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dimanche 22 avril 2012

Photo de la semaine : Discovery goes to Washington


Pendant que nous votons (!!!) en France, un drôle de manège s’effectue dans le ciel des Etats-Unis.

Un an après la mission STS-133, la navette spatiale Discovery a en effet réalisé cette semaine son dernier vol. Après avoir quitté le Centre spatial Kennedy, Floride, pour Washington qu’elle a survolé sur le dos d’un Boeing 747 pendant près de 45 minutes, elle a finalement rejoint les collections du Musée national de l’air et de l’espace de la Smithsonian Institution.
Space Shuttle Discovery DC Fly-Over (201204170045HQ)
Space Shuttle Discovery DC Fly-Over (201204170042HQ)
P1040667
Space shuttle Discovery over National Mall
Discovery a par ailleurs croisé la navette prototype Enterprise elle-même en route, sauf imprévus météorologiques, vers New York où l’attendent les visiteurs du musée de la ville dédié à l’histoire maritime, aérospatiale et militaire des Etats-Unis après quelques années passées au Smithsonian. Quant aux deux autres navettes, Endeavour et Atlantis, elles rejoindront très prochainement le musée scientifique de Los Angeles, Californie, et le Centre des visiteurs du KSC, Floride.
Pour plus d’images, voir les deux reportages photos du Washington Post, « Discovery flies over the D.C. area » du 17 avril et « Smithsonian welcomes space shuttle Discovery » daté du 19. Voir également la galerie Flickr de la NASA.

Ces images ont provoqué un enthousiasme et un regain d’intérêt certains, tout comme elles n’ont évidemment pas manqué de susciter la polémique. Charles Krauthammer du Washington Post a profité de l’événement pour tirer à boulets rouges sur l’administration Obama en publiant une colonne incendiaire ce vendredi. Pour le commentateur conservateur, la mise au musée de Discovery équivaut aux funérailles du programme spatial américain. « Is there a better symbol of willed American decline? The pity is not Discovery’s retirement — beautiful as it was, the shuttle proved too expensive and risky to operate — but that it died without a successor » écrit-il ainsi. Des propos que Panama Hat lui-même n’aurait sans doute pas contredits. Qu’en est-il du Space Launch System (SLS), du Multi-Purpose Crew Vehicle (MPCV) et des plans de la NASA pour envoyer une mission vers un astéroïde d’ici 2025 ? Les réalités budgétaires étant ce qu’elles sont, Krauthammer est sceptique : « Considering that Constellation did not last even five years between birth and cancellation, don’t hold your breath for the asteroid landing ». Quant aux nouvelles entités commerciales, c’est très bien, mais ce qui est importe, ce n’est pas tant le transport de marchandises que le symbole ; et sur ce point, « manned flight is infinitely more complex and risky, requiring massive redundancy and inevitably larger expenditures ».

La réaction de la Maison Blanche n’a pas tardé. Le directeur de la NASA, Charles Bolden, et John Holdren du Office of Science and Technology Policy ont tous deux signé une tribune diffusée sur internet dans laquelle il note que « nothing could be further from the truth ». Pour eux, cette caractérisation est tout sauf justifiée : les Chinois sur la Lune en 2025 ? « How absurd! Neil Armstrong and Buzz Aldrin walked on the Moon in 1969. How does China managing this feat fifty-six years later, if this happens, amount to “overtaking” us? ». La fin du programme Shuttle ?  « it was President Bush, not President Obama who ended the shuttle program ». La suppression du programme Constellation ? Nécessaire, car « behind schedule and over budget » : « we have kept the parts of it that made sense ». Reste une question : pourquoi être ainsi descendu dans l’arène ? Selon le blog Space Politics, « It suggests that the administration is perhaps a little sensitive to criticism of this era of transition for human spaceflight, particularly in an election year ».

