Le X-37B est un avion spatial inhabité développé par l’US Air
Force dans le cadre très confidentiel de l’US Air Force Rapid Capabilities
Office (RCO). La communication de l’Air Force et de Boeing autour de l’appareil
est pour le moins ambiguë. Jamais l’information n’a été à la fois aussi
abondante – le X-37B est après tout le seul investissement que le RCO a officiellement
reconnu, des kits d’information sont disponibles sur le site de l’USAF,
de la NASA
et de Boeing
– et aussi limitée. De fait, personne ne sait véritablement ce que fait l’engin
une fois dans l’espace. Tout au plus savons-nous de source officielle qu’il a
été conçu pour deux choses : retourner sur Terre avec sa charge utile, et
manœuvrer en orbite plus efficacement qu’un satellite. Il a beau ne transporter
que 25-30% de sa masse en carburant, il peut se permettre de l’utiliser
rapidement puisque sa mission dépasse à peine une année. Selon les
commentateurs, survolant la Terre à une altitude située entre 300 et 400 km,
l’appareil embarque à son bord plusieurs instruments, probablement
d’observation, sans qu’il soit possible de les identifier. Avec un budget
lancement supérieur à 600 million de dollars et donc un programme qui dépasse
très largement le milliard, une chose est néanmoins certaine : l’USAF a certainement
ses raisons pour poursuivre l’expérience.
Il est vrai, on peut relever une certaine extravagance
tant l’existence de l’appareil étonne à la fois pour lui-même et
conceptuellement sur le choix technologique plus large dans lequel il
s’inscrit, l’avion spatial étant pour beaucoup une impasse. Reste que d’un
point de vue dissuasif, le X-37B est parfait : tout le monde en parle,
tout le monde se demande ce qu’il fait et tout le monde imagine les réponses.
Or rien ne saurait être suffisamment coûteux pour la dissuasion. Dans cette
perspective donc, le programme prend sens et se trouve justifié. Parallèlement,
l’USAF collecte des données utiles et poursuit ses recherches. Bref voilà un
programme qui correspond bien au zeitgest.
Retour sur la Corée du Nord après notre
analyse à chaud de la semaine dernière. Le lancement de la fusée Uhna-3
étant désormais acté – son pilotage fin et précis, malgré les contraintes
géographiques et physiques, a mis un terme aux doutes concernant la maturité
technique du pays et sa capacité de manœuvrer, dans la mesure du nécessaire, le
troisième étage sur la bonne inclinaison –, c’est au tour du satellite
aujourd’hui en orbite héliosynchrone d’intéresser les commentateurs. De fait,
moins de 24h après le tir, les Etats-Unis annonçaient que Kwangmyongsong 3-2
était « tumbling
out of control ». L’image est trop puissante pour évoquer quoi que
ce soit de réaliste de la part du public non averti. Il ne s’agit pas tant ici
d’imaginer la marche aléatoire de l’homme imbibé d’alcool sortant de son
estaminet préféré et tâchant de rentrer chez lui en suivant le trottoir
rectiligne, un peu à droite, beaucoup à gauche, etc., et de la coller au
satellite. Même tournant sur lui-même, l’engin restera (presque) indéfiniment
sur son orbite. Davantage, l’idée est en réalité que l’appareil est incapable
de se stabiliser, donc de pointer correctement son antenne en direction de la
Terre, donc de communiquer avec ses propriétaires en Corée du Nord qui n’ont
pas la chance d’avoir des stations dispersées sur toute la planète.
Le satellite nord-coréen est en effet, selon les détails que le régime a laissé filtrer, stabilisé trois axes, ce qui signifie qu’il est muni d’un système permettant de maintenir trois axes dans des directions fixes à l’inverse de la stabilisation d’orientation qui, elle, se définit par une mise en rotation autour d’un axe unique. Dans ces conditions – du moins à ce stade de nos connaissances, peut-être l’engin se stabilisera-t-il passivement dans les jours qui viennent selon des mécanismes prévus par ses ingénieurs – le satellite est inutilisable : ses transmissions coupées, les images recueillies par sa caméra basse résolution sont inexploitables. Pyongyang avait ainsi promis que le satellite entamerait bientôt depuis l’orbite des chants patriotiques en l’honneur de Kim Jon Il et Kim Il Sung, un peu comme le premier satellite chinois en 1970 transmettant L’Orient est rouge. Or le monde a beau ouvrir les oreilles, rien ne parvient.
