mercredi 29 août 2012

Neil Armstrong (1930 – 2012)

Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la Lune, incarnait – parfois de vive voix – la conquête de l’espace comme ultime frontière. Son décès, samedi 25 juin 2012, à l’âge de 82 ans, a provoqué l’émoi de toute la planète.
Pour le Président Barack Obama, « Neil was among the greatest of American heroes–not just of his time, but of all time ». De même, selon Charles Bolden, directeur de la NASA et lui-même ancien astronaute, « As long as there are history books, Neil Armstrong will be included in them, remembered for taking humankind’s first small step on a world beyond our own ». Quant à Buzz Aldrin, compagnon lunaire omniprésent sur les clichés pris lors de la mission Apollo 11, alors que de Neil nous n’apercevons souvent qu’une trace de pas, une ombre ou un reflet : « Whenever I look at the moon I am reminded of that precious moment, over four decades ago, when Neil and I stood on the desolate, barren, yet beautiful, Sea of Tranquility, looking back at our brilliant blue planet Earth suspended in the darkness of space, I realized that even though we were farther away from earth than two humans had ever been, we were not alone. Virtually the entire world took that memorable journey with us. »


Né le 5 août 1930 dans l’Ohio, Armstrong avait piloté le fameux X-15 au début des années 60. Un temps promis au programme X-20 Dyna Soar, Neil avait finalement intégré la NASA en 1962 dans le cadre de Gemini. Héros homérien ou pilote professionnel plus simplement, il assura au module Eagle un atterrissage parfait à la surface de la Lune dans la mer de la Tranquillité le 20 juillet 1969, et ce nullement gêné par les alarmes de l’ordinateur de bord saturé d’informations. D’un tempérament modeste, peu enclin à la surmédiatisation, il était aussi un « homme savant, discret, réservé, mais toujours prêt à transmettre son expérience aux jeunes générations » selon les mots du directeur général de l’ESA, Jean Jacques Dordain.

In ancient days, men looked at the stars and saw their heroes in the constellations. In modern times, we do much the same, but our heroes are epic men of flesh and blood.In [his] exploration, [Neil Armstrong] stirred the people of the world to feel as one, [and bound] more tightly the brotherhood of man. [He] will be mourned by [his] family and friends; [he] will be mourned by [his] nation; [he] will be mourned by a Mother Earth that dared send [one] of her sons into the unknown.

Sur les 12 astronautes ayant marché sur la Lune, 8 sont encore en vie.

* - * - *

Philippe Henarejos, « Neil Armstrong est mort », Ciel et Espace
Yves Calvi, « Quand l’homme colonisera la Lune… », C dans l’air, avec Alain Cirou, Michel Polacco, Pierre Baland et Jean-François Clervoy

Jeff Foust, « Farewell, Mr. Armstrong », The Space Review
John Noble Wilford, « Neil Armstrong, First Man on the Moon, Dies at 82 », The New York Times
Paul D. Spudis, « Passing of an Era », The Once and Future Moon

Etc. 

jeudi 16 août 2012

« La reconquête de l’espace », chez Géoéconomie


Comme annoncé il y a quelques mois, la revue Géoéconomie nous livre cet été un passionnant dossier sur « La reconquête de l’espace ». Coordonné par Xavier Pasco (FRS), ce numéro poursuit la réflexion entamée dix ans auparavant lors d’un précédent dossier sur les transformations subies par l’activité spatiale au XXIe siècle.

L’implication déclinante des Etats dans les activités spatiales était alors perçue comme le grand point de rupture. Comme l’explique Xavier Pasco dans l’article introductif, « Quel nouveau départ pour l’activité spatiale » (p. 24-30), il est aujourd’hui opportun de vérifier si cette impression diffuse est confirmée ou démentie par les événements survenus depuis. De fait, de nouveaux éléments sont venus nourrir le débat : ainsi de l’inflexion intervenue aux Etats-Unis avec l’administration Obama conduisant l’Amérique et les autres puissances à sa suite à repenser leur politique ; de l’élan européen provoqué par le traité de Lisbonne et la recherche (difficile) d’une gouvernance européenne pour l’espace ; de l’expansion des besoins liés à la consommation d’information d’origine spatiale ; de l’émergence des préoccupations de sécurité mettant l’accent sur les satellites spécialisés ; sans oublier les craintes d’une « surpopulation orbitale » et l’apparition inédite d’une situation d’interdépendance dans l’espace. Dans ce contexte la place de l’Etat évolue. Reste que si la transformation en cours des rapports entre acteurs publics et secteur privé oriente l’activité spatiale, elle est aussi limitée. Pour Xavier Pasco, « l’acteur public, étatique, demeure le centre de gravité de l’activité dans la plupart de ses facettes ».

