On ne compte plus, s’il était besoin de s’en persuader, les
références à l’exploit accompli par la sonde Rosetta et son petit atterrisseur Philae
– au point d’ailleurs qu’il figure dans la plupart des rétrospectives que
chaque fin d’année voit surgir par dizaines. « We are the first to have done that and that will stay forever
» avait lancé avec fierté Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Agence
spatiale européenne. Le programme Copernicus d’observation de la Terre, anciennement
GMES, est enfin en
orbite et Sentinel 1 a participé à une autre
première mondiale : faire la démonstration d’un système de
communication à très haut débit par liens optiques laser. Même Galileo, dont le
fiasco de l’été dernier était apparu a
posteriori comme une fin logique à la mesure de son histoire tortueuse, est
devenu la preuve que les Européens sont capables de rebondir et de faire d’un
échec un grand succès
d’ingénierie. Alexandre Gerst, de retour sur Terre depuis le 11 novembre, a
été remplacé à bord de l’ISS par Samantha
Cristoforetti. Avec 15 milliards d’euros de backlogs dont la très attendue
Ariane 6, l’ESA peut envisager l’avenir avec sérénité. La ministérielle
de Luxembourg, dont l’effort financier exceptionnel consenti par les Etats
membres pourra étonner plus d’un dans le contexte contraint actuel, aura
démontré que, loin de constituer un pari risqué, investir dans l’espace offre
au contraire la perspective d’importants retours sur investissement.
Il s’agit là d’un premier niveau de lecture. Un deuxième est
de constater la grande confusion qui règne lorsque, chaque acteur étant
désireux de tirer la couverture à soi, il s’efforce de parler au nom de « l’Europe
spatiale » sans être très clair sur ce qu’il entend par là. C’est ainsi
que l’espace s’est retrouvé plus ou moins consciemment mis à contribution et
appelé à
la rescousse du projet européen. Mais d’autres
le disent ou le diront mieux que moi. Un troisième niveau de lecture, qui est
lié au précédent mais s’avère aussi à mon sens plus riche en implications, est
que, lanceur de nouvelle génération oblige, ces deux dernières années – et l’organisation
de la dernière conférence ministérielle surtout – ont forcé les Européens à se
poser enfin les vraies questions sur ce qu’ils voulaient faire dans l’espace
et pourquoi
ils voulaient le faire. L’interrogation est d’importance et elle dépasse le
cadre strictement spatial pour aborder le problème de comment l’Europe se pense
en tant que puissance non seulement spatiale mais aussi en tant que puissance tout
court, questionnement qui jusque là avait tendance à être surtout français. Tout un programme pour les quinze prochaines années…
Bonne année 2015 à toutes et à tous et à bientôt sur de la Terre à la Lune !
Image :
ESA/Rosetta/MPS
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