Ci-dessous : la Corée du Sud récupérant les débris de la fusée Unha et affirmant qu’elle ne les rendra pas au voisin « ennemi » : reste à savoir quelles informations pourront être tirées.
Le satellite nord-coréen est en effet, selon les détails que le régime a laissé filtrer, stabilisé trois axes, ce qui signifie qu’il est muni d’un système permettant de maintenir trois axes dans des directions fixes à l’inverse de la stabilisation d’orientation qui, elle, se définit par une mise en rotation autour d’un axe unique. Dans ces conditions – du moins à ce stade de nos connaissances, peut-être l’engin se stabilisera-t-il passivement dans les jours qui viennent selon des mécanismes prévus par ses ingénieurs – le satellite est inutilisable : ses transmissions coupées, les images recueillies par sa caméra basse résolution sont inexploitables. Pyongyang avait ainsi promis que le satellite entamerait bientôt depuis l’orbite des chants patriotiques en l’honneur de Kim Jon Il et Kim Il Sung, un peu comme le premier satellite chinois en 1970 transmettant L’Orient est rouge. Or le monde a beau ouvrir les oreilles, rien ne parvient.
Ci-dessous : la Corée du Sud récupérant les débris de la fusée Unha et affirmant qu’elle ne les rendra pas au voisin « ennemi » : reste à savoir quelles informations pourront être tirées.
La Chine a procédé mardi dernier au lancement depuis le centre JSLC dans le désert de Gobi d’un satellite d’observation militaire turc, Göktürk 2. Muni d’une caméra de fabrication sud-coréenne avec une résolution de 2,5 m, le satellite de 450 kg a été placé par une fusée CZ-2D en orbite héliosynchrone à 700 km d’altitude. A l’annonce du lancement de cette plateforme entièrement construite en Turquie ont succédé les applaudissements du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a parlé de moment historique : « In the past we did send satellites to space but Gokturk-2 has proven that we are now a country with a claim in this field. We are rising to position ourselves as one of the 25 countries which are capable of producing their own satellites ». La Turquie a passé commande pour un autre satellite d’observation Göktürk prévu pour fin 2014 : similaire aux satellites français Pléiades, il aura une résolution de 70 cm. Il s’agissait du 19e et dernier lancement chinois de l’année 2012. Au total, 28 plateformes chinoises et étrangères ont été lancées dans l’espace cette année.
Dernier lancement mondial de l’année 2012, Ariane 5 VA211 a
lancé hier deux satellites de communications, Skynet 5D, construit par Astrium pour
le ministère britannique de la défense (MOD), et MexSat 3 « Bicentenario »
fabriqué par Orbital Sciences Corp. pour le compte du Mexique, d’une masse
respective de 4 844 kg et de 2 934 kg, soit un total de 7 778 kg. Une
performance somme toute modeste relativement à la capacité maximale d’Ariane 5
proche de 10 tonnes. Skynet 5D, la 38e charge utile militaire
confiée à Ariane, ira compléter en orbite géostationnaire un système de
communications de 3 satellites (Skynet 5A, 5B et 5C) dont l’objectif est de
remplacer à terme les satellites Skynet 4. Il viendra renforcer et sécuriser
Skynet 5B en couvrant le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Asie. Quant à MexSat 3,
il constitue la composante spatiale du système de télécommunication satellite
de nouvelle génération du gouvernement fédéral du Mexique. Cinquième satellite
mexicain confié aux lanceurs Ariane, il possède 12 transpondeurs actifs en
bande C et 12 transpondeurs actifs en bande Ku pour assurer la couverture du
Mexique, de ses eaux territoriales et de sa zone d’intérêt économique. Le
vol 211 est le 67e lancement
Ariane 5. Il intervient après une série de 52 succès consécutifs courant sur 10
ans ; la fiabilité d’Ariane 5 est inégalée dans l’industrie. Avec dix vols
en 2012 depuis le centre spatial guyanais, trois lanceurs différents, sept
Ariane 5, deux Soyouz et un Vega, c’est par ailleurs une belle année qui
s’achève pour Arianespace. Comme toujours, Arianespace
met à la disposition du public un kit de lancement, à noter également le
dossier beaucoup plus complet constitué par Astrium.
