Ce billet servira ici de complément de réflexion, ou plutôt
d’illustration à l’article commis chez DSI. Tout comme dans ce dernier, le satellite y joue en effet le rôle
principal.
Compagnon fidèle, sentinelle infatigable, le satellite est
le véhicule spatial par excellence. De fait, même si l’origine étymologique (satelles) a beau n’être pas certaine, son « sens est clair : le
mot désigne un garde du corps, un soldat, un auxiliaire, voire un complice »
pour reprendre les mots de Jacques Arnould dans La Terre d’un clic. Du bon usage des
satellites. Pour les Russes, il est le sputnik, le « compagnon de voyage » ; pour les
Chinois, le wei xing, « l’astre
gardien » ; pour les grecs enfin, il est dit doryphoros, ce garde du corps « armé d’une lance ».
Sans doute les 5000 satellites ayant rejoint l’orbite
terrestre depuis 1957 méritent-ils ces noms. Encore que Hollywood a aussi son
mot à dire. L’industrie du divertissement la plus puissante de la planète n’est
en effet pas étrangère à la popularisation du satellite en tant que tel, tout
comme elle n’hésite pas à lui donner un sens qui s’impose à lui en dépit des
limitations technologiques et des lois de la physique. Florilège et
commentaires.
ICE STATION ZEBRA (Destination Zebra, station polaire, 1968)
Synopsis : Suite
à un dysfonctionnement, une pellicule tombe d’un satellite-espion soviétique
dans l’Arctique et aussitôt une course est déclenchée entre les deux Grands
pour tâcher de la récupérer. Véritable MacGuffin, la bobine est censée contenir
des photographies d’installations militaires soviétiques prises par
inadvertance, expliquant donc l’appétit occidental. Inutile de dire cependant
que l’Occident possède ses propres satellites. Cette course semble en outre d’autant
plus gratuite qu’un agent britannique explique que le satellite russe
fonctionne à partir de technologies occidentales volées.
Reste que la base du scénario n’est pas totalement
invraisemblable. Les communications radios n’étant pas suffisamment
développées, les premiers satellites américains et soviétiques fonctionnaient
effectivement de cette manière, renvoyant depuis l’orbite terrestre les
pellicules des films pris durant leur survol de la cible. Freinées par un
parachute, celles-ci étant ensuite récupérées en l’air (par l’intermédiaire
d’un filin dans le cas des Etats-Unis) ou au sol (dans le cas de l’URSS). En
outre, à en croire un document
déclassifié de la NRO (p. 155), en avril 1959, une pellicule renvoyée sur
terre par un satellite Corona/Discoverer
atterrit par erreur dans l’Océan Arctique et fut possiblement récupérée par des
agents soviétiques (un conseiller technique du film aurait eu accès à cette
information).
PATRIOT
GAMES (Jeux de guerre, 1992)
Synopsis : Basé
sur le techno-thriller éponyme
de Tom Clancy, le film fait suite à The Hunt for Red
October (À la
poursuite d'Octobre rouge, 1984) à
la différence que le personnage de Jack Ryan est cette fois-ci interprété par
Harrison Ford et non plus Alec Baldwin. Toutefois alors qu’il n’était que très
brièvement fait mention de capacités d’observation spatiale dans le précédent
(quelques photographies du sous-marin quittant son port d’attache), ici, le
satellite est au cœur de l’intrigue. Grâce à celui-ci la CIA peut en effet
suivre l’entraînement des terroristes irlandais de l’IRA dans les camps libyens
et même diffuser en direct l’intervention des forces spéciales américaines.
