samedi 19 janvier 2013

Retour de l’actualité : des résolutions sur tous les tons pour l’année 2013

CHAMPAGNE ?

Premier tir de l’année, tel un bouchon de champagne, un lanceur léger russe Rokot a décollé ce mardi depuis le cosmodrome de Plessetsk dans la région d’Arkhanguelsk pour placer avec succès – et non sans soulagement – trois satellites militaires Kosmos en orbite à 1400 km d’altitude. Initialement prévu début décembre, le lancement avait été reporté au 15 janvier 2013 suite à une défaillance au niveau de l’étage Briz-KM lors du lancement de Yamal 402. Le satellite de télécommunication, dont la durée de vie ne serait plus que de 11 années contre 15 originellement, est aujourd’hui apte aux opérations. Rokot – ci-dessous – est un lanceur de deux étages reconverti sur la base du missile balistique RS-18 actuellement retiré des arsenaux russes. Le premier lancement de Rokot a eu lieu le 16 mai 2000. 16 lancements ont été effectués depuis lors. Cette fois-ci, le véhicule transporte la constellation de satellites de communication militaire Rodnik-S/Strela-3M. A noter que l’étage Briz mis en défaut à de nombreuses reprises ces dernières années aurait à nouveau dysfonctionné lors de ce lancement. 
ESPOIR

Il y a des images dont on use et on re-use. Les habitués de ce blog reconnaîtront ainsi sans mal cette photographie prise par Apollo 8 lors de son voyage circumlunaire de Noël 1968. Listé parmi les « 100 photographies qui ont changé le monde » par le magazine Life, ce Lever de la Terre (« Earthrise ») est porteur d’une double prise de conscience : 1) la perspective spatiale englobe : depuis l’espace, la Terre ne fait qu’une, nulle frontière humaine ne vient en effet s’offrir à l’œil nu, 2) le point de vue spatial dépasse : l’horizon limité du terrien est d’autant plus local et provincial lorsque comparé à l’immensité noire. Globe magnifique, notre planète est ce vaisseau spatial (« Spaceship Earth » pour les anglo-saxons) qui nous fait voyager au sein de l’univers au gré des forces cosmiques, nous protège des tempêtes et nous épargne les catastrophes. Nous sommes tous embarqués. Ce phénomène cosmopolite que les astronautes qualifient de « Overview Effect » a récemment fait l’objet d’une série de communications à l’occasion d’une republication, ainsi de cette vidéo…


HUMOUR

La Maison Blanche a annoncé dans une réponse intitulée, non sans humour, « This Isn't the Petition Response You’re Looking For », qu’elle n’autorisera pas cette année la construction d’une Etoile de la Mort (« Death Star »). Cette nouvelle – que d’aucuns peuvent comprendre : pourquoi après tout le contribuable financerait-il une arme avec une faille pouvant être exploitée par un seul homme, serait-il un Jedi ; si l’Empire n’a rien compris des leçons du premier épisode, il est inutile de croire que la Terre fera la même erreur – a sans doute suscité la déception des 34 435 signataires de la pétition déposée sur le site « We the People ». Paul Shawcross, du trésor américain (le très austère et puissant OMB), plus connu par la communauté spatiale pour ses décisions allant parfois à l’encontre des désirs de la NASA, a su ainsi mélanger humour et sérieux pour rappeler combien la réalité avait rejoint ces dernières années l’imagination : de l’ISS, aux robots martiens – dont un possède un laser –, en passant par les sondes Voyager sur le point de quitter notre système solaire. A noter que le mois dernier, une pétition pour construire le vaisseau spatial Enterprise de la série télévisée Star Trek a été lancée. Elle a jusqu’au 21 janvier pour rassembler 25 000 signatures, le minimum requis pour provoquer une réponse de l’administration Obama.


INQUIETUDE

2013 aura également son lot de nouvelles inquiétantes. Ainsi, selon de nombreuses sources, gouvernementales et expertes, les Etats-Unis sont aujourd’hui préoccupés au plus haut niveau de l’Etat par la possibilité de voir la Chine opérer un nouveau test antisatellite. Si à notre connaissance rien n’est arrivé le 11 janvier dernier, un rapport américain, jugé crédible, relayé depuis septembre dernier, aurait néanmoins agité le risque de voir les ambitions chinoises remettre en cause les intérêts américains dont la flotte de satellites – on parle dans ce cas présent de la constellation GPS située en MEO – est particulièrement vulnérable à un tir de missile. 


NOUVEAUTE

Pour la nouvelle année, au bar, il faut offrir une tournée. L’exploration spatiale ne fait pas exception : quatre différents systèmes seront ainsi lancés en 2013, venant rejoindre la dizaine + de véhicules spatiaux qui poursuivent aujourd’hui leur mission d’exploration du système solaire et de ses occupants.
1) Chang’e 3 constituera sans doute le clou du spectacle. Contrairement aux deux sondes précédentes qui étaient des orbiteurs, Chang’e 3, 1 200 kg, doit atterrir sur la Lune pour y déployer un engin mobile, un rover de 120 kg, chargé d’explorer la surface de notre satellite. Le pays deviendra alors la troisième nation à faire atterrir en douceur un engin sur la surface lunaire. 
2) C’est également avec la Lune en ligne de mire que la petite sonde de 130 kg de la NASA, LADEE (Lunar Atmosphere and Dust Environment Explorer), s’envolera. Elle restera en orbite autour de notre satellite pendant 160 jours, le temps notamment d’analyser sa très fine atmosphère, ainsi la poussière lunaire.
3) Afin de profiter de la fenêtre de lancement qui s’ouvre avec Mars en 2013 à partir de novembre, la NASA lancera la sonde MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN) dans le but de comprendre l’histoire du climat de la planète rouge, la disparition de son atmosphère et les interactions entre l’atmosphère résiduelle et le vent solaire. Comme la plupart des missions américaines d’exploration, MAVEN dispose d’un compte twitter. 
4) Enfin, last but not least, l’Inde lancera en novembre prochain une Mars Orbiter Mission de 1350 kg. Simple et modeste en comparaison de Curiosity, il s’agira avant tout pour l’Inde d’apprendre. Cette première mission dans l’espace profond est aussi symbolique.
A cela s’ajoute, voir l’image ci-dessus, l’accord officiellement signé le 16 janvier entre la NASA et l’ESA quant au module de service propulsant la capsule Orion : pour la première fois aux Etats-Unis, un élément essentiel, nécessaire pour obtenir le résultat désiré le long du « critical path », est confié à un autre pays. Le module de service sera dérivé des technologies acquises par l’ESA lors du développement du cargo automatique ATV dont le cinquième vol sera aussi le dernier. Le premier vol circumlunaire de la capsule Orion propulsée par le module européen aura lieu en 2017.


