dimanche 25 novembre 2012

L’actualité (choisie) de la semaine… en vidéos. Spéciale ESA

Das Kongresszentrum "Mostra d'Oltremare" in Neapel
Après deux jours d’intenses tractations, les ministres des 20 Etats membres de l’ESA et le Canada, en tant que pays associé, ont donc approuvé le budget alloué aux activités et programmes spatiaux pour les trois prochaines années, soit environ 10 milliards d’euros. « Member states recognize that space is not an expense; it’s an investment » a indiqué Jean-Jacques Dordain visiblement satisfait. L’Allemagne reste le plus gros contributeur (2,6 milliards). Elle est suivie par la France qui, selon les propres mots de la ministre Geneviève Fioraso, « fidèle à sa position de leader européen […] avec un mandat clair et ambitieux tenu dans son intégralité, a été un acteur déterminant des décisions prises […] avec une contribution financière de plus de 2,3 milliards d’euros ». La troisième place, traditionnellement attribuée à l’Italie (1,2 milliards), est décernée cette année au Royaume-Uni (1,5 milliards) dont la contribution à l’ESA a été augmentée de 25%. Une surprise appréciée – Jean-Jacques Dordain a salué ce geste en indiquant, avec humour, qu’il allait s’exprimer en anglais durant la conférence – dans ce contexte de crise économique qui aura vu plusieurs pays, par exemple l’Espagne, diminuer leur financement obligatoire.

Outre être tombé d’accord sur le niveau des ressources de l’ESA pour la période 2013-2017, le Conseil a accepté diverses autres propositions relatives au programme scientifique obligatoire (Gaia, LISA Pathfinder, BepiColombo, Solar Orbiter, Euclid et JUICE), à l’avenir des relations entre l’ESA et l’Union européenne (Galileo, GMES, etc.), tout en confirmant l’engagement européen vis-à-vis de l’exploitation de la Station spatiale internationale (ISS). Les ministres ont notamment accepté que l’Europe fournisse, au titre du « barter element » et grâce à l’expérience de l’ATV, le module de service du nouveau véhicule de transport d’équipage polyvalent Orion de la NASA (MPCV). Cette décision, due en partie à la délégation britannique qui a accepté au dernier moment de verser 20 millions au projet (« The UK is on the space station. It’s a historic moment » a indiqué Dordain), en partie aux résultats des négociations entre Français et Allemands vis-à-vis du futur lanceur Ariane (la France contribuera à hauteur de 20%, un développement qu’elle avait auparavant critiqué pour son peu d’intérêt politique et technologique), a été jugée, à en croire le communiqué de presse, « d’une importance stratégique pour l’Europe », car « elle ouvrira la voie à une coopération entre l’ESA et la NASA sur le futur système de transport spatial habité ». Le projet ExoMars, mis en danger après l’annonce du départ de la NASA, a par ailleurs été confirmé : la Russie contribuera donc, par l’intermédiaire de son lanceur Proton, à l’exploration européenne de la planète rouge en 2016.

Le principal dossier, de fait certainement le sujet de discussion le plus polémique du programme optionnel, concernait l’avenir de la filière Ariane. Un compromis a ainsi été trouvé entre l’option défendue par l’Allemagne, Ariane 5 ME pour « évolution à mi-vie » (coût de 2 milliards), et la position française, Ariane 6, moins puissante et moins chère qu’Ariane 5, mais également plus adaptée à l’évolution du marché (coût de 4 milliards), sans qu’une stratégie réelle n’ait pour autant été identifiée. La solution a consisté à remettre à dans deux ans la décision finale : aucun projet n’est intronisé en particulier, aucun n’est non plus bloqué ; des investissements sont alloués des deux côtés, d’une part, aux études de définition détaillée d’Ariane 6, dans l’idéal annoncée pour 2021, pour un total de 157 millions, d’autre part, à la poursuite du développement pour 187 millions de la version adaptée d’Ariane 5 avec un premier vol prévu pour 2017, tout en tâchant de multiplier les synergies entre les deux lanceurs (moteur Vinci) équivalant à 244 millions.


La presse anglo-saxonne a qualifié de victoire allemande le compromis établi : ainsi de BBC News pour qui « Germany won », ou de SpaceNews, « Germany Wins Battle over Ariane ». Dans l’ensemble, ces médias ont en effet jugé que l’option Ariane 6 était la plus logique étant donné la menace que représentent les fusées Falcon 9 et Falcon 9 Heavy. Trop coûteuse Ariane 5 n’a de fait, pour reprendre les mots d’Elon Musk, le CEO de Space Exploration Technogies, lors d’un entretien à BBC News, « aucune chance » de rester compétitive. Reste que pour eux l’avenir appartient désormais aux fusées réutilisables sur lesquelles SpaceX travaille. La solution bâtarde trouvée incarne donc dans cette perspective le pire des mondes pour l’Europe, « for when ESA makes myopic choices like this, SpaceX deserves all the success it can get ». Le Spiegel est plus mesuré : « In the end, both countries got what they wanted », même si pour la DLR « Germany consolidates its position in European space ». Pour le Monde.fr, c’est au contraire « l’Allemagne [qui] se rallie au projet français de lancer Ariane 6 » alors que La Tribune.fr déplore que « la France rend[e] les armes face à l’Allemagne ». Quant au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il considère que « l’évolution vers Ariane 6 a été actée » rappelant que le projet aujourd’hui inscrit dans le marbre n’était il y a encore peu soutenu que par la France.


