Contrairement à ce que croyaient les Anciens, le Cosmos (du grec Kosmos, monde ordonné) n’est ni harmonieux ni incorruptible… C’était en effet compter sans les hommes…
1) En juin dernier, l’équipage de l’ISS, composé de 6 astronautes, a dû évacuer précipitament la station pour aller se réfugier dans une capsule Soyouz. La cause : une pièce de débris spatial menaçait d’entrer en collision. Heureusement, il n’y a eu aucun incident : le débris était 250 m trop loin. D’habitude l’ISS a la possibilité de manœuvrer afin d’éviter de se trouver sur la trajectoire des débris, ce qu’elle a déjà fait une douzaine de fois, or il semble ici que l’alerte n’ait pas été donnée suffisamment tôt pour permettre ce genre de chose.
2) Et voilà qu’un autre débris choisit de s’approcher à son tour un peu trop près de l’ISS et de la navette spatiale Atlantis (moins de 24h après le départ historique de celle-ci de Floride). Toutefois, alors que le débris qui avait menacé l’ISS en juin dernier était d’origine inconnue, la NASA a réussi à identifier celui-ci : il proviendrait d’un satellite soviétique non-opérationnel datant des années 1970 parti en morceaux après avoir percuté un autre satellite. Aux dernières nouvelles, il n’y aurait toutefois pas de risque de collision.
Un problème de plus en plus pressant
L’encombrement est tel, qu’aujourd’hui, moins de 6% des objets entourant notre planète sont des satellites actifs. Les évaluations les plus récentes parlent de plus de 16 000 objets d’une taille supérieure à 10 cm gravitant autour de la Terre. Les scientifiques estiment à 500 000 les objets d’une taille comprise entre 1 et 10 cm et à plus de 35 000 000 ceux d’une taille comprise entre 0,1 et 1 cm.
Les débris spatiaux sont des objets de toutes sortes : fragments de fusées et restes des différents étages demeurés en orbite (Rocket bodies), débris « naturels » (Mission-related debris) provoqués lors de l’installation normale d’un satellite en orbite, morceaux de toute taille et satellites entiers aujourd’hui dégradés et non-opérationnels (Spacecraft), mais aussi morceaux liés aux explosions accidentelles provoquées par la collision entre objets (Fragmentation debris).
Ces derniers sont majoritaires. A ce jour, on compte principalement 4 collisions accidentelles, dit de routine : 1) celle entre deux satellites russes de type Cosmos en 1991, 2) celle encore, en 1996, entre un fragment resté intact d’une fusée Ariane lancé en 1986 et le satellite espion français Cerise, 3) celle de 2005 entre un étage d’un lanceur américain Thor et les débris d’une fusée chinoise, 4) enfin, plus connue, celle de 2009 entre un satellite militaire russe et un satellite de communication Iridium. A cela, il faut ajouter les collisions de type non-accidentel à l’image du test anti-satellite (ASAT) chinois de 2007 qui a libéré plus de 2 500 pièces de débris (sans compter les ASAT ayant eu lieu à l'époque de la guerre froide).
Des réponses insuffisantes
Ce graphique de l’UCS nous aide à mieux comprendre l’évolution de la pollution spatiale : on remarque bien l’augmentation linéaire du nombre des débris depuis 1960 jusqu’à la moitié des années 1990. Cette tendance s’est ensuite ralentie lorsque les puissances spatiales ont pris conscience du problème et se sont attachées, sous l’égide des Etats-Unis, à ralentir le phénomène. Toutefois, on ne peut que noter la brièveté de ce ralentissement situé entre 1996 et 2006. A partir de 2007, l’augmentation est en effet significative. En cause, les diverses collisions présentées ci-dessus.
L’augmentation du nombre de débris a toutes les chances de se poursuivre. La logique est imparable : toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sans intervention humaine, des collisions continueront d’éclater ici et là, provoquant toujours plus de débris et donc toujours plus de collisions. Il n’existe en effet pas de solution permettant de remédier efficacement au problème. Tout dépend bien sûr de l’altitude, mais la plupart des débris peuvent rester en orbite pour encore quelques décennies – voire, pour d’autres, quelques siècles. Reste la possibilité de contrôler la production.
Or il n’existe pas de régime contraignant sur la question. Certains Etats ont certes pris des engagements volontaires internes, à l’image de l’ESA et de la NASA. Des recommandations ont également abouti au niveau des Nations unies. Mais sans mécanismes garantissant leur application, les puissances spatiales risquent de se concentrer encore longtemps sur l’observation constante (space awareness) et l’alerte avancée (plus de 100 notifications ont eu lieu depuis début 2010 – et exactement 677 après le tir ASAT chinois). A cela, il faut ajouter le risque d’une course aux armes ASAT.
L’espace, des caractéristiques uniques
La question des débris est aujourd’hui un enjeu essentiel. Elle conduit à trois types de réflexion : 1) sur la nature de l’espace victime d’une tragédie des biens communs avec le risque bien réel de surexploitation et finalement de disparition de la ressource ; 2) sur la question de la coopération internationale face au besoin pressant de normes explicites intégrées dans un régime fort ; 3) sur la génération de débris liés aux collisions intentionnelles de type militaire (ASAT) face à l’émergence de que l’on pourrait qualifier de nouvelle « destruction mutuelle assurée ». En bref, trois thématiques sur lesquelles les RI ont certainement des choses à dire.
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