OPPORTUNITE

Une fois n’est pas coutume, place non au cinéma mais à la pub ! La marque Axe, fameuse pour ses déodorants, shampoings et autres savons pour hommes, a choisi de célébrer sa trentième bougie de manière originale en offrant la possibilité à ses fans de partir à la conquête de l’espace. Organisé en deux étapes dans 60 pays différents, un jeu concours est ainsi proposé avec pour objectif de gagner dans un premier temps une place pour le camp d’entraînement d’élite de l’Axe Apollo Space Academy (AASA) situé en Floride (cinq tickets étant ici alloués à la France) pour ensuite figurer, après trois jours d’exercices intensifs, parmi les 22 passagers (dont un Français) qui prendront place à bord de l’avion-fusée Lynx de l’entreprise XCOR et seront expédiés à 103 km d’altitude.

AXE ne s’est rien refusé : outre un porte parole prestigieux, Buzz Aldrin, pour qui « Space travel for everyone is the next frontier in the human experience […] I’m thrilled that AXE is giving the young people of today such an extraordinary opportunity to experience some of what I've encountered in space », la firme de déodorant mène actuellement une campagne de communication efficace visant à assurer le buzz, tout en mettant en lumière ses nouveaux produits. S’agissant de la France, elle n’a ainsi pas hésité à s’offrir les services de l’acteur Neil Patrick Harris (« How I Met Your Mother »).

Pour Andrew Nelson, de XCOR Aerospace, « When a global brand leader like Unilever makes a significant commitment to a product like our Lynx, it is a clear sign that commercial spaceflight has entered the main stream of worldwide commerce and truly is the Next Big Thing ». A travers XCOR ou Virgin Galactic, 2013 pourrait en effet bien marquer les débuts effectifs du tourisme spatial… 

2 commentaires:

  1. Y-a-il une raison particulière pour que le cosmodrome de Plessetsk à une latitude si septentrionale ?

    Kourou et Alcantara sont loués pour leur position sur l'Equateur, mais alors Plessetsk - hormis la volonté de posséder un pas de tir sur son sol - m'apparait comme une aberration.

    Par ailleurs, quelqu'un a-t-il songé à l'Agence Spatiale Européenne, que lorsqu'Orion habité sera lancé, les Américains vont se foutre de la collaboration européenne et simplement rappeler que l'Amérique est de retour dans l'espace ? (la gloire, c'est comme une brosse à dents, ça ne se partage pas...)

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  2. Les raisons ayant participé au choix de Plesetsk sont liées à l’histoire de la base elle-même. Celle-ci est en effet à l’origine une base de missiles, deux nécessités découlant de cela : la proximité avec l’Océan Arctique – le chemin le plus court vers les Etats-Unis – et le choix d’un lieu désertique – garantie du secret. Lorsque l’URSS a décidé en 1960 de faire de Plesetsk la principale base de lancement de satellites militaires, cette seconde caractéristique a sans doute été perçue comme une qualité évidente, à la nécessité du secret s’ajoutant la question des retombées de débris dans une zone inhabitée. Après l’effondrement du régime, le fait que le cosmodrome soit situé sur le territoire russe, garantie d’indépendance par rapport à Baikonour, a pu également jouer en sa faveur. Certes, comme vous le dites, Plesetsk, 62° de latitude, n’est pas un emplacement idéal notamment si on le compare avec Kourou. Mais je serais tenter de relativiser : il est en effet excellent pour ce qui concerne les orbites à fortes inclinaisons – par exemple l’orbite polaire (90°) et l’orbite de Molniya (63,4°) – dont la couverture est plus intéressante pour la Russie que les orbites plus traditionnelles.

    S’agissant du partenariat ESA/NASA sur le système Orion, je suis sûr que nombreuses sont les personnes à partager votre avis. Le fait est que, par exemple, la France s’est longtemps opposée à ce projet préférant lui substituer quelque chose de plus ambitieux qui n’immobilise pas de l’argent dans des projets ruineux finissant sur une impasse. D’ailleurs elle ne finance que 20% d’Orion à comparer avec les 27% d’ordinaire investis dans l’ISS et les 40% de l’Allemagne. Mais il y a ce qu’on appelle – comme la dernière ministérielle a pu le montrer – l’art du compromis. Je crois qu’au fond l’ESA s’est lancé un pari, celui de créer un véritable partenariat trans-Atlantique d’exploration de longue durée au risque d’apparaître dans les premiers temps comme un « junior partner » mais avec la possibilité d’obtenir un jour un statut d’égal. Réponse en 2017, on sera alors si la NASA souhaite poursuivre cette coopération… ou non.

    Cordialement,

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