~ ** ~

A propos du futur du programme spatial américain, je rappelle que le 30 avril prochain SpaceX (10 ans d’existence !) procèdera au premier lancement de la capsule Dragon en direction de l’ISS. J’en profite également pour signaler l’apparition d’une nouvelle star-up spatiale dont l’annonce officielle devrait être faite mardi. Quelques détails ont d’ores et déjà filtré, notamment en ce qui concerne l’exploitation minière d’astéroïdes.  Comme il est désormais d’usage dans l’espace (voir le dernier exemple en date ; d’ailleurs, humour : savez-vous comment devenir millionnaire grâce au spatial ? demandez aux milliardaires qui investissent), Planetary Resources – c’est son nom – inclut également quelques grands hommes : Larry Page, Eric Schmidt, Charles Simonyi, Peter Diamandis, et beaucoup d’autres, ainsi qu’une surprise, le cinéaste et explorateur des fonds marins, James Cameron. Stay tuned !

mercredi 17 août 2011

Stratégie spatiale. Intermède photo

Je ne peux m'empêcher de montrer ces quelques photos étonnantes où nous voyons, pour la première et dernière fois, les orbiteurs Discovery et Endeavour presque nez à nez sur une piste du Centre spatial Kennedy. La page se tourne doucement pour les navettes. Les prochains mois ne manqueront certainement pas de « dernières » et d’intermèdes nostalgiques de ce type…
Shuttles Nose to NoseSpace Shuttles
Space ShuttlesSpace ShuttlesSpace Shuttles
Il reste que nous pouvons toujours nous interroger sur la raison pour laquelle les Etats-Unis ont non seulement abandonné leur unique capacité de vol habité, mais encore l’ont fait sans avoir la moindre perspective de remplacement sur le court terme.

Cette anecdote est donc l’occasion de revenir sur un nouveau principe stratégique, le n°5, celui dit « cardinal » car constituant un « principe de base de la stratégie spatiale » (p. 244), à savoir « Accéder à l’espace par ses propres moyens ». Rares sont en effet les pays à avoir cette capacité spatiale autonome : citons les Etats-Unis, la Russie, l’Europe, le Japon, la Chine et l’Inde, peut-être encore l’Ukraine, Israël et l’Iran, et peut-être bientôt le Brésil et la Corée du Sud. 

Nous retiendrons de ce constat, d’autant plus significatif maintenant que la firme californienne Space X s’est ajoutée à la liste, l’idée selon laquelle « il n’y a pas de puissance spatiale véritable qui ne dispose de son propre accès à l’espace » (p. 245). L’Europe l’a appris à ses dépens et a su en tirer les leçons en investissant de manière massive en faveur du programme Ariane. L’Iran n’a elle-même pas suivi un chemin bien différent de 1958 à 2009, même si le contexte géopolitique est sans doute différent aujourd'hui.

Ceci étant dit, je vois peut-être un corollaire à ce principe dont je détourne la logique initiale pour maintenant le reformuler ainsi : « il n’y a pas de grande puissance spatiale véritable qui ne dispose de son propre accès habité à l’espace ». En effet, posons la question : ce principe s’applique-t-il également au vol habité ? 

Si nous en croyons Jean-Luc Lefebvre, « chaque Etat doit trouver le compromis qui correspond à ses ambitions de puissance, et surtout à ses moyens » (p. 266). Clairement, le vol habité constitue une prérogative de grande puissance. La guerre froide l’a montré. Et si besoin est, la rivalité triangulaire asiatique (Chine, Japon, Inde) le prouve à nouveau. (Quant à l’Europe, bien qu’elle n’ait pas choisi d’investir dans ce domaine  ne se perçoit-elle pas comme une grande puissance ? –, nous pouvons noter qu’avec l’installation du Soyouz en Guyane elle peut désormais compter sur un service théorique de vol habité.)

