mercredi 17 août 2011

Stratégie spatiale. Intermède photo

Je ne peux m'empêcher de montrer ces quelques photos étonnantes où nous voyons, pour la première et dernière fois, les orbiteurs Discovery et Endeavour presque nez à nez sur une piste du Centre spatial Kennedy. La page se tourne doucement pour les navettes. Les prochains mois ne manqueront certainement pas de « dernières » et d’intermèdes nostalgiques de ce type…
Shuttles Nose to NoseSpace Shuttles
Space ShuttlesSpace ShuttlesSpace Shuttles
Il reste que nous pouvons toujours nous interroger sur la raison pour laquelle les Etats-Unis ont non seulement abandonné leur unique capacité de vol habité, mais encore l’ont fait sans avoir la moindre perspective de remplacement sur le court terme.

Cette anecdote est donc l’occasion de revenir sur un nouveau principe stratégique, le n°5, celui dit « cardinal » car constituant un « principe de base de la stratégie spatiale » (p. 244), à savoir « Accéder à l’espace par ses propres moyens ». Rares sont en effet les pays à avoir cette capacité spatiale autonome : citons les Etats-Unis, la Russie, l’Europe, le Japon, la Chine et l’Inde, peut-être encore l’Ukraine, Israël et l’Iran, et peut-être bientôt le Brésil et la Corée du Sud. 

Nous retiendrons de ce constat, d’autant plus significatif maintenant que la firme californienne Space X s’est ajoutée à la liste, l’idée selon laquelle « il n’y a pas de puissance spatiale véritable qui ne dispose de son propre accès à l’espace » (p. 245). L’Europe l’a appris à ses dépens et a su en tirer les leçons en investissant de manière massive en faveur du programme Ariane. L’Iran n’a elle-même pas suivi un chemin bien différent de 1958 à 2009, même si le contexte géopolitique est sans doute différent aujourd'hui.

Ceci étant dit, je vois peut-être un corollaire à ce principe dont je détourne la logique initiale pour maintenant le reformuler ainsi : « il n’y a pas de grande puissance spatiale véritable qui ne dispose de son propre accès habité à l’espace ». En effet, posons la question : ce principe s’applique-t-il également au vol habité ? 

Si nous en croyons Jean-Luc Lefebvre, « chaque Etat doit trouver le compromis qui correspond à ses ambitions de puissance, et surtout à ses moyens » (p. 266). Clairement, le vol habité constitue une prérogative de grande puissance. La guerre froide l’a montré. Et si besoin est, la rivalité triangulaire asiatique (Chine, Japon, Inde) le prouve à nouveau. (Quant à l’Europe, bien qu’elle n’ait pas choisi d’investir dans ce domaine  ne se perçoit-elle pas comme une grande puissance ? –, nous pouvons noter qu’avec l’installation du Soyouz en Guyane elle peut désormais compter sur un service théorique de vol habité.)

Or il n’existe à présent dans le monde que seulement deux capacités de vol habité, celle du Soyouz russe et celle offerte par la fusée Longue Marche chinoise. Les Etats-Unis sont donc en train de faire cruellement l’expérience d’une capacité disparue. Et si cette disparition est certes intentionnelle, il n’empêche que la question du leadership ne peut que se poser. En attendant la fin de l’orbite de transfert, les Etats-Unis ont-ils eu raison de laisser leurs rivaux spatiaux prendre la main sur les vols habités ? … a priori, cette parenthèse ne sera que de courte durée (à l’image de ce que la période post-Columbia avait été). Mais qu’adviendra-t-il à l’Amérique si jamais son statut et prestige de superpuissance est remis en cause par l’impossibilité de trouver un remplaçant crédible à la navette ? Quelle valeur attribuer au vol habité dans un monde s'éloignant peu à peu de l'unipolarité ?


2 commentaires:

  1. Et si les Américains faisaient l’impasse sur les vols habités civils pour se concentrer sur de futurs vols aérospatiaux militaires ?

    C2

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  2. La question plus générale est : est-ce que les vols habités ont perdu toute pertinence aujourd'hui ? Pour précision, on apprend aujourd'hui que les Russes ne voient plus le vol habité comme une priorité. Cela peut paraître paradoxal, mais la dépêche vaut la peine d'être lue : http://www.reuters.com/article/2011/08/17/us-russia-space-idUSTRE77G5GQ20110817
    So What ? Je crois que c'est Carl Sagan qui écrit que personne ne va dans l'espace, encore moins envoie des hommes, pour faire de la "science". Ne reste-t-il donc "que" le militaire pour motiver les puissances spatiales ? ou ne s'agit-il que d'une parenthèse qui se terminera lorsque les Chinois auront conduit quelques prouesses fracassantes ?

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