez DSI. Tout comme dans ce dernier, le satellite y joue en effet le rôle principal.

Compagnon fidèle, sentinelle infatigable, le satellite est le véhicule spatial par excellence. De fait, même si l’origine étymologique (satelles) a beau n’être pas certaine, son « sens est clair : le mot désigne un garde du corps, un soldat, un auxiliaire, voire un complice » pour reprendre les mots de Jacques Arnould dans La Terre d’un clic. Du bon usage des satellites. Pour les Russes, il est le sputnik, le « compagnon de voyage » ; pour les Chinois, le wei xing, « l’astre gardien » ; pour les grecs enfin, il est dit doryphoros, ce garde du corps « armé d’une lance ».

Sans doute les 5000 satellites ayant rejoint l’orbite terrestre depuis 1957 méritent-ils ces noms. Encore que Hollywood a aussi son mot à dire. L’industrie du divertissement la plus puissante de la planète n’est en effet pas étrangère à la popularisation du satellite en tant que tel, tout comme elle n’hésite pas à lui donner un sens qui s’impose à lui en dépit des limitations technologiques et des lois de la physique. Florilège et commentaires. 

ICE STATION ZEBRA (Destination Zebra, station polaire, 1968)
File:Icestationzebra.jpg
Synopsis : Suite à un dysfonctionnement, une pellicule tombe d’un satellite-espion soviétique dans l’Arctique et aussitôt une course est déclenchée entre les deux Grands pour tâcher de la récupérer. Véritable MacGuffin, la bobine est censée contenir des photographies d’installations militaires soviétiques prises par inadvertance, expliquant donc l’appétit occidental. Inutile de dire cependant que l’Occident possède ses propres satellites. Cette course semble en outre d’autant plus gratuite qu’un agent britannique explique que le satellite russe fonctionne à partir de technologies occidentales volées.

Reste que la base du scénario n’est pas totalement invraisemblable. Les communications radios n’étant pas suffisamment développées, les premiers satellites américains et soviétiques fonctionnaient effectivement de cette manière, renvoyant depuis l’orbite terrestre les pellicules des films pris durant leur survol de la cible. Freinées par un parachute, celles-ci étant ensuite récupérées en l’air (par l’intermédiaire d’un filin dans le cas des Etats-Unis) ou au sol (dans le cas de l’URSS). En outre, à en croire un document déclassifié de la NRO (p. 155), en avril 1959, une pellicule renvoyée sur terre par un satellite Corona/Discoverer atterrit par erreur dans l’Océan Arctique et fut possiblement récupérée par des agents soviétiques (un conseiller technique du film aurait eu accès à cette information).



PATRIOT GAMES (Jeux de guerre, 1992)
File:Patriot Games theatrical poster.jpg
Synopsis : Basé sur le techno-thriller éponyme de Tom Clancy, le film fait suite à The Hunt for Red October (À la poursuite d'Octobre rouge, 1984) à la différence que le personnage de Jack Ryan est cette fois-ci interprété par Harrison Ford et non plus Alec Baldwin. Toutefois alors qu’il n’était que très brièvement fait mention de capacités d’observation spatiale dans le précédent (quelques photographies du sous-marin quittant son port d’attache), ici, le satellite est au cœur de l’intrigue. Grâce à celui-ci la CIA peut en effet suivre l’entraînement des terroristes irlandais de l’IRA dans les camps libyens et même diffuser en direct l’intervention des forces spéciales américaines.