Or il n’existe à présent dans le monde que seulement deux capacités de vol habité, celle du Soyouz russe et celle offerte par la fusée Longue Marche chinoise. Les Etats-Unis sont donc en train de faire cruellement l’expérience d’une capacité disparue. Et si cette disparition est certes intentionnelle, il n’empêche que la question du leadership ne peut que se poser. En attendant la fin de l’orbite de transfert, les Etats-Unis ont-ils eu raison de laisser leurs rivaux spatiaux prendre la main sur les vols habités ? … a priori, cette parenthèse ne sera que de courte durée (à l’image de ce que la période post-Columbia avait été). Mais qu’adviendra-t-il à l’Amérique si jamais son statut et prestige de superpuissance est remis en cause par l’impossibilité de trouver un remplaçant crédible à la navette ? Quelle valeur attribuer au vol habité dans un monde s'éloignant peu à peu de l'unipolarité ?


mardi 26 juillet 2011

La fin de la navette spatiale et les militaires : l’autre conséquence…


J’ai longuement parlé sur ce blog de l’émergence de l’espace commercial privé avec la fin de la navette spatiale. Et clairement, quelque chose pouvant être (et ayant été) qualifié de nouvelle course à l’espace – entre acteurs non-étatiques cette fois – est aujourd’hui à l’œuvre. 

Mais la fin de ce programme a aussi une autre conséquence, moins visible celle-ci, mais tout aussi importante : celle touchant à l’aspect militaire du programme spatial américain. Car il ne faut pas l’oublier, la navette spatiale a toujours été un véhicule hybride d’inspiration à la fois civile et militaire.

Dès l’origine, la NASA a essayé de justifier l’investissement auprès des décideurs politiques en s’attachant la complicité du Pentagone. Et effectivement le Département de la Défense a joué un grand rôle dans les négociations qui ont conduit au résultat final.

Par exemple, en 1972, l’USAF avait dans l’idée de voir de futures navettes spatiales décoller de la base militaire de Vandenberg, Californie, déposer leur cargaison en orbite et revenir atterrir une révolution plus tard. Le design de la navette a dû être modifié en conséquent.

Mais l’accident de Challenger en 1986 a mis en déroute l’ensemble de ces plans et la confiance des militaires dans le système a attendu plusieurs années avant d’être renouvelée. Bien sûr, cela n’a pas empêché les Soviétiques de croire dans les performances militaires de la navette jusqu’au bout. En témoigne la réaction extrême incarnée par la tentative Bourane

Quant aux relations entre les militaires et la NASA, il faut attendre l’accident de 2003 pour qu’elles reprennent des forces autour d’un projet commun successeur à la navette. Or désormais, Obama aidant, le modèle choisi par la NASA se jouera en grande partie sans les militaires. Comme nous en parlions déjà ici, la nouvelle approche commerciale revendiquée par l’Agence spatiale civile américaine ne convainc pas tout à fait les militaires qui craignent de devoir financer leurs prochaines fusées seuls.  

D’un autre côté, les militaires sont aussi en train d’expérimenter leur fameux drone spatial, X-37B. Pour certains, une version améliorée de la navette. En réalité, un engin bien différent, plus petit notamment (et qui ne pourra donc pas transporter les satellites qu’il faudra laisser aux fusées) et bien moins cher à faire voler. En bref, le X-37B pourra conduire des missions militaires d’espionnage, voire (?) prendre le chemin d’une arsenalisation de l’espace.

La flexibilité de la navette était son plus gros avantage : un véhicule à la fois commercial et gouvernemental, civil et militaire. L’autre côté de la médaille, c’est que cette innovation datant de la fin des années 1960 a aussi empêché l’émergence de nouvelles machines. Comme l'a résumé un critique, « The best of spacecraft, the worst of spacecraft ». Aujourd'hui peut-être pouvons-nous nous attendre à un renouveau technologique : pour David Axe, Wired, « America’s civil and military space agencies can get about the business of winning the space race, with orbital craft far better suited to the job ».