mardi 4 octobre 2011

Melancholia : la fin du monde


Autant le dire tout de suite, le dernier film de Lars von Trier, récompensé au festival de Cannes (Prix d’interprétation féminine), est remarquable. Envoûtant, mystérieux et esthétiquement troublant, Melancholia mérite d’autant plus notre attention qu’il illustre le genre d’occurrence astronomique dont nous parlions il y a peu à travers la « connaissance de la situation spatiale » envisagée par les Européens.

En effet, Melancholia est certes l’histoire de la « mélancolie » de Justine (Kirsten Dunst) à laquelle est consacrée la première partie du film (le premier acte, dit « Justine »), il s’agit aussi du nom de la planète à laquelle la seconde partie fait davantage référence (le second acte, dit « Claire » du nom de la sœur, interprétée par Charlotte Gainsbourg). A la base du scénario, il y a donc un phénomène astronomique dont l’existence est bel et bien réelle.
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Je veux bien sûr parler de ces « planètes errantes » qui ne sont attachées gravitionnellement à aucune étoile et qui flottent dans l’espace de manière indépendante. Pouvant être de la taille de Jupiter ou plus modestement de celle de la Lune, ces objets libres de masse planétaire n’avaient pas encore été traités – en tout cas, à ma connaissance – par le cinéma. Voilà qui est chose faite. Inutile de dire que contrairement aux astéroïdes et autres météores auxquels Hollywood nous a habitués, ici, tout impact rend absurde jusqu’à l’idée même d’« Extinction Level Event ». C’est toute la Terre qui est engloutie par l’événement.
Le parti pris par Lars von Trier n’a donc rien en commun avec le genre du film catastrophe. Ici, point de scène apocalyptique. Juste un huis-clos (d’autant plus symbolique qu’aucun des trois personnages, du mari – interprété par Kiefer Sutherland – et des deux sœurs, ne parvient à quitter la demeure). Qui plus est, à l’opposé des Deep Impact, Armageddon ou autre 2012, nul espoir ne peut être maintenu. Dès les premières minutes, le suspense est tué et toute vie sur Terre anéantie. Le reste n’est plus que réminiscence. Ou plutôt, l’histoire prenant corps, les premières minutes étant davantage les traces des visions prescientes de Justine. Car s’il y a apocalypse, c’est au sens étymologique de « révélation ». 
Melancholia
Mais Justine n’est pas Cassandre. Et contrairement à Claire, tout l’indiffère : sa famille, l’humanité, voire la vie au sens large (« life is only on earth and not for long »). Aussi partage-t-elle avec la planète une relation d’autant plus intime, que toutes deux font montre d’un pouvoir destructeur. Telle est aussi plus largement dans le film la prérogative donnée aux personnages féminins (dont fait partie la planète Melancholia). Difficile en effet de trouver un seul homme positif ou dont la masculinité n’est pas remise en cause (des égoïstes, des lâches, des émasculés, etc.).
Encore que ce soit toujours l’étrange couple Melancholia/Justine qui me paraisse le plus intéressant. Un point m’a tout particulièrement frappé. Il s’agit de la référence à Andrei Tarkovski établie lorsque le personnage de Justine ouvre un livre dans lequel figure la peinture de Bruegel, Les Chasseurs dans la Neige. Celle-ci fait l’objet d’une longue mise en scène dans le film Solaris (1972) du réalisateur russe. Or Solaris est, elle aussi, une planète immense dont l’humanité inquiète fait la découverte et avec laquelle le personnage principal – dépressif après la mort de sa femme – entretient une relation symbiotique, bien que sans espoir.


Critiques plus cinématographiques et images disponibles, par exemple, ici et .

1 commentaire:

  1. Bravo pour ce commentaire. « Melancholia » est assurément une expérience cinématographique à ne pas louper !
    Toutefois, on n'est pas obligé de partager la conviction de Justine selon laquelle " life is only on earth and not for long ", car la vie est très probablement présente sur plusieurs des milliards de planètes dont nous commençons seulement à découvrir les premières centaines...
    Frank Drake a d'ailleurs établi la probabilité d'existence d'autres civilisations dans l'univers dans une formule célèbre qui pourrait faire l'objet d'un prochain billet de GP...
    RL

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