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Reste que même les agences les plus proactives dans ce
domaine, celles ayant accepté la limite des 25 ans, continuent pour partie de
lancer des satellites et des fusées qui resteront en orbite une fois leur
mission terminée. La règle a beau exister, mais synonyme de surcoûts, elle
n’est pas toujours respectée. Ainsi, environ 80% des étages supérieurs de
fusées sont désorbités après usage. Et seulement 60% des satellites sont
positionnés en fin de vie sur une orbite plus basse permettant leur retour dans
l’atmosphère au bout de 25 ans. Pour un propriétaire de satellite, désireux
d’amortir le plus longtemps possible le coût de son programme, la tentation est
en effet grande de prolonger la mission au-delà du calendrier fixé. Elle l’est
d’autant plus que la quantité de fuel et d’énergie encore à bord du satellite doit
être suffisante pour permettre une rentrée atmosphérique contrôlée, i.e.
au-dessus de zones non-peuplées (principalement le Pacifique).
Certes, de plus en plus de nations acceptent désormais de
« passiver » leurs fusées et satellites une fois la mission achevée –
décharger les batteries, vider les réservoirs, etc. pour plus largement
diminuer le risque d’explosion. N’en demeure pas moins que les prévisions sont
très pessimistes et que si rien n’est fait personne n’acceptera bientôt de
prendre le risque d’envoyer un équipage d’astronautes ou de futurs systèmes
satellites très coûteux dans l’espace. Ainsi, lors de la conférence, six des
agences appartenant à l’IADC (Inter-Agency Space Debris Coordination Committee)
se sont accordées sur un même diagnostic : même si 90% des satellites et
fusées suivent la règle des 25 ans, le nombre de débris en orbite augmentera
nécessairement dans le futur du fait de l’effet cascade (dit « syndrome de Kessler »). Pour stabiliser le nombre de déchets orbitaux, il ne saurait
donc y avoir qu’une seule réponse : l’élimination active des débris
(« active debris removal », ADR en anglais).
Les options sont nombreuses : harpon ou grappin pour attraper un débris
et le guider vers la Terre, filet pour chasser et capturer les
proies non-coopératives, lasers pour ralentir un objet et ainsi accélérer sa
chute, kits de désorbitation, etc. Aucune n’est encore véritablement mure,
toutes font l’objet d’enquêtes approfondies en attente d’un consensus de la
part des membres de l’IADC. Le CNES
en France – en lien avec Astrium et TAS – est très actif sur cette
question, sur laquelle il aurait voulu voir financé un système ADR lors de la dernière ministérielle en
lieu et place du partenariat européen avec le système Orion.
La contrainte majeure n’est néanmoins pas technologique,
mais juridique et politique. Toute approche complète et pertinente du problème
doit donc être systémique. Telle est notamment la thèse soutenue dans un papier
– dont je suis co-signataire – présenté à l’occasion de cette conférence.
Il est ainsi difficile pour une agence d’éliminer un débris
dont une autre agence est « propriétaire » sans l’accord de cette
dernière. Pour simplifier les choses, chaque agence pourrait nettoyer l’espace
des déchets qu’elle possède pour deux centaines de millions d’euros la mission.
La cible n°1 de l’ESA est par exemple le satellite mastodonte Envisat en dérive
depuis 2012 et dont la rentrée contrôlée dans l’atmosphère est une nécessité.
Mais toutes les incertitudes ne seraient pas levées pour autant : qui
blâmer en cas d’accident pendant une intervention alors qu’un système ADR
est de facto une arme spatiale ? Par ailleurs, les Etats doivent-ils être les
seuls à payer ou faut-il aussi faire participer les opérateurs et industriels,
sur leurs fonds propres ou à travers une taxe pollueur-payeur ? Une nouvelle
organisation doit-elle être créée pour collecter les fonds et coordonner en son
nom cette activité ? « My dream is that a new agency like the
International Telecommunications Union will be proposed at UN level to
coordinate all this activity » a ainsi indiqué Claudio Portelli de l’Agence
spatial italienne (Asi) cité par BBCNews.
Plus largement, l’élimination des débris orbitaux soulève le
lot d’interrogations commun à ce genre de problématique environnementale partagée
entre « tragédie des communs » et « tragédie de la dépossession ».
Comment les pays dont l’accès à l’espace, apanage de l’humanité, est tout neuf
voire encore en gestation réagiront-ils face à ce qu’ils pourraient percevoir à
juste titre comme de nouvelles contraintes dirigées directement contre eux et
dictées par ces puissances impérialistes que sont les plus gros pollueurs (Etats-Unis,
Russie, Chine, France/ESA) ? On devine que le processus ne peut se faire
que par étape, avec des programmes d’aide au développement, transferts de
technologie et d’expertise, etc.
La prise de conscience est en tout cas bien réelle. En
témoigne le succès de cette 6e conférence européenne. « Il y a quelques années, c’était un peu une
réunion entre initiés. Aujourd'hui, elle rassemble 350 chercheurs venus de
trente pays » affirme ainsi Christophe Bonnal, expert senior à la
direction technique du Centre national des études spatiales (CNES). Pour Heiner
Klinkrad, Directeur du Bureau Débris spatiaux de l’ESA : « Nous pouvons comparer notre perception du
problème grandissant des débris spatiaux à celle que nous avions de la
nécessité d'aborder les changements climatiques de la Terre il y a 20 ans ».
Un parallèle déjà effectué par Wall-e
en 2008, ou lorsque l’exploration de l’espace rejoint la fibre écolo…
Images: ESA
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