Fait suffisamment rare pour être noter, Hollywood tâche avec ce film d’avoir le réalisme de son côté. L’imagerie satellitaire n’est pas montrée comme omnipotente : les détails ne sont pas forcément visibles sur les quelques images disponibles (il est vrai en couleur et non en N&B comme dans la réalité), et Ryan et les photo-interprètes qui l’accompagnent doivent comparer, la plupart du temps avec un microscope, et faire plusieurs suppositions avant de parvenir à identifier une femme (par sa morphologie) et un homme (grâce à sa calvitie). Qui plus est, les terroristes ne sont pas passifs : ils savent lorsqu’un satellite les survole et se cachent donc pour échapper à la détection. Afin d’intégrer un élément de surprise dans ce jeu du chat et de la souris, Ryan propose que les satellites soient reprogrammés provoquant la colère d’un représentant de la CIA : « Do you have any idea how big a deal it is to retask the satellites? ». Patriot Games n’en concède pas moins beaucoup de terrain à la science fiction : dans une scène devenue fameuse, un satellite fournit à l’équipe présente à Washington le suivi par vidéo, en direct et de nuit de l’attaque contre le camp terroriste.



ENEMY OF THE STATE (Ennemi d'État, 1998)
File:Enemy of the State.jpg
Synopsis : Le film Enemy of the State joue sur une tout autre dimension, également présente dans le livre de Jacques Arnould cité un peu plus haut. Le satellite y est représenté comme l’équivalent à la fois du Big Brother imaginé par Orwell et du panoptique (panopticon) décrit par Jeremy Bentham. A l’origine de cette révolution paranoïaque se trouve la NSA (National Security Agency) capable dans le film de prendre le contrôle des satellites américains et ainsi de suivre n’importe quel individu, dont le héros joué par Will Smith et son acolyte interprété par Gene Hackman. Repositionnés au-dessus de la capitale fédérale, les satellites délivrent en effet à leurs maîtres de la NSA une information en direct et en continu de la situation.

Le problème est qu’un satellite d’observation ne fait pas du surplace. Les fameux Key Hole américains naviguent par exemple en orbite basse, ce qu’il leur permet certes d’être au plus près de la cible, mais les conduit également à passer à très grande vitesse au-dessus d’elle. Résultat : il est impossible de suivre à la trace un objet ou un individu. A cela s’ajoute le risque météorologique (la couverture nuageuse, très importante si j’en juge l’état du ciel dans la plupart des scènes du film) qui bloque la vision du satellite, de même que la résolution qui n’est par définition maximale que lorsque le satellite est au zénith (juste au-dessus de la cible), qui ne laissent en définitive qu’une minuscule window of opportunity au bad guys. Dernier point : la NSA ne fait qu’intercepter les communications et aucun satellite ne lui appartient. N’en demeure pas moins une problématique fort intéressante sinon originale sur la surveillance dans nos sociétés modernes : « who's gonna monitor the monitors of the monitors? » demande la femme du héros, qui gardera les gardiens ? 



THE WORLD IS NOT ENOUGH (Le monde ne suffit pas, 1999)
File:World-is-not-enoughposter.jpg
Je ne pouvais parler de cinéma et de technologie sans évoquer James Bond. La mention sera cependant brève car bien que le film illustre, à l’image de tous les 007, une géographie mondialisée (Grande-Bretagne, Azerbaïdjan,  Kazakhstan, Russie, mer Caspienne, Istanbul) il n’est pas cette fois-ci question d’espace (pour cela, mais cela serait aller au-delà du mandat que ce billet s’est fixé, préférer Moonraker et sa bataille dans l’espace ou GoldenEye et son satellite ex-soviétique EMP). Dans The World Is Not Enough, le satellite n’est intégré dans le scénario que lors de la scène finale du repos du guerrier. Je ne m’interrogerai pas sur les possibilités techniques de la chose, simplement : depuis quand la Grande-Bretagne a-t-elle un satellite espion ?

lundi 9 avril 2012

« Jeux d’influences en Somalie »

Vous êtes conviés au quinzième numéro des cafés stratégiques. Jeudi prochain ce sera en effet au tour de la Corne de l’Afrique d’être mise à l’honneur, avec Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS/CERI Sciences Po, pour évoquer les jeux d’influences observables en Somalie.
Afin d’aiguiser votre appétit, je vous soumets ce soir deux choses : 

