Ce concept de sécurité spatiale, dont il faut noter qu’il
est relativement récent, a permis de sortir du débat stérile entre la
militarisation et l’arsenalisation de l’espace pour mieux nous enfermer dans un
autre puisque parler de sécurité revient à réduire la politique spatiale à sa
seule dimension sécuritaire, aussi large que puisse être le champ d’activités
qui lui est attaché. Ceci étant dit, pour prospérer, le spatial a
historiquement besoin d’un projet politique qui lui donne du sens et dont il se
fait le vecteur. Or, très clairement, la sécurité est aujourd’hui la motivation
la plus à même d’établir cette fameuse connexion. Les acteurs spatiaux ne s’y
sont pas trompés, eux qui mettent la sécurité spatiale à toutes les sauces,
militaire certes, mais aussi environnementale et bien sûr humaine. Comme les
auteurs s’en font eux-mêmes à plusieurs reprises l’écho, la notion est de fait controversée
et HbSS adresse aussi bien la sécurité dans l’espace que la sécurité sur Terre
grâce à l’espace, la vulnérabilité de l’espace vu pour lui-même en tant
qu’environnement que la vulnérabilité des satellites en tant qu’outils
nécessaires au bon fonctionnement de nos sociétés et de plus en plus indispensables
pour assurer la sécurité et la défense de celles-ci.
Cette grande variété de définitions qui fait que la sécurité
spatiale parle souvent de tout et de rien n’est pas perçue comme un problème en
soi, mais bien au contraire comme une richesse qu’il s’agit d’exploiter. Ce handbook – pour reprendre ce terme qui
n’a pas vraiment d’équivalent éditorial en France, renvoyant à la fois à un manuel et à un dictionnaire encyclopédique – est ainsi structuré autour de
quatre grandes parties qui, mises bout à bout, finissent par définir en quelque
sorte les limites du domaine de la sécurité spatiale, qu’elles soient
politiques, technologiques, opérationnelles ou programmatiques. L’objectif
explicite derrière cette organisation est de montrer dans quelle mesure la politique
spatiale de telle ou telle puissance spatiale se structure autour d’une
approche distincte de la sécurité spatiale. Cela est rendu manifeste par l’immense
effort que les éditeurs ont déployé depuis 2011 pour rassembler des auteurs
provenant du monde entier. Pas moins de 25 pays sont représentés parmi les 100
contributeurs que compte ce HbSS, soit 56 articles qui, étalés sur 1048 pages, s’essayent
à épuiser le sujet.
Le résultat n’est pas toujours heureux. Sans parler de la
forme qui peut à l’occasion évoquer les slides
et bullet points d’une présentation power point, nombreux sont en effet les
auteurs à s’en tenir à une lecture purement descriptive du spatial de leur pays
quand elle n’est pas redondante ou qu’elle fonctionne en vase-clos en
privilégiant des sources exclusivement spatiales. Le cas de la Chine est
révélateur puisque pour parler de sécurité spatiale et donc entrer dans le vif
du sujet la tâche est finalement confiée à un Américain, ce qui en soit ne pose
pas de problème, mais n’argumente pas en faveur de l’internationalisation. Ceci
explique aussi pourquoi à mon sens le projet lui-même est un échec : les aspects
théoriques qui sont traités dans la première partie sont très américano-centrés
(théorie du space power, space deterrence, arms control, etc.) et on reste en conséquent dans une analyse très
américaine de la space security dans
laquelle les définitions proposées sont toutes convergentes. C’est dommage
puisqu’à l’évidence certains éléments à l’œuvre par exemple en Europe ou encore
au Japon
montrent qu’une compréhension alternative peut effectivement exister. On est davantage
convaincu paradoxalement par les deux dernières partie qui s’en tiennent à un
récapitulatif des différents programmes spatiaux militaires (ROIM, ROEM, satcom,
SSA, etc.) et civils (lanceurs,
satellites, etc.) des grandes puissances et s’avèrent non seulement très complètes
mais aussi très utiles.
HbSS apparaît dès lors pour ce qu’il est, un prétexte pour
parler de spatial de manière la plus exhaustive qui soit. Et de fait, même si la
lecture s’avère biaisée et l’effort d’internationalisation un brin futile, il
faut reconnaître que la sécurité spatiale est une notion intéressante pour
débuter en ce qu’elle offre une clé de lecture efficace des politiques
spatiales aujourd’hui. Ajoutons que cet ouvrage contient pratiquement tout ce
que la Terre a d’experts sur le sujet (Everett
Dolman y fait même une apparition remarquée) et nous pourrons conclure que de
ce point de vue au moins l’exercice est une réussite.
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