dimanche 14 août 2011

Evolution de l’espace non-étatique (4) Le tourisme spatial (1ere partie)

Je poursuis ma série consacrée à l’évolution de l’espace non-étatique. Aujourd’hui, un secteur en pleine expansion : l’industrie du tourisme spatial.
Fichier:Satellites For Sale - GPN-2000-001036.jpg
Par tourisme spatial, il faudrait comprendre ces voyages amateurs entrepris pour le plaisir au-delà de l’espace atmosphérique. Toutefois, on bute ici sur la définition à accorder à l’espace : quand commence-t-il ? Rappelons à ce titre qu'un individu ne peut se dire spationaute que lorsqu'il est allé au-delà des 100 km. Devrait-il en être de même pour le futur touriste spatial ? Mais on bute aussi, technologie oblige, sur l’altitude maximale à laquelle les touristes vont pouvoir accéder. Pour le moment comme à moyen-terme, il semble difficile de dépasser la LEO. De fait, l’ISS est la destination finale : l’ultime frontière.

A partir de ces quelques réflexions, le tourisme spatial peut se décomposer en deux branches :

- le tourisme spatial au sens propre, celui dont la destination est la Station internationale 

- le tourisme spatial suborbital, celui qui se fixe comme palier le balcon du monde

1) Objectif ISS !

Le séjour en orbite à bord de l’ISS constitue, pour quelques années encore, l’unique moyen de voir la planète depuis l’espace pour tout civil en manque de sensations fortes (mais non pas d’argent). A ce jour, seuls sept individus ont accepté (de payer) l’aventure.

- Dennis Tito (US), 8 jours (du 28 avril au 6 mai 2001)

- Mark Shuttleworth (RSA), 11 jours (du 25 avril au 5 mai 2002)

- Gregory Olsen, (US), 11 jours (du 1er au 11 octobre 2005) 

- Anousheh Ansari, (Iran/US), 12 jours (du 18 au 29 septembre 2006)

- Charles Simonyi (Hongrie/US), 15 jours (du 7 au 20 avril 2007), puis à nouveau, 14 jours (du 26 mars 2009 au 8 avril 2009)

- Richard Garriot (US/UK), 12 jours (du 12 au 23 octobre 2008)

- Guy Laliberté (Canada), 12 jours (du 30 septembre au 11 octobre 2009)
Charles Simonyi Crew PhotoGuy Laliberte crew photo
Ce modèle est limité pour au moins trois principales raisons. 1) Il y a tout d’abord le prix : pour des sommes comprises entre 20 et 35 millions de dollars le siège, l’espace n’est pas à la portée de tous les portefeuilles. 2) Vient ensuite la méthode employée : l’Agence spatiale fédérale russe, pour le moment la seule à fournir ce genre de transport, ne dispose pas toujours de place disponible à bord de ses Soyouz. C’était par exemple le cas en 2003 après l’accident Columbia, ça l’est à nouveau aujourd’hui maintenant que la navette n’est plus opérationnelle, et ça le sera peut-être encore demain si Roskosmos ne choisit pas d’augmenter sa fréquence de lancement. 3) Enfin, il y a l’entraînement long et très dur à supporter derrière les barbelés de la Cité des Etoiles (Zviozdny gorodok). Centrifugeuse, chambre d’altitude, sport intense, chambre climatique, impesanteur, entraînement de survie, voire apprentissage des bases de la langue russe et dégustation des mets qu’il faudra apprécier là-haut en orbite… tout y passe.

A voir cette commercialisation du programme spatial russe, on ne peut s’empêcher de rêver à l’époque glorieuse de l’URSS triomphante. Tel est d’ailleurs un des thèmes que choisit de décrire le documentaire – que je conseille à tout le monde – de Christian Frei, Space Tourists, 2009 (pour une revue critique). Deux histoires sont assez habilement mises en parallèle : 

1) D’un côté, nous suivons les pas de la touriste américano-iranienne Anousheh Ansari (une « fana » de l’espace dont nous avons déjà croisé la figure à propos du Ansari X-Prize et des 10 millions qu’elle y a investi ; ajoutés aux 20 millions de l’ISS : cela commence à faire beaucoup ! mais comme elle-même se plaît à le dire : « How do you put a price on a dream? ») depuis le sol russe jusqu’à l’ISS et son retour sur Terre…

2) De l’autre côté, la caméra nous montre l’envers du décor : la « décadence » après la chute de l’URSS, mais aussi et surtout les retombées – que Space Adventures, pourtant à l’affut de la moindre opportunité, n’avait certainement pas imaginées – au sens propre et économique du terme. Le documentaire nous révèle en effet l’existence des ferrailleurs kazakhs qui n’hésitent pas, parfois au péril de leur vie, à venir patrouiller la steppe à la recherche du Soyouz parti en morceaux (boosters, étages, etc.) et de ses métaux précieux. Pour ces chasseurs d’un nouveau genre, un cadeau du ciel ! Mais pour d’autres, une épée de Damoclès !
 Space Tourists
Une fois de plus un magnifique documentaire qui nous montre une bien étrange relation presque symbiotique entre l’industrie du tourisme spatial et les populations locales…

… à suivre


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