dimanche 2 septembre 2012

Pause estivale et mise en orbite : quelques nouvelles de la Sun Belt (2)

Suite et fin de nos tribulations américaines

Une grande partie de l’aventure s’est déroulée, comme la fin du premier billet le laissait supposer à travers le lancement de la fusée Atlas V, sur Merritt Island et le Centre spatial Kennedy (KSC), ainsi que sur l’aire de lancement de la station de l’USAF de Cape Canaveral. Aussi m’attarderai-je tout d’abord – et en photos s’il vous plaît – sur les installations historiques que j’ai eu le loisir de visiter. 
Première étape, le Vehicle Assembly Building (VAB). Cet énorme bâtiment situé au centre de la carte interactive copiée ci-dessus (n°23) présente des dimensions impressionnantes : troisième plus grande construction par le volume, le VAB mesure 160m de haut, pour 218m de long et 158m de large. Et pour cause, il a servi dans le cadre du programme Apollo pour l’assemblage vertical des étages de la mythique fusée Saturn V qui a amené Neil Armstrong et ses fellow astronautes sur la Lune. Utilisé jusqu’à l’année dernière pour assembler la navette spatiale américaine (réservoir externe, fusées d’appoint et orbiteur, le tout posé sur le gigantesque crawler), il se prépare désormais à accueillir le futur Space Launch System (SLS).
Début de soirée au VAB et panorama Est sur les sites de lancement
Panorama N-E et S-O depuis le toit du VAB
C’est également à proximité que j’ai pu assister aux lancements des fusées. Voilà donc pourquoi le son arrive en décalé, distance oblige, comme en témoignent les vidéos réalisées : plus d’une minute – précision : ce n’est pas moi qui commente – dans le cas du tir, inédit, de la dernière version de la Delta IV Heavy pour le compte de la NRO (n°11 sur la carte). 
Non pas que les navettes soient très loin. Du moins pour deux d’entre elles, comme ce face-à-face récent a pu le prouver. Aussi notre deuxième étape prend-elle place à quelques mètres seulement, entre le VAB et les différents hangars de maintenance des orbiteurs, appelés Orbiter Processing Facility 1, 2 et 3 (OPF). 
Exactement un an après la fin du programme Shuttle (ci-dessus la piste d’atterrissage de la navette – n°20 sur la carte – et l’emplacement où la dernière mission STS-135 s’est immobilisée), me voici donc en train de contempler la navette Atlantis être déplacée d’un bâtiment à l’autre (voir vidéo) avant son admission définitive au Complexe des visiteurs du KSC en 2013.
Et quelques jours plus tard, voilà que je croise également le chemin de la navette Endeavour à l’abri de son hangar, attendant elle-aussi, une fois « nettoyée », son départ pour Los Angeles le 17 septembre prochain.
Je n’apprendrai rien au lecteur de ce blog : ma relation avec le spatial est avant tout « politique », non pas « technique ». J’étudie le contexte politique, qu’il soit domestique ou international, le monde des perceptions et le rôle de l’imagination, l’histoire, les succès comme les échecs des différentes politiques/stratégies spatiales… Aussi avoir sous les yeux, toucher parfois, des composants réels, tangibles, de l’effort spatial humain – ici américain – a-t-il été pour moi une manière nouvelle et émotionnellement puissante d’appréhender l’objet Espace. La poussière spatiale recouvrant les navettes, les tuiles thermiques célèbres depuis l’accident de 2003, les rencontres avec ceux qui vivent la conquête des étoiles, l’environnement lui-même, autant d’éléments concrets qui donne un sens réel à l’aventure spatiale.

La chose est d’autant plus exacte que le KSC fêtait cette année son 50e anniversaire. Dans le contexte de l’année 1962, soit quelques mois à peine après le vol orbital historique de John Glenn (20 février) et la récidive de Scott Carpenter (24 mai), le centre spatial était en effet officiellement reconnu le 1 juillet sous le nom de Launch Operations Center, modifié plus tard après la mort de John F. Kennedy. 


