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Pour cela, il faut remonter au début des années 1950. L’âge
spatial, stricto sensu, n’a alors pas
commencé. Encore quelques années avant le lancement du premier satellite
artificiel (1957), le premier homme en orbite (1961) et les premiers pas de
l’humanité sur la Lune (1969). Pourtant des visionnaires pensent déjà à
« des lendemains qui chantent » dans l’espace. Entre 1952 et 1954, le
magazine américain Collier’s publie ainsi une série de numéros consacrés à
l’exploration de l’espace. Les intervenants ne sont pas encore connus, mais
leurs articles – Wernher
von Braun et Willy Ley
notamment – ou leurs dessins – Chesley
Bonestell – font rapidement impression et laisseront une nombreuse
postérité.
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Sans tous les citer, quelques titres valent la peine d’être
rappelés. Ainsi, en mars 1952, le magazine titre « Man Will Conquer Space
Soon ». En octobre 1952, l’étape suivante est franchie avec « Man on
the Moon ». En 1953, l’exploration de l’espace est étudiée de manière plus
méthodique comme en témoignent les numéros de février et juin consacrés à
« World's First Space Suit » et à « The Baby Space Station: First
Step in the Conquest of Space ». Enfin, en avril 1954, la série s’achève
sur la grande question : « Can We Get to Mars? / Is There Life
on Mars? »
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Pour les passionnés d’espace (space advocates ou space
enthusiasts selon la dénomination américaine), ces premières années sont
cruciales. En jeu, rien moins que faire comprendre à la population et aux
décideurs américains que l’espace est chose sérieuse. Si les Européens n’ont pas
le même problème après l’expérience traumatisante des V-2, les Américains
n’ont pour eux que les images fantaisistes des années d’avant-guerre (Buck Rogers et autres Flash Gordon) afin de définir
la « nouvelle frontière », un terme lui-même très connoté choisi avec
soin par les partisans d’un programme spatial américain ambitieux.
Reste que les articles et les illustrations de Collier’s, bien qu’essentiels,
ne touchent pas un public suffisamment vaste. Pour cela, il faut investir la
télévision, i.e. le cœur du foyer
familial américain. C’est à Walt Disney
qu’incombe cette tâche. Le fondateur de l’empire médiatique bien connu est en
effet d’autant plus convaincu par l’espace qu’il est à la recherche de
nouvelles idées pour son « parc à thèmes » dont une des sections doit
s’appeler Tomorrowland. Trois
épisodes de 40 minutes chacun sont donc réalisés entre 1955 et 1957 : Man in
Space (1955), Man and the Moon (1955), et Mars
and Beyond (1957).
Tomorrowland dans les années 1950 (source) |
Je vous laisse maintenant savourer. A l’intérêt pédagogique
qui aujourd’hui encore reste présent, s’ajoute une dimension historique
non négligeable. Pour cause, voilà présentée la VISION américaine de l’espace. Celle reprise par exemple dans 2001 : l’Odyssée de l’espace, mais
également celle plus officielle demeurée inchangée depuis son adoption en 1961 –
comme l’illustrent les prises de position de la NASA ou les multiples
propositions présidentielles de Kennedy à Obama. Précision : ces vidéos
sont en anglais non sous-titré, mais de cette façon vous serez plus à même de surprendre l’accent
très germanique de von Braun, l’ancien ingénieur de Peenemünde.
MAN IN
SPACE
MAN ON THE MOON
MARS AND BEYOND
Une fois ces films vus, ce qui frappe, c’est l’écart
existant entre la vision – la réalité
perçue et imaginée – et la réalité que nous vivons aujourd’hui. Le futur
est-il encore pour demain ? La question est amusante, mais elle traduit un vrai problème : comment continuer à faire rêver si la vision n’est plus
crédible ?
Preuve de ce changement de mentalités est encore une fois le
parc Disneyland en Floride : l’attraction majeure et
« ultra-réaliste » de Tomorrowland (Mission to Mars) a fermé ses portes
en 1992 pour faire place à un thème plus fantaisiste dans lequel la crédibilité
scientifique est ostensiblement abandonnée (ExtraTERRORestrial
Alien Encounter).
Enfin, pour l’anecdote, sachez que la variante parisienne (Discoveryworld) a adopté un modèle steampunk plus proche – selon la
direction américaine – des mentalités européennes et qui fait grand étalage des
technologies à la Jules Vernes et H. G. Wells. D’où l’attraction Space Moutain, en forme de canon
géant, dans laquelle les visiteurs s’installent dans un « obus » pour être lancés « de la Terre à la Lune » et au-delà –
dans la seconde version – dans la galaxie. A ce sujet, j’en profite pour
remercier une certaine personne sans qui ce travail de recherche au pays de
Mickey n’aurait pu être conclu à son terme.
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