En procédant au tir de la fusée Unha-3 ce mercredi 12
décembre, Pyongyang a pris par surprise toutes les chancelleries du monde ;
le régime ayant annoncé plus tôt que pour des raisons techniques le tir serait
reporté jusqu’à fin décembre, d’après des rumeurs le lanceur était même en
train d’être démonté pour vérification. Comme le
note l’UCS, ce mouvement de dernière minute est intéressant. Il pose en
effet la question de savoir s’il y a réellement eu un incident technique que
les ingénieurs nord-coréens sont parvenus à régler rapidement, ou si le régime
a intentionnellement orchestré une campagne de manipulation afin de tromper la
surveillance des Etats-Unis, du Japon et de la Corée du Sud et de réduire au
maximum la collecte d’informations durant le vol.
Malgré ce succès, la Corée du Nord n’est pas assurée sur la
fiabilité de sa fusée. Construire des fusées reste un travail complexe, comme
les échecs précédents l’ont montré. De ce point de vue, l’utilité militaire
n’est pas certaine. S’ajoutent en outre les questions de la précision du
missile, de la protection du corps de rentrée et de la miniaturisation des ogives (le satellite pèse 100 kg).
N’en demeure pas moins que, politiquement, l’impact est
immense. Et de fait, comme lors des fois précédentes, à plus forte raison
maintenant, ce lancement – le quatrième après les tentatives ratées de mise en
orbite de Kwangmyongsong-1 en août 1998 (échec du troisième étage), Kwangmyongsong-2 en avril 2009 (échec du troisième étage)
et de Kwangmyongsong-3 en avril dernier (échec du premier étage et probablement
du second) – n’a pas manqué de susciter les condamnations
internationales. La Chine est restée quant à
elle, comme à son habitude, très ambiguë. Le tir viole ainsi les résolutions 1718
et 1874 du Conseil de sécurité dont l’intention était de dissuader la Corée du
Nord de procéder au lancement de missiles balistiques – des cousins
technologiquement proches des fusées – alors que parallèlement l’on annonce la
préparation de futurs essais
nucléaires.
En parvenant à placer un engin en
orbite avant le voisin du Sud, Pyongyang a marqué un grand coup qui
objectivement mérite d’être salué. L’élément « prestige » n’est en
effet pas à rejeter. Par ailleurs, quoi que l’on puisse dire sur la rhétorique
nord-coréenne – l’usage pacifique de l’espace, le droit à l’exploration, etc.
–, l’on rappellera que toutes les puissances spatiales ont usé de pareils
stratagèmes pour avancer leurs intérêts dans l’espace, militaires notamment –
militaires ne signifiant par forcément « armé » au sens actif,
agressif du terme. Enfin, comme le relevait
Christian Lardier dans l’entretien qu’il a bien
voulu accorder à l’auteur de ce blog, ce qui est fusée pour l’expert spatial
est souvent missile balistique pour le journaliste généraliste : un a priori que les hésitations quant au
choix de l’intitulé des différents articles de la presse généraliste ont encore
confirmé aujourd’hui, et qui doit de mon point de vue, ne serait-ce que sur la
forme, et ce même s’il s’appuie sur une réalité stratégique certaine voire
inquiétante, être discuté, affiné.
Pour un tour rapide de la question, on lira avec intérêt les propos de Valérie Niquet pour le Monde.fr, ainsi que, parmi beaucoup d’autres, les analyses à chaud de The diplomat ou Shadow Government. Etant donné l’inflation d’analyses sur le sujet, je reviendrai sans doute sur ce lancement dans la prochaine note d’actualité : pas sûr que le flot se sera calmé d’ici là.
Bonjour, même si le satellite nord coréen ne semble pas fonctionné, le fait que le lanceur est non seulement fonctionné mais à laissé tombé ses étages sur les zones prédéfinis à en effet à souligner.
RépondreSupprimerAu fait, le premier étage à était récupérer par les sud coréens, je ne me rappelle plus si ces débris sont considéré comme des épaves et s'ils appartiennent toujours a l'organisation qui à tiré la fusée.
Il faudrait se renseigner auprès d’un juriste pour obtenir les détails, mes connaissances dans le domaine sont de fait par trop imprécises et mon interprétation sans doute critiquable. Je me risque donc et vous affirme ceci : un objet spatial (il s’agit de l’intitulé officiel : le lanceur et les éléments constitutifs de celui-ci compris, débris ou non, car en réalité il n’y a pas de différence au regard du droit – et c’est un problème majeur pour ceux qui cherchent à résoudre la problématique de la pollution en orbite) appartient à l’Etat de lancement. Le revers est bien sûr que l’Etat est juridiquement responsable des dommages causés au sol (mais non dans l’espace, à nouveau un problème vis-à-vis des débris spatiaux).
RépondreSupprimerLà-encore, je ne souhaite pas entrer dans les détails, mon avis est que si jamais la Corée du Nord en venait à protester, par exemple si l’étage en question était dépecé pour étude, etc., la Corée du Sud invoquerait le prétexte selon lequel il s’agit d’un missile, non d’une fusée, et que le tir est allé à l’encontre de deux résolutions des Nations unies. S’il s’agit au contraire d’appliquer le droit spatial strict, alors la Corée du Sud remettra l’objet récupéré aux représentants de la Corée du Nord lorsque cette dernière en fera la demande officielle, les dépenses engagées pour la récupération et la restitution étant d’ailleurs dans ce cas à la charge de Pyongyang.
Tout est là : http://www.oosa.unvienna.org/pdf/publications/STSPACE11F.pdf