Elaborant sur cette problématique, de même que sur ce quintuple constat, les articles qui suivent ne manqueront pas de susciter l’intérêt assidu du lecteur. Aussi ne ferai-je que proposer une mise en bouche :

« La politique spatiale américaine : entre changement et continuité » (p.49-59) fait ainsi l’objet d’une analyse d’autant plus excellente qu’elle est délivrée par LE spécialiste international : John Logsdon, dont j’ai eu le bonheur de suivre les cours cet été. L’auteur dresse un bilan de l’administration Obama au vu des deux initiatives majeures qui ont été proposées au peuple américain : la première, dont on peut d’ores et déjà observer les effets tangibles, donnant la priorité à la diplomatie internationale, la seconde, au futur beaucoup plus incertain, présentant une approche inédite pour le vol habité.

L’article proposé par Isabelle Sourbès-Verger, « Russie, Japon, Chine, Inde : quelles politiques spatiales en 2012 ? » (p. 61-72) est tout aussi intéressant. Face à la caricature, il devient en effet nécessaire de dresser le portrait fidèle des investissements spatiaux opérés par les puissances émergentes, en particulier la Chine, sans oublier ces parents pauvres de l’analyse spatiale que sont traditionnellement le Japon et surtout – de manière plus surprenante – la Russie.

L’interrogation originelle – les rapports public/privé – gagne véritablement en profondeur lorsqu’elle est étudiée dans le contexte européen et surtout français. Le point de vue des industriels, qu’il s’agisse d’Astrium (« Ecrire l’avenir de l’Espace, le projet d’Astrium », p. 73-80) décrit par le président François Auque, ou de Thales (« L’Europe spatiale reste à construire », p. 81-86) présenté par le PDG Reynald Seznec, est  éclairant. Il l’est d’autant plus qu’il fait écho avec une publication récente de l’Institut Choiseul rédigée par Didier Lucas et intitulée « Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d’espace à l’industrie ». Lucas y propose l’instauration d’une série de mesures : la création d’un Secrétariat général de l’espace, l’instauration d’un Conseil permanent de concertation Etat-industrie pour l’espace, la réorientation vers l’industrie d’une partie des crédits du CNES, et la création d’un fonds de capital-risque public-privé dédié aux entreprises innovantes. Autant de pistes de réflexion que nous retrouvons suggérées par les industriels dans le présent dossier. Ainsi de la défense de la préférence européenne et du principe de réciprocité par opposition à l’ouverture à la concurrence qui est aujourd’hui de règle sur le marché institutionnel européen, de la mise en place d’un comité de concertation de la politique spatiale (industriels et institutions régaliennes), du développement d’une filière spatiale innovante incluant davantage les PME, et – sujet évidemment sensible – de l’assouplissement, voire de l’abandon, de la règle du juste retour géographique, jugée trop onéreuse et anachronique, au profit d’un renforcement de la compétition européenne. 

Le moment est propice : ces recommandations – que l’on retrouve au niveau politique à travers, pour prendre un exemple récent, la Stratégie spatiale française parue le 22 mars dernier (voir billet précédent) – s’inscrivent dans un contexte particulier, celui de la préparation de la ministérielle des Etats membres de l’ESA de novembre prochain. Le rendez-vous est de fait stratégique : l’objectif est de définir pour les cinq prochaines années à venir les grandes lignes budgétaires, de même que l’avenir toujours indécis de la filière Ariane (sur lequel la France et l’Allemagne s’opposent, avec pour principal arbitre Astrium) et le futur tout aussi important des grands programmes satellitaires. 
Les différentes versions du lanceur Ariane. Crédits : CNES/ill.D.Ducros
Source

mercredi 8 août 2012

Intermède martien : que cache l’ombre de Curiosity

L’actualité spatiale brûlante ne peut laisser De la Terre à la Lune muet. Aussi vais-je m’autoriser ce billet intermédiaire, préalable au second billet consacré aux nouvelles de la Sun Belt à paraître dans quelques jours.
Place tout d’abord au blockbuster de l’été : ce véritable thriller signé par la NASA qu’a été l’arrivée du rover Curiosity sur Mars, et dont la bande annonce a fait trembler plus d’un spectateur. Ce robot de 900 kg, trop lourd par rapport aux deux précédents rovers Spirit et Opportunity débarqués sur la Planète rouge grâce à un système d’airbags, a en effet adopté une procédure d’amarsissage atterrissage très complexe. Ce n’est ainsi pas moins de « 7 Minutes of Terror » qui ont séparé le rover du sol martien depuis son entrée dans l’atmosphère martienne. Une information qui n’est parvenue à la Terre que 7 minutes plus tard, soit 14 minutes au total, via Mars Odyssey d’abord, puis le Mars Reconnaissance Orbiter et la sonde européenne Mars Express ensuite – tous trois aujourd’hui en orbite autour de Mars et permettant aux signaux émis d’être relayés et aux équipes au sol de suivre le rover. Pour en savoir plus, voir le récit « From terror to triumph » publié par The Space Review.