jeudi 13 novembre 2014

L’espace et les régions

L’espace des régions ne se limite pas seulement aux infrastructures implantées localement. Il concerne aussi le domaine des applications spatiales et des services à haute valeur ajoutée associés à l’espace, bref cet « espace au quotidien » utilisé – souvent sans le savoir – par tout un chacun et au développement duquel les acteurs publics sont de plus en plus appelés à participer. Tel est en tout cas le message situé au cœur de Toulouse Midi-Pyrénées et l’Espace, un « book-magazine » bilingue français-anglais paru le mois dernier qui « associe le sérieux d’un ouvrage scientifique et la présentation attrayante d’un magazine, posant un regard original sur l’expertise de notre région, et donnant la parole à des intervenants très variés ». Au-delà de l’exemple toulousain qui occupe du fait de sa relation privilégiée avec le spatial une place unique en France et en Europe, l’ouvrage suggère que les régions se sont aujourd’hui très largement emparées de l’espace. Et c’est tant mieux, peut-on conclure à la lecture des 170 pages de textes et d’illustrations, car elles l’ont fait aussi bien pour le bénéfice de leurs entreprises et de leurs administrés (les « petits et moyens » usagers) que pour celui du reste du monde avec lequel elles interagissent et du secteur spatial tout entier auquel elles offrent de nouveaux débouchés économiques et des promesses de croissance et de maturité.

Ce rapprochement entre le spatial et les territoires semble naturel mais il est néanmoins récent. Et pour cause, il y a encore peu, mis à part les télécoms, rares étaient les applications opérationnelles disponibles en dehors du cadre par définition limité de la science et de la défense/renseignement. Trois grands domaines contribuent aujourd’hui directement à l’appropriation quotidienne de la technologie spatiale par les régions. Il s’agit des télécommunications avec notamment les applications de télédiffusion (couverture des zones blanches) et de télémédecine (consultation à distance) ; de la géolocalisation autour de laquelle de nombreux projets d’applications gravitent comme par exemple les transports publics, l’agriculture responsable, la collecte des déchets ou encore la gestion du trafic aérien ; et de l’imagerie avec toutes les applications imaginables pour permettre la gestion durable des ressources (gestion de l’eau, optimisation de l’utilisation des intrants en agriculture, développement urbain, etc.) ou la prévention et la prévision des risques (catastrophes majeures, changement climatique, etc.). 

Ensuite, si les applications sont désormais de plus en plus nombreuses à s’adresser directement au grand public avec des retombées en majorité régionale, la gouvernance politique, elle, n’a pas changé. Les capacités sont de fait restées européennes et nationales. Une difficulté constante est ainsi de mettre en relation les fournisseurs de services (la « famille spatiale », terme restrictif et synonyme trop souvent d’« entre-soi ») avec la « société », les utilisateurs dont l’expression des besoins n’est pas toujours prise en compte lorsqu’elle n’est pas simplement découragée par une politique d’accès aux données et une réglementation peu claires. Or, l’enjeu est d’importance à en juger par la menace grandissante que les acteurs européens voient émerger outre-Atlantique à travers Google (Skybox Imaging) et ses affiliés (G)AFAM et plus largement les nouvelles start-up de la Sillicon Valley. GMES/Copernicus pour l’observation de la Terre devrait ainsi être l’occasion de tester de nouveaux mécanismes de gouvernance plus favorables au développement des applications.

Les choses évoluent donc – et cet ouvrage l’illustre de manière éloquente. Si les régions et Midi-Pyrénées en tête ont assimilé qu’elles avaient un grand besoin d’espace, elles ont aussi compris qu’il fallait qu’elles se donnent les moyens de leurs ambitions et qu’elles fassent connaître elles-mêmes leur expertise (financements européens) et leur potentiel (débouchés, ressources humaines, tissu performant de PME). Le réseau NEREUS, qui rassemble 35 régions européennes et 35 membres associés (industriels, opérateurs, universitaires, etc.), montre cette capacité des applications spatiales de fédérer les régions. Peuvent aussi en témoigner des initiatives plus localisées de partenariats entre investisseurs et utilisateurs comme par exemple l’ESA BIC Sud France, InSpace, le pôle de compétitivité Aerospace Valley, Toulouse Montaudran Aérospace, le Toulouse Space Show ou encore la Chaire Sirius.



L’espace des régions est en marche : dernier avatar de « l’espace pour tous » et preuve que la vision dont il est porteur est capable d’évoluer tout en préservant sa capacité d’évocation et de mobilisation ?

Merci à A. S. D. 




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