Une histoire riche, comme en témoignent les photos suivantes : du monument à la mémoire du programme Mercury…
… en passant par le souvenir de l’accident qui a coûté la vie aux trois astronautes de la mission Apollo 1 en janvier 1967 : passé et présent se mêlent ici, avec au premier plan ce qui reste du site de lancement (rendu célèbre par le film Armageddon), au second le Launch Complex-37 de la Delta IV.
… sans oublier enfin les musées – celui de l’USAF comme ceux du KSC (1 et 2) –, la fameuse Astronaut Beach House, les multiples rencontres avec les astronautes – comme ici, avec Ken Bowersox, Chiaki Mukai, Garrett Reisman, Kent Rominger, Winston Scott, Nicole Stott, et Jim Voss, et Jean-Jacques Favier présent dans l’assistance – ainsi que le lancement inoubliable de fusées « amateurs » au pied du Launch Complex-39A du programme Shuttle, etc.
Chaque SSP est aussi l’occasion de produire différents rapports qui alimenteront en discussions un certain nombre de conférences et forums du secteur spatial de l’année. Quatre documents ont été ainsi rédigés durant cet été :

Le premier, intitulé Space: One Giant Leap for Education, a pour sujet les quatre disciplines dites STEM (pour « science », « technology », « engineering », et « mathematics ») et comment le spatial peut contribuer à leur développement.
"What can space contribute to global STEM education?" This report describes ways to use space to improve STEM education and reach a broader audience. Space-related content can be integrated into existing academic curriculum and into non-school materials. The report suggests some programs and interventions like space workshops and competitions, a space debris game or a video outreach program among others.
BLISS: Beyond LEO and Into the Solar System se concentre sur le développement d’une station spatiale de seconde génération, dite ISS 2.0 ou plus précisément NGSS (Next Generation Space Station). Un ExSum est également disponible ici.
The report investigates the key motivations for building a next generation space station (scientific endeavors, exploration, and commercial development) and recommends the optimal locations for such a station. Attention is given not only to issues of engineering, but also international cooperation and policy, education and public outreach, station science, finance, and commercial applications.
Le troisième rapport, commandé par l’ISU et le KSC, porte sur le concept de spatio-port et décide intentionnellement d’orienter sa réflexion sur le projet en réseau OASIS : Operations and Service Infrastructure for Space : soit la LEO, puis la Lune, puis l’orbite martienne avec l’installation d’un point nodal sur Phobos.
To provide easy and affordable access into orbital and deep space destinations, creating a network of spaceports is an option to provide a more economical solution [...]. This report details the different phases of a project for developing a network of spaceports throughout the Solar System in a timeframe of 50 years. The requirements, functions, critical technologies and mission architecture of this network of spaceports are outlined in a roadmap of the important steps and phases.
Last but not least, le dernier rapport – auquel j’ai contribué – est intitulé simplement Space Debris. L’ExSum est disponible ici. Avec 16 744 débris catalogués (juillet 2012) et quelques trillions encore non inventoriés, l’espace est devenu en quelques décennies une véritable poubelle. L’encombrement est tel que le franchissement du seuil de non-retour (dit syndrome de Kessler) dans les années à venir n’est plus un scénario de science-fiction. Bien que le problème soit criant, conséquence logique de la tragédie des biens communs, aucune solution concrète n’a toutefois encore été apportée. Identifiant les aspects à la fois de mitigation (prévention, atténuation = passif) et de removal (élimination = actif), ce rapport propose de manière pluridisciplinaire une solution technique préférée, de même qu’un cadre politique, légal et financier au sein duquel celle-ci pourra être développée. A noter que le caractère éminemment politique de la question – qu’il s’agisse de l’aspect dual classique ou des conséquences sur la réputation et le leadership d’un pays « fautif » ou « responsable » –, de même que la qualité internationale de notre équipe (15 nationalités), ont fait de la rédaction de ce rapport un exercice réel de négociation internationales. Ce qui ne constituait pour certains qu’une simple date – un fait historique et donc objectif – fût ainsi l’occasion de maints débats. Je pense évidemment à la référence à la destruction intentionnelle du satellite météorologique chinois FY-1C de 2007, voire à l’ASAT américain de 2008, et aux conséquences que cela soulève pour ce qui est des difficultés d’engagement d’un dialogue entre les Etats-Unis et la Chine. 
Outre le KSC, la NASA, le FIT et l’ISU, je tiens à remercier chaleureusement le CNES et l’ESA pour m’avoir permis de participer à cette extraordinaire aventure. J’ajoute que si le lecteur est intéressé pour participer à ce programme (dont les éditions 2013 et 2014 auront lieu, respectivement, à São José dos Campos, Brésil, et à Montréal, Canada), qu’il n’hésite surtout pas à me contacter pour tous renseignements. Plus d’informations d’ores et déjà disponibles ici.

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Voir aussi :



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Je n’ai malheureusement pas eu le temps d’y faire mention plus tôt, mais je tenais en tant que prix « René Mouchotte » 2011 à saluer les lauréats du prix de l’armée de l’air 2012. Toutes mes félicitations ! J’en profite également pour préciser que Penser les ailes françaises publie dans son dernier numéro un article signé par votre serviteur : « La rencontre du Janus américain avec l’espace : une lecture internationaliste de la politique spatiale aux Etats-Unis ».

Bonne rentrée à vous !



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