- à votre curiosité joffre tout d’abord le billet promotionnel préparé par Sonia sur Good Morning Afrika, de même que plus largement le blog lui-même avec ses nombreux et très intéressants articles ; 

- à votre sagacité j’offre enfin ces quelques lignes sur l’Afrique du grand maître ès-RI américain Kenneth Waltz :
You know, I did not set out to be an international politics person. I started out to be a political philosopher; but there were not any jobs available, and they were in the field of international politics, so that is how I ended up in international politics. When I did, my wife and I realized you cannot pay attention to everything, so I said to myself “one continent that I am going to leave aside is Africa.” I preferred to concentrate on Europe and China. I did a pretty good deal of work on China because I saw it ripe to become one of the most important parts of the world of which I knew nothing. So, I proceeded to do a lot of work on China in order to know something about it. But Africa is kind of a blank spot for me, apart from casual observation. Even though, I would say that the whole notion of anarchy applies very well to Africa.
In fact, a criticism people used to make to me was that Africa was clearly an anarchic arena, and yet African states did not fight much among themselves. How, then, would a Realist like myself explain that? Well, I did by invoking Turney-High’s book in anthropology, which was published—I believe—in the 1920s. There, he made the very valid point that countries have to obtain a certain level of self-consciousness as being a political entity, and a certain level of competence before they are able to fight one another. Turney-High’s illustration was very clear with his study of the peoples he referred to as the “Californians,” who were such a primitive people that they did not have the ability to form groups or fight as a group. A consciousness and competence at a certain level is needed before a group is able to systematically impose on another group—whether in the form of warfare or in other ways. I think that, for a long time, Africa was in that condition, and that, as it proceeds away from that condition, African countries will be able to fight wars against one another. In a historical sense, though, that is an implication of advancement.
in Theory Talk #40: Kenneth Waltz - Economic Theory & International Politics
Rendez-vous jeudi 12 avril 2012 de 19h à 21h (entrée libre), Café Le Concorde, métro Assemblée nationale, 239, boulevard Saint-Germain 75007 Paris.

mercredi 4 avril 2012

« Power is Power ». Le Game of Thrones revient.


Game of Thrones season 2 key art.jpg 
Il y a quelques mois, De la Terre à la Lune s’était emparé du dernier succès télévisé de la chaîne américaine HBO. Aujourd’hui que Game of Thrones (GoT) est de retour sur les écrans, je n’ai pas l’intention de vous incommoder une fois encore avec mes lectures (géo)politiques de la saga. Que l’on me permette toutefois certaines remarques.

Je dois constater que 16 ans après la publication du premier livre par George R. R. Martin, GoT est devenu un vrai phénomène mainstream dont témoignent de multiples publications aussi bien culturelles, allant de The Atlantic jusqu’à The New Yorker, que - du moins nous concernant - de relations internationales à l’image du magazine Foreign Policy et… de manière plus surprenante la très vénérable revue Foreign Affairs publiée par le Council on Foreign Relations (CFR) depuis 1922. Il faut de fait reconnaître à GoT une réelle profondeur qu’un simple résumé scénaristique, aussi excellent qu’il puisse être, ainsi de celui commis par l’allié Electrosphère que je salue, ne rend que difficilement compte. De ce point de vue Foreign Affairs a eu raison de mettre les bouchées doubles avec :


- « Game of Thrones as Theory. It’s Not as Realist as It Seems -- And That’s Good », de Charli Carpenter, par ailleurs bloggeuse sur le Duck

L’internationaliste que je suis a bien entendu apprécié le jeu de mot, du « réalisme » comme théorie de RI, et du « réalisme » comme posture historique et littéraire. A propos du second, à regarder le premier épisode intitulé « The North Remembers », on ne pourra que louer le sérieux des techniciens, ouvriers et artisans qui apparaît sous un nouveau jour lorsque nous est offerte, à la dixième minute, une scène avec à l’arrière fond quelques reproductions peintes évocatrices de la fameuse Bataille de San Romano du peintre italien Paolo Uccello.
Fichier:Paolo Uccello 023.jpg

