1/ Walter A. McDougall, …the Heavens and the Earth. A Political History of the Space Age, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1985, de toute évidence l’ouvrage de référence sur la naissance des programmes spatiaux soviétiques et américains. Lauréat du prestigieux prix Pulitzer, ce pavé de presque 600 pages rempli d’érudition est servi par une thèse forte (résumée en deux mots, technocratie et « saltation »), ce qui explique sans doute pourquoi il demeure à ce jour indétrôné, cela d’autant que les vagues successives de déclassification n’ont pas nécessairement rendues caduques ses conclusions en dépit d’un ton d’époque que nous pourrions juger avec le recul un brin péremptoire.
2/ Paul B. Stares, The militarization of space. U.S. Policy, 1945-84, New York, Cornell
University Press, 1985, fait figure de première étude universitaire digne de ce nom jamais rédigée sur le spatial militaire. Utilisant le cadre offert par la bipolarité de la guerre froide pour analyser l’évolution du programme spatial militaire des Etats-Unis depuis Truman, ce travail a pour principal mérite d’expliquer de manière convaincante pourquoi la militarisation de l’espace a pris un caractère aussi sélectif. Bien que lui aussi daté et par certains aspects mis en défaut (tout préoccupé que l’auteur est par les développements alors en cours sous l’administration Reagan), l’ouvrage demeure une référence indispensable.
3/ Xavier Pasco, La politique spatiale des Etats-Unis (1958-1995). Technologie, intérêt
national et débat public, Paris, L’Harmattan, 1997, tiré de la thèse de l’auteur (américaniste de formation, aujourd’hui directeur de la FRS), constitue l’un des très rares ouvrages universitaires parus en français sur le sujet. Ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Mettant l’accent de manière aussi limpide que fascinante sur les enjeux de pouvoir propres au système politique américain (notamment l’équilibre Présidence-Congrès), le livre se donne pour objectif de montrer comment s’élabore la politique spatiale américaine et plus précisément comment le débat politique lui a donné forme et a encadré son évolution depuis le lancement de Spoutnik.
4/ Howard E. McCurdy, Space and the American Imagination, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011, reste l’une des analyses les plus complètes qui existe à ce jour sur l’influence des conceptions populaires de l’exploration spatiale. Pour son auteur, à l’origine de plusieurs ouvrages reconnus sur le programme spatial américain, si certains individus gagnés « à la cause » ont eu une influence marquante, notamment vis-à-vis de la décision historique de Kennedy d’aller sur la Lune en 1961, c’est parce qu’ils sont parvenus à réconcilier le public avec leurs idées en jouant à la fois sur les représentations culturelles et sur le spectre de la menace (notamment soviétique), tout cela néanmoins non sans courir le risque de sur-vendre leur produit et d’accroître ainsi l’écart entre les promesses et les réalités.
Ma formation ayant été très largement anarchique et tâtonnante (faute de démarche véritablement scientifique et cumulative derrière la plupart des travaux sur l’espace dont il était possible de s’inspirer), on m’excusera si, tout entier mobilisé par le souhait de comprendre, ce top 4 – par ailleurs volontairement subjectif même s’il se veut complet et équilibré par les champs qui sont traités – s’adresse plus volontiers à des lecteurs exigeants, habitués à une écriture savante. Plus faciles d’accès, centrés sur l’essentiel et sans doute pour ces raisons plus à même d’être conseillés pour quiconque souhaite s’initier convenablement aux études politiques sur l’espace, on pourra aussi retenir les titres suivants :
1/ Fernand Verger (dir.), L’espace, nouveau territoire. Atlas des satellites et des
politiques spatiales, Paris, Belin, 2002, qui, quoique commençant également à dater, demeure aujourd’hui encore incontournable. Exhaustif voire encyclopédique dans la façon dont il a de traiter son sujet tant du point de vue des contraintes « physiques » posées par le milieu que de celui des enjeux plus politiques qu’il suscite, le livre constitue un point de départ d’autant plus excellent qu’il est illustré par des représentations cartographiques de grande qualité et qu’il a la très bonne idée d’être écrit en français (et traduit en anglais, fait suffisamment rare pour être noté).
2/ James C. Moltz, Crowded Orbits: Conflict and Cooperation in Space, New York, Columbia University Press, 2014, se veut une version condensée et simplifiée (moins de 200 pages) d’un précédent ouvrage sorti en 2008 et réédité en 2011 qui a fait la réputation de son auteur en contribuant à (re)mettre à l’ordre du jour intellectuel et politique la notion de « sécurité spatiale ». Destiné à un public non expert, l’ouvrage, qui est organisé autour de chapitres courts et didactiques (même si parfois trop descriptifs) couvrant tous les aspects du spatial – civil, commercial, militaire, diplomatique –, vise à faire prendre conscience de la nécessité, mais aussi des difficultés, de coopérer dans un contexte où l’espace n’a jamais été aussi investi.
