Aussi, à la question de savoir si les Etats-Unis ont perdu
ou non la bataille de l’espace, pouvons-nous considérer deux niveaux.
Le premier est externe, c'est-à-dire lié à la compétition
internationale. Là, malgré quelques décalages entre la réalité et la perception
de cette réalité, les Etats-Unis sont assez rapidement devenus bon premiers.
Le second est interne, c'est-à-dire domestique, et nous
permet d’envisager un tout autre point de vue. De même que le terrorisme pose des
défis majeurs aux démocraties, quant aux mesures à prendre et aux réponses à
donner, de même l’apparition « soudaine » de l’âge spatial avec
Spoutnik a-t-elle conduit l’Amérique à changer afin de s’adapter à la nouvelle
donne. Par exemple, en se rapprochant paradoxalement de son rival idéologique
soviétique jusqu’à, si ce n’est totalement lui ressembler comme les cochons et
les fermiers de la Ferme des animaux,
du moins lui emprunter certains traits ordinairement jugés « un-american ».
Je m’appuie ici sur une lecture et une critique de « droite » du
spatial. Bien que minoritaire (≠ l’espace est le symbole par excellence de l’exceptionalisme américain), celle-ci n’est pas nouvelle. Depuis le début de l’âge spatial, la NASA
est critiquée, ses missions perçues en général comme un excès dangereux du
pouvoir fédéral et le programme Apollo en particulier comme un symbole de centralisation
« socialiste ». Cette analyse se situe dans une perspective plus
large accablant l’action du gouvernement des pires maux, notamment l’illégitimité,
parce que son inefficacité, son activisme et le gaspillage de l’argent du
contribuable perturbent l’équilibre des pouvoirs de la Constitution et la main
invisible des marchés. A l’inverse les initiatives individuelles du secteur
privé sont hautement valorisées.
La figure incarnant le mieux cette position est celle du
président Dwight « Ike » D. Eisenhower (1890-1969). Longtemps
dénigré, voilà que l’on revoit en lui un héros de l’âge spatial, celui qui
cherchait à encadrer les dépenses en refusant la course à l’espace dans
laquelle les Soviétiques voulaient entraîner les Etats-Unis et en tâchant de
maintenir l’équilibre traditionnel entre
politique, économie et sécurité. De fait, tel était alors le dilemme de l’époque,
maintenir l’image d’un pays résolu et fort à l’international sans pour cela
remettre en cause les valeurs et les institutions américaines, de même que la
santé économique du pays. Inutile de dire que pour le trio
Kennedy/Webb/Johnson, la génération qui a fait la guerre, les moyens et le prix à payer importaient peu, du moment
que la fin était là : vaincre les Soviétiques dans la guerre des images de
la Guerre froide. C’est ce que l’historien conservateur Walter
McDougall appelle la « tentation technocratique » (par ailleurs
le meilleur livre disponible aujourd’hui sur l’histoire de l’espace, qui plus est à l’origine de ce billet) et ce que
la NASA qualifie de « quick fix » : un problème, une solution. Quelque
chose que l’on retrouve également en partie, de manière peut-être plus pessimiste, chez Andrew
Bacevich sur la politique étrangère. Bref, pour s’ajuster à la dure réalité
de la guerre froide, l’Amérique a dû se transformer… et perdre… se perdre ?
Bien entendu ce discours est en partie désamorcé par le fait
que la tendance est aujourd’hui d’aller vers un espace de plus en plus
privatisé, ou du moins commercialisé. D’où le désarroi compréhensible des
Républicains – même s’ils s’en cachent, Romney en tête – face à l’administration
Obama qui a fait de l’espace commercial son cheval de bataille et l’exploration
de l’espace stricto sensu une option
de long terme.
La compétition qui à lieu entre les USA et l'URSS dans, en autre, la course à l'espace pourrait elle reprendre avec cette fois une course entre la Chine et les États-Unis ?
RépondreSupprimerPékin à un programme ambitieux et comme cela à était déblayé par les 2 supergrands il y a 40 ans peut rééditer ses exploits à moindre frais ;)
Votre petite phrase sur le terrorisme m'a rappellé cette initiative avorté de faire profité les forces de l'ordre locales aux Etats-Unis des satellites espions de la Défense en 2008. Un contributeur à traduit les implications juridique que cela implique :
RépondreSupprimerhttp://fr.wikipedia.org/wiki/National_Applications_Office
Je ne connaissais pas. Merci bien. Il semble que l'histoire se répète aujourd'hui avec l'utilisation des drones par le Homeland Security.
RépondreSupprimerPas tout à fait la même chose, les douanes US utilisent des drones depuis le début du siécle au moins, et avant des avions et hélicoptère que les UAV ne font que compléter. Le problème vient de l'utilisation de personnels militaires, donc, en théorie, il suffit que la Homeland Security s'achéte ses propres satellites.
RépondreSupprimerCertes, mais la problématique - sur le point d'être réglée - n'est pas si éloignée que cela et d'ailleurs tout aussi brûlante.
RépondreSupprimerJe savait qu'il avait des problèmes avec l'intégration des drones dans la circulation aérienne mais je ne pensait pas qu'elle prenait un tour ''politique''. Après tout, cela fait un demi siècle que la police US utilise des hélicoptères pour la surveillance qui sont équipé depuis les années 70/80 de caméras.
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