Le 19 novembre, la capsule Soyouz TMA-05M est revenue sur Terre avec à son bord les astronautes Sunita Williams (Etats-Unis), Akihiko Hoshide (Japon) et Youri Malenchenko (Russie) de l’expédition 33. L’atterrissage a eu lieu à 7h56 du matin dans la steppe du Kazakhstan. Pendant leur mission, les membres d’équipage ont effectué trois sorties extravéhiculaires, ont accueilli des vaisseaux de transport russes Progress, ont arrimé et désarrimé le cargo américain Dragon, et ont accueilli le vaisseau habité Soyouz-TMA-06M.



Restés à bord de l’ISS, l’Américain Kevin Ford et les Russes Oleg Novitskiy et Evgeny Tarelkin attendent quant à eux d’être rejoints par le deuxième trio de l’expédition 34,  le Russe Roman Romanenko, le Canadien Chris Hadfield et l’Américain Tom Marshburn, dont l’arrivée est prévue pour le 19 décembre. L’occasion de fêter Thanksgiving la tête dans les étoiles.


La Chine a procédé le 19 novembre au lancement à bord d’une fusée CZ-2C du satellite d’imagerie SAR HJ-1C. Le tir effectué depuis la base de Tai Yuan a également mis en orbite trois autres charges utiles, le satellite XY-1 (140 kg) et deux charges expérimentales FN 1 (160 kg) et FN-1A (30 kg). HJ-1C, équipé d’une antenne SAR déployable de 6m de long, est une première. La constellation d’observation de la terre Huan Jing (HJ, « environnement » en mandarin) est composée de deux autres petits satellites d’imagerie optique, HJ-1A et HJ-1B, en orbite basse depuis 2008. Outre cette formation 2x1, la Chine a pour objectif de lancer d’ici 2020 une constellation 4x4, quatre satellites optiques pour quatre satellites SAR.



Le lendemain, c’est un lanceur russe Proton-M qui plaçait en orbite géostationnaire un satellite de communication BSS EchoStar 16, 6258 kg tout de même. Ce tir, réalisé avec succès grâce à l’étage réallumable Briz-M, rappelle que la Russie reste un concurrent sérieux face à Ariane dont l’avenir est toujours aussi incertain. Malgré l’échec d’août dernier, la fusée Proton maintient donc la cadence avec trois lancements en moins de deux mois, et encore un ou deux d’ici la fin de l’année. Outre sa charge utile, EchoStar emporte avec lui un disque en silicium contenant 100 images : « une sorte d’épitaphe qui tournoierait indéfiniment à 36 000 kilomètres de la Terre et raconterait une histoire de l’humanité lorsqu’il n’en restera plus aucune trace ».



Aujourd’hui même, enfin, à 12h06 heure locale, la Chine a lancé avec succès la constellation triple YG-16 depuis le centre de lancement de Jiuquan à l’aide d’une fusée CZ-4C. La famille de satellites d’observation Yaogan, débutée en 2006, cache de l’avis général des satellites de reconnaissance militaire (ISR) à imagerie à la fois optique, ELINT et SAR. Elle serait plus largement révélatrice de l’intérêt de la PLA pour le spatial et de son influence grandissante au sein de l’effort spatial chinois, de même que la preuve d’une transition de l’espace stratégique à l’espace tactique dans la perspective d’une stratégie anti-accès. Il s’agissait du 17e lancement chinois de l’année. Deux ou trois autres devraient encore avoir lieu d’ici début 2013 : un rythme impressionnant. Sur le spatial militaire chinoise, voir notamment cet article introductif rédigé pour Perspectives Internationales.


S’agissant de l’actualité cinéma, nous nous bornerons cette semaine à évoquer la disparition du Russe Boris Strougatski. Natif de Saint-Pétersbourg, astronome de formation, il avait développé avec son frère Arkady un style littéraire unique très idéaliste, inspiré de l’expérience communiste et qui donne une saveur si particulière à la SF d’origine soviétique. Dernier membre encore vivant de la fratrie qui aura offert à Andreï Tarkovski le scénario à l’origine du film de science-fiction Stalker (1979), critique du régime de Poutine, Boris est mort à 79 ans.

3 commentaires:

  1. Et pas de nouvelles précisions sur les prochaines tentatives de lancement sud et nord coréennes ?

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  2. Je n'ai rien sur la Corée du Nord. Le tir de la fusée sud-coréenne KSLV-1 est quant à lui prévu pour jeudi-vendredi. La prochaine note d'actualité en fera donc certainement part !

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  3. Merci, espérons que le 3e et dernier essai sera le bon. La Corée du Sud n'a plus de moteurs de rechange.

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