3/ Guilhem Penent, L’Europe spatiale. Le déclin ou le sursaut, Paris, Argos, 2014, ce petit opus qu’on me pardonnera de faire figurer ici a été écrit la veille de la grande refonte du secteur des lanceurs européens qui a abouti non sans atermoiements voire affrontements au lancement du programme Ariane 6 (décision du Conseil des Ministres de l’Agence spatiale européenne à Luxembourg en décembre 2014). D’ambition plus pédagogique qu’académique (bien qu’apparaissent toutes ses sources et ses références), cet ouvrage se donne pour objectif d’offrir une synthèse de la politique spatiale européenne du point de vue de ses enjeux multiples et parfois contradictoires, de la complexité de son héritage et enfin de l’environnement changeant dans lequel elle évolue.
4/ Xavier Pasco, Le nouvel âge spatial. De la Guerre froide au New Space, Paris, CNRS, 2017, qui a l’avantage par rapport aux autres publications suggérées jusqu’ici d’être très récent, possède l’autre grand mérite de traiter avec brio d’un sujet sur lequel beaucoup (trop) est dit sans que nous ayons le sentiment pour autant de comprendre davantage ou d’en saisir toutes les implications. Bien que rédigé à la façon d’un essai (quoique avec un appareil de note et une bibliographie significative), ce petit ouvrage constitue ainsi d’une certaine manière la suite du livre cité supra et publié vingt ans plus tôt, La politique spatiale des Etats-Unis (1958-1995), lequel s’achevait à la fin de la guerre froide et auquel il manquait une analyse notamment des événements déterminants ayant eu lieu sous l’administration Clinton.On complétera utilement cette sélection par la lecture des mémoires et/ou analyses des protagonistes qui ont directement vécu les événements constituant la matière des travaux cités ci-dessus. Une fois encore, on ne prête qu’aux riches :
1/ Arnold W. Frutkin, Coopération internationale dans l’espace, Paris, Nouveaux
Horizons, 1969.
2/ Hans Mark, The Space Station : A Personal Journey, Durham, Duke University Press,
1987.
3/ Bruce Murray, Journey into Space: The First Three Decades of Space Exploration, New York, W.W. Norton & Company, 1989.
4/ Roger Bonnet, Les horizons chimériques, Paris, Dunod, 1992.
5/ Roald Z. Sagdeev, The Making of a Soviet Scientist. My adventures in Nuclear Fusion
and Space From Stalin to Star Wars, New York, John Wiley & Sons, 1994.
6/ André Lebeau, L’Espace. Les enjeux et les mythes, Paris, Hachette, 1998.
Enfin, afin de procurer au lecteur accablé une pause bien méritée, on pourra lui suggérer de se plonger dans des récits au style plus romancé (avant de passer aux traductions cinématographiques qui en ont été tirées) :
1/ Tom Wolfe, L’Etoffe des héros, Paris, Gallimard, 1982, retrace l’épopée de ces aviateurs et pilotes d’essai américains, en particulier les astronautes du groupe des Mercury Seven, qui dans le contexte de la guerre froide cherchaient à « crever le plafond » pour témoigner tant de leur propre valeur que de celle de leur pays : une chronique particulièrement réussie du programme spatial américain naissant que Philip Kaufman a transposée avec succès en 1983 au cinéma.
2/ Carl Sagan, Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space, New York, Ballantine Book, 1994, reprend dans ce livre la vision du petit « point bleu pâle » (référence que nous retrouvons dans le nom de la société de Jeff Bezos rivale de SpaceX, Blue Origin) qu’est la Terre vue de l’extrémité du système solaire dont il s’était fait l’écho quinze ans plus tôt à travers la série de vulgarisation scientifique de renommée mondiale Cosmos (remis au goût du jour en 2014 par son disciple et continuateur Neil deGrasse Tyson).
3/ Homer Hickam, Rocket Boys, New York, Delacorte, 1998, suit le parcours d’inspiration autobiographique d’un jeune garçon de Coalwood, cité minière de Virginie-Occidentale, en octobre 1957, lors du lancement de Spoutnik : illustration du mythe de l’espace pour tous, et pour cette raison antithèse du récit au cœur de L’Etoffe des héros, l’ouvrage qui se déroule sur trois tomes a fait l’objet d’une reproduction un an plus tard au cinéma sous le titre de Ciel d’octobre.
Image : NASA