Fait suffisamment
rare pour être noter, Hollywood tâche avec ce film d’avoir le réalisme de son
côté. L’imagerie satellitaire n’est pas montrée comme omnipotente : les
détails ne sont pas forcément visibles sur les quelques images disponibles (il
est vrai en couleur et non en N&B comme dans la réalité), et Ryan et les
photo-interprètes qui l’accompagnent doivent comparer, la plupart du temps avec
un microscope, et faire plusieurs suppositions avant de parvenir à identifier
une femme (par sa morphologie) et un homme (grâce à sa calvitie). Qui plus est,
les terroristes ne sont pas passifs : ils savent lorsqu’un satellite les
survole et se cachent donc pour échapper à la détection. Afin d’intégrer un
élément de surprise dans ce jeu du chat et de la souris, Ryan propose que les
satellites soient reprogrammés provoquant la colère d’un représentant de la
CIA : « Do you have any idea how big a deal it is to retask the
satellites? ». Patriot Games n’en concède pas moins beaucoup de
terrain à la science fiction : dans une scène devenue fameuse, un
satellite fournit à l’équipe présente à Washington le suivi par vidéo, en
direct et de nuit de l’attaque contre le camp terroriste.
Synopsis : Le
film Enemy of the State joue sur une
tout autre dimension, également présente dans le livre de Jacques Arnould cité
un peu plus haut. Le satellite y est représenté comme l’équivalent à la fois du
Big Brother imaginé par Orwell et du panoptique (panopticon) décrit par Jeremy Bentham. A
l’origine de cette révolution paranoïaque se trouve la NSA (National Security
Agency) capable dans le film de prendre le contrôle des satellites américains
et ainsi de suivre n’importe quel individu, dont le héros joué par Will Smith
et son acolyte interprété par Gene Hackman. Repositionnés au-dessus de la
capitale fédérale, les satellites délivrent en effet à leurs maîtres de la NSA
une information en direct et en continu de la situation.
Le problème est qu’un satellite d’observation ne fait pas du
surplace. Les fameux Key Hole
américains naviguent par exemple en orbite basse, ce qu’il leur permet certes
d’être au plus près de la cible, mais les conduit également à passer à très
grande vitesse au-dessus d’elle. Résultat : il est impossible de suivre à
la trace un objet ou un individu. A cela s’ajoute le risque météorologique (la
couverture nuageuse, très importante si j’en juge l’état du ciel dans la
plupart des scènes du film) qui bloque la vision du satellite, de même que la
résolution qui n’est par définition maximale que lorsque le satellite est au
zénith (juste au-dessus de la cible), qui ne laissent en définitive qu’une
minuscule window of opportunity au bad guys.
Dernier point : la NSA ne fait qu’intercepter les communications et aucun
satellite ne lui appartient. N’en demeure pas moins une problématique fort
intéressante sinon originale sur la surveillance dans nos sociétés
modernes : « who's gonna
monitor the monitors of the monitors? » demande la femme du héros, qui
gardera les gardiens ?
Je ne pouvais parler de cinéma et de technologie sans
évoquer James Bond. La mention sera cependant brève car bien que le film
illustre, à l’image de tous les 007, une géographie mondialisée (Grande-Bretagne,
Azerbaïdjan, Kazakhstan, Russie, mer
Caspienne, Istanbul) il n’est pas cette fois-ci question d’espace (pour cela, mais
cela serait aller au-delà du mandat que ce billet s’est fixé, préférer Moonraker et sa
bataille dans l’espace ou GoldenEye et son
satellite ex-soviétique EMP). Dans The
World Is Not Enough, le satellite n’est intégré dans le scénario que lors
de la scène finale du repos du guerrier. Je ne m’interrogerai pas sur les
possibilités techniques de la chose, simplement : depuis quand la Grande-Bretagne
a-t-elle un satellite espion ?
L'on pourrait aussi ajouter le laser de "Piège à grande vitesse", la voile solaire de "Meurs un autre jour" où le plus gros de tous, Icon de "Space CowBoys".
RépondreSupprimerIntéressant billet et exemples de films bien choisis.
RépondreSupprimerCa me donne envie de les revoir tous (lol).
Merci pour ces commentaires, ainsi que pour ces quelques idées de films. Space Cowboys mérite en effet un futur article. Qui sait, peut-être bientôt ! N'en demeure pas moins que je me suis concentré dans ce billet sur la militarisation de l'espace (reconnaissance, communications, etc.) et non l'arsenalisation (les satellites bombardiers, laser et autres). A noter d'ailleurs qu'il est surtout question ici de satellites espions (plus sexy du point de vue cinéma). Mais si jamais d'autres films vous viennent en tête, n'hésitez pas, je suis toujours preneur.
RépondreSupprimerBien à vous,