samedi 29 août 2015

After Apollo?

After Apollo?
John Logdson confirme à travers ce livre son statut d’historien officiel du programme spatial américain. Tout comme John F. Kennedy and the Race to the Moon, l’ouvrage auquel il succède, After Apollo? Richard Nixon and the American Space Program s’inscrit dans un projet de longue haleine visant à retracer l’origine des décisions présidentielles qui ont défini les contours du programme de vol habité américain depuis plus d’un demi-siècle. Mais à la différence du premier qui reste avant tout une mise à jour d’une précédente étude parue en 1970, le nouveau livre est une publication originale, fruit d’une réflexion qui aura attendu toute une carrière académique – dont 38 ans en tant que membre actif de l’Institut de Politique Spatiale de GW et six comme professeur émérite – pour apparaître au grand jour. 

Le résultat n’est pas une énième histoire de l’évolution plus ou moins contrariée de la navette spatiale mais un exposé des décisions qui ont placé la navette spatiale au cœur du programme spatial civil pendant près de quatre décennies. La nuance est d’importance, car si pour le commun des mortels John Kennedy est perçu comme le président ayant eu le plus d’influence sur l’effort spatial des Etats-Unis, Logsdon fait valoir non sans une pointe de provocation que cet honneur doit en réalité revenir à Richard Nixon. Avec le recul que seul permet le passage des années, il note que les décisions prises entre 1969 et 1972 sur l’avenir de la NASA dans la période post-Apollo, y compris mais pas seulement celles liées au développement de la navette spatiale, ont touché bien plus durablement le programme spatial américain que la décision d’aller sur la Lune. En effet, « The decisions made then have defined the U.S. program of human space flight well into the twenty-first century », alors que « John Kennedy’s 1961 decision to go to the moon led to the Apollo program, which lasted only from 1961 to 1975 ».

Ces décisions peuvent être découpées en deux parties qui constituent la trame du livre. La première partie s’intéresse ainsi aux décisions essentiellement négatives qui concernent ce que l’administration Nixon n’était pas désireuse de faire ou en l’occurrence de poursuivre. De fait, il fut rapidement décidé dès avant la fin des missions sur la Lune – dont certaines furent annulées et d’autres risquèrent un moment de l’être – qu’il n’y aurait pas de nouvel et vaste effort de type Apollo visant à entreprendre des missions habitées vers Mars. Pour Nixon, le programme spatial relevait en effet d’une logique domestique et non de politique étrangère et ne devait donc pas s’inscrire dans une démarche spécifique ou autonome comme Kennedy avait habitué la communauté spatiale à le penser, non sans provoquer certains excès. Ce que l’auteur qualifie de « doctrine spatiale Nixon » va avoir deux conséquences durables : 1) désormais, le programme spatial sera évalué à l’aune des activités gouvernementales classiques et ne se verra assigner aucun statut particulier ou prioritaire ; 2) en conséquence, le programme spatial aura à se battre pour obtenir un soutien et un financement fédéral. Dit autrement, « NASA’s days of operating outside of the continuing competition for government resources were over ». Inutile de dire que l’Agence n’a pas bien digéré cette transition dont on ressent aujourd’hui encore les effets. 

La seconde partie couvre la décision de trouver à Apollo un successeur moins ambitieux que ne le furent les missions habitées sur la Lune et décrit comment l’administration en vint à opter pour la navette spatiale sans que lui ne soit pour autant assigner un objectif stratégique précis. Alors que la NASA a essayé de convaincre ses maîtres politiques du bien-fondé de la navette spatiale en arguant d’arguments économiques et techniques – et en association étroite avec le projet de station spatiale qu’elle essayait de promouvoir par ailleurs –, Logsdon note que la décision de Nixon a été prise en fonction du seul contexte politique. In fine, la navette existe par défaut parce que le président était convaincu aussi bien de la nécessité de poursuivre le vol habité comme instrument de prestige et symbole du leadership spatial américain et de laisser le champ ouvert aux utilisations militaires de la navette que de l’impératif qu’il avait à s’emparer des votes des Etats « spatiaux » comme la Californie où l’emploi représentait un enjeu majeur des élections de 1972 à venir. Sur la base de ces indicateurs, le bilan de la navette est mitigé : oui, la navette a participé au prestige national, et oui, la navette a transporté des missions classifiées dont le résultat sur la sécurité nationale n’a pas manqué d’être positif, mais la navette a constitué un « détour » militaire très cher payé et son développement a donné au programme spatial l’apparence d’une machine à créer des emplois.

Le récit que produit Logsdon est particulièrement fascinant au vu de la puissance de la thèse défendue. Dans sa description des événements qui ont marqué la présidence Nixon, l’auteur révèle également nombre d’anecdotes qui rendent la lecture de l’ouvrage d’autant plus appréciable et agréable. Reste qu’After Apollo? a beau afficher un portrait fouillé et rigoureux de la politique spatiale de Nixon, la conclusion à laquelle il aboutit est loin d’être neutre. Pour John Logsdon, s’il y a finalement une chose à retenir, c’est que les problèmes et incertitudes du programme spatial américain actuel trouvent leur origine dans la période de fin de vie d’Apollo et non son commencement. L’obsession extrême des Etats-Unis à l’égard du vol habité n’est pas en soi critiquable selon cette approche ; ce qui l’est en revanche, c’est l’absence de direction à la NASA qui fait partie intégrale de l’héritage spatial de Richard Nixon.







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