Diffusée presque 35 ans après la série originale animée par Carl Sagan, Cosmos :A Spacetime Odyssey vient donc de se terminer le 8 juin dernier. Et comme à l’accoutumée, ce dernier épisode a offert l’occasion de rendre un hommage vibrant au scientifique et astronome américain disparu en 1996. Preuve que la référence au « point bleu pâle » perdu dans l’immensité du cosmos continue plus que jamais à porter avec succès le message d’humilité et de scepticisme de Sagan et à inciter les spectateurs à poursuivre leur exploration et découverte de ce que l’univers a encore à offrir à l’humanité de déroutant et de merveilleux.
Ce final a le mérite d’être cohérent. Car la tâche que s’est
donné ce nouveau Cosmos tout au long
de treize épisodes de 50 minutes chacun n’est pas simplement cosmétique. Il ne
s’agit pas seulement de faire du neuf avec du vieux en présentant des effets
spéciaux naturellement plus spectaculaires que ceux utilisés au début des
années 1980 et en mettant en scène un nouveau « spaceship of the imagination fueled
by equal parts of science and wonder » à l’apparence plus lisse et un « cosmic calendar »
retravaillé plus en phase avec le goût du jour.
Pour cause, si la matière est la même, l’objectif, lui, a
quelque peu changé. Il s’agit désormais moins d’enseigner ou de vulgariser la
science auprès des nouvelles générations que d’inspirer. Le but est de
présenter la science d’une manière qui puisse faire sens pour les téléspectateurs.
« America has always been a nation of fearless explorers, who dreamed
bigger and reached farther than others imagined, avait ainsi déclaré le président Obama en introduction du
premier épisode, That’s the spirit of discovery that Carl Sagan captured in the
original Cosmos. Today we are doing everything we
can to bring that sense of possibility to a new generation ». Or qui mieux de ce point
de vue que Neil deGrasse Tyson pour jouer le rôle autrefois endossé par Sagan ?
L’individu est surtout connu aujourd’hui pour ses multiples
apparitions à l’écran (qu’il s’agisse de shows télévisés ou de séries comme
dans The Big Bang Theory ou Stargate Atlantis), ses remarques
caustiques que les internautes s’amusent à immortaliser à coup de memes ou
les statistiques impressionnantes de son compte Twitter, mais il est notable que, lorsque
Tyson obtient son Ph.D. en astrophysique en 1991, le nombre d’astrophysiciens Noirs
américains passe de 6 à 7. Il n’est pas étonnant que sa nomination à la tête du
planétarium Hayden à l’American Museum of Natural History de New York en 1996 ait
été vécue comme une véritable révolution : de l’avis de beaucoup, jamais
depuis Benjamin
Banneker un Afro-Américain n’avait atteint une position scientifique aussi
prééminente.
Cette réussite est, selon Tyson lui-même –
ainsi qu’il en fait le témoignage autobiographique dans The
Sky Is Not the Limit –, la preuve qu’aucune activité de l’effort humain n’est hors de portée pour qui
s’en donne la peine, et ce quelle que soit son origine sociale ou ethnique, ou
son sexe. Un constat que le nouveau Cosmos
s’essaye à confirmer à travers les récits de vie d’Isaac Newton, Michael
Faraday, Joseph von Fraunhofer, les Harvard Computers
et autre Cecilia Payne-Gaposchkin : cela est d’ailleurs rendu explicite
dès le premier épisode qui relate la rencontre – décisive aux dires
de Tyson – entre l’adolescent du Bronx qu’il était alors au milieu des années
1970 et Carl Sagan, le professeur et directeur de laboratoire à l’Université
Cornell.
Avec ses images
extraordinaires de l’univers et des objets qui l’habitent ou que nous y
envoyons, Cosmos s’inscrit dès lors dans une histoire plus large qui est
celle de la relation entre l’imagination ou l’idéologie et le programme spatial
américain. Si « nothing in
this world has the power to inspire forward thinking and visions of the future
the way the space program can », comme Tyson l’a soutenu ailleurs, c’est parce que le rêve spatial,
tout comme le rêve américain, est dominé par une idée centrale, celle selon
laquelle l’espace appartient à « l’humanité toute entière ». Certes,
les personnages auxquels l’activité spatiale est la plus souvent associée
laissent apparaître un profil type étrangement homogène : l’astronaute
professionnel et technophile, généralement sinon exclusivement masculin et
blanc. Mais, ici ou là, apparaissent des figures exemplaires, réelles ou
imaginées, permettant au message de minimiser ses contradictions et de garder
sa cohérence et sa capacité de mobilisation. Qu’il s’agisse de la scientifique
incarnée par Jodie Foster dans Contact de Carl Sagan ou de
l’Américain d’origine Navajo Jamie Waterman dans Mars de Ben Bova, des héros de Rocket Boys – le récit
autobiographique d’Homer Hickam, par ailleurs fils de mineur dans la Virginie-Occidentale
de la fin des années 1950 –, ou des personnages Hikaru Sulu et Nyota Uhura, tous deux
pilotes historiques de l’Enterprise
et incarnés respectivement par George Takei et Nichelle Nichols…
La force d’une vision se mesure à l’aptitude à dépasser les obstacles susceptibles d’émerger au fur et à mesure que le fossé séparant les faits de la fiction s’agrandit. En l’occurrence la stratégie privilégiée est celle de la persistance. Il est frappant ainsi qu’un film de science-fiction supposément critique voire subversif comme l’Elysium de Neill Blomkamp, qui décrit un futur dystopique dans lequel l’espace serait monopolisé par une élite (tendance qui se dessine à travers le tourisme spatial version Virgin Galactic), s’achève d’une manière aussi conventionnelle par un retour au mythe de l’espace libre d’accès et d’utilisation pour tous.
La force d’une vision se mesure à l’aptitude à dépasser les obstacles susceptibles d’émerger au fur et à mesure que le fossé séparant les faits de la fiction s’agrandit. En l’occurrence la stratégie privilégiée est celle de la persistance. Il est frappant ainsi qu’un film de science-fiction supposément critique voire subversif comme l’Elysium de Neill Blomkamp, qui décrit un futur dystopique dans lequel l’espace serait monopolisé par une élite (tendance qui se dessine à travers le tourisme spatial version Virgin Galactic), s’achève d’une manière aussi conventionnelle par un retour au mythe de l’espace libre d’accès et d’utilisation pour tous.
L’espace peut alors rester le lieu de tous les
possibles : rien moins que l’ultime frontière, la porte d’entrée
permettant d’ouvrir la voie vers une vie meilleure aux méritants qui, pour des
questions de couleur de peau, de sexe ou encore d’origine sociale, n’ont pas la
possibilité de prétendre à beaucoup ici bas, sur Terre. Le poste de pilotage du
vaisseau spatial de l’imaginaire est vide et il ne tient qu’à vous de
l’occuper !
Images Fox – Trailer / scène finale de l’épisode 13 « Unafraid Of The Dark »
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