C’est avec l’ISS pour objectif qu’un vaisseau Soyouz a décollé de la
base de Baïkonour mercredi 19 avec à son bord le dernier trio de l’expédition
34 composé du Russe Roman Romanenko, fils de Youri lui-même cosmonaute, de
l’Américain Thomas Marshburn et du Canadien Chris Hadfield. L’amarrage à la
station internationale est prévu pour vendredi. Commencera alors une mission de
cinq mois pour les trois hommes d’équipage. Il faudra notamment prendre en main
l’amarrage et le déchargement de quatre vaisseaux Progress, l’ATV-4 européen et
la nouvelle capsule CRS-2 de SpaceX. Lorsque l’expédition 35 prendra la relève
en mars prochain, Hadfield deviendra le premier commandant canadien de
l’histoire de la station. A noter que la prochaine mission habitée Soyouz
devrait intégrer le processus de rendez-vous rapide (seulement quatre orbites)
dans ses plans de vol.
A propos de l’ISS, je recommande deux vidéos.
1) La première, une véritable visite guidée du laboratoire, a été enregistrée par l’astronaute américaine Sunita Williams, revenue sur Terre le 19 novembre dernier après quatre mois passés là-haut. De la coupole d’observation aux toilettes, en passant par l’emplacement réservé au coucher, c’est un aperçu inédit du quotidien spatial des astronautes qui nous est offert. L’adaptation des astronautes à l’environnement 0G, visible également à travers l’architecture même de la station, est bien illustrée : ainsi du mode de locomotion, l’utilisation des bras et des mains plutôt que des jambes et des pieds, l’absence rapidement domestiquée de repères haut-bas, la tête relevée, etc.
2) La deuxième est un documentaire diffusé par ARTE samedi dernier et encore disponible en ligne gratuitement sur le site de la chaîne. Le film se propose de suivre deux astronautes de l’ESA, l’Allemand Alexander Gerst et le Néerlandais André Kuipers, à différents stades de leur carrière : respectivement, l’entraînement à Houston, à Moscou et à Cologne en vue d’une mission prévue pour 2014 et la mission effective à bord de la station spatiale bouleversée par les interrogations autour de la fiabilité des vaisseaux russes. Egalement disponible en 3D !
Au programme cinéma cette semaine, After Earth. Ce film, signé par M. Night Shyamalan, présente à l’affiche un père et son fils, Will et Jaden Smith. Mille ans après un cataclysme ayant forcé l’humanité à quitter sa planète natale, un vaisseau endommagé s’écrase sur Terre devenue inhospitalière et hostile.
Profitant de la construction médiatique du lancement du
« missile » nord-coréen, je ne peux m’empêcher de glisser un mot sur
le remake du film Red Dawn de 1984 :
la géopolitique est toujours hasardeuse et le scénario identique en tout point,
mais alors que le premier – il est vrai tout aussi absurde, y compris pour
l’époque reaganienne – racontait l’invasion des Etats-Unis par l’URSS et ses
alliés cubains et nicaraguayens, le second n’a plus cette possibilité et se
voit pour des raisons commerciales bien senties (le box office chinois a un
prix) obligé de choisir la Corée du Nord. Celle-ci bénéficierait en effet –
ère du temps oblige – d’armes cyber très sophistiquées à même de surmonter le
rapport de force a priori défavorable. Oh !, et il y a les Spetsnaz russes
pour aider…
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