En ce qui concerne l’appréciation des « leçons » de la série, sujet du second article, le premier épisode n’élude pas la question. Ainsi lorsque Petyr « Little Finger » Baelish (interprété par Aidan Gillen) lance à la Reine (joué par Lena Headey) que « Knowledge is Power », celle-ci n’a aucun mal à lui rappeler, à la pointe de l’épée, que « Power is Power » (1:47)



Ce thème constituera certainement le fil directeur de la saison 2 de Game of Thrones. J’en veux pour preuve l’allégorie dite du « prêtre » que l’on peut lire dans le deuxième tome de la saga et qui est illustrée par la bande annonce suivante :



In a room sit three great men, a king, a priest, and a rich man with his gold. Between them stands a sellsword, a little man of common birth and no great mind. Each of the great ones bids him slay the other two. "Do it," says the king, "for I am your lawful ruler." "Do it," says the priest, "for I command you in the names of the gods." "Do it," says the rich man, "and all this gold shall be yours." So tell me—who lives and who dies?

Il est facile d’interpréter ces quelques lignes sous l’angle réaliste. Néanmoins une lecture constructiviste n’est pas non plus à rejeter. Le lecteur curieux pourra toujours jeter un œil à mes précédents billets sur le sujet :




En attendant, le « Game of Thrones » va continuer son cours. Le plateau de jeu s’est étendu pour englober l’ensemble de Westeros, ses marges littorales et ses confins nordiques, ainsi qu’une grande partie du continent oriental. Les pions – soldats ou chevaliers – sont plus nombreux, de même que les rois – et les reines – aux prises avec le « Clash of Kings » qu’ils servent. Aucun volonté de spoiler de ma part, néanmoins, et pour empêcher toute illusion après ce premier épisode de la saison 2, j’offre cet avertissement gratuit : Ned Stark n’était que le premier…

lundi 2 avril 2012

En avril : Café-défense à Lille, mardi de l’espace à Paris

L’aventure spatiale est par nature une aventure collective. Aussi ce blog participe-t-il autant que faire se peut à la diffusion de l’information pertinente, qu’elle soit incarnée dans un événement, un site, une exposition ou un ouvrage récent, consacrée à la conquête du Cosmos. Je l’ai déjà fait à l’occasion sur ce blog et son support twitter, ainsi de festival, de livre, d’émission télévisée ou de conférence-débat, je continuerai de le faire dans l’avenir. Une adresse mail est disponible à cet effet à votre gauche.

Ad Astra, ai-je choisi pour introduire ce blog…
… à en croire certains esprits bornés […] l’humanité serait renfermée dans un cercle de Popilius qu’elle ne saurait franchir, et condamnée à végéter sur ce globe sans jamais pouvoir s’élancer dans les espaces planétaires ! Il n’en est rien ! On va aller à la Lune, on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement, et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la Lune !
 Jules Verne, De la Terre à la Lune
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Principal objet de ce billet, je signale donc la prochaine organisation, le 5 avril prochain, d’un Café-défense consacré à l’arsenalisationde l’espace. Les Lillois intéressés pourront y rencontrer le colonel Lefebvre (IRSEM) auteur notamment de Stratégie spatiale
J’en profite également pour rappeler la tenue mensuelle à Paris des « Mardis de l’espace ». La dernière soirée était consacrée à la dimension politique, sociale et économique de l’aventure spatiale. Le 17 avril prochain ce sera au tour de « la station spatiale internationale, un laboratoire dans l’espace » d’être mise à l’honneur. L’astronaute français Leopold Eyharts sera présent pour parler de son expérience à bord de la station Mir et de l’ISS.
Affiche des mardis de l'espace