lundi 12 mars 2012

Un troisième âge de l’exploration : des zéros et des uns

La conquête de l’espace a cela de spécifique qu’elle prend place là où personne ne peut vivre.

Contrairement aux précédentes phases d’exploration, qu’il s’agisse des Grandes Découvertes ou des « voyages extraordinaires » du XIXe siècle, il n’y aura pas de rencontre. Il n’y a pas d’indigènes avec qui échanger sur Titan, il n’y a pas de culture à découvrir sur Vénus et il n’y a pas de religion à comprendre sur Mars. En réalité, il n’y aura personne à qui parler si ce n’est à nous même. Dans l’espace, nous sommes  seuls…

Fini donc l’ethnocentrisme : une seule culture est aujourd’hui impliquée, celle de l’explorateur. Mais finie aussi la dynamique – la tension à la fois tragique et magnifique à l’origine du choc entre civilisations – de l’exploration. C’est d’autant plus vrai que dans le passé la découverte devait être faite par des individus. Désormais, non seulement n’y aura-t-il pas de rencontre entre civilisations, mais il n’y aura pas même d’humain pour la soutenir le cas échéant. L’homme n’a plus à être présent physiquement – et certains avancent de très bons arguments pour aller jusqu’à dire qu’il ne doit pas être présent. Tel est le sens porté par le « Troisième Age d’exploration » imaginé par Steven J. Pyne pour désigner l’exploration de ces lieux désolés que sont le cosmos, les grands fonds-marins ou l’Antarctique.

D’où cependant l’importance des images rapportées par les sondes et autres robots envoyés par l’humanité pour explorer ces nouveaux mondes. Car si ce troisième âge devient pour l’explorateur celui de l’introspection alors quoi de mieux que ces supports photographiques pour nous renvoyer à notre propre image. Telle était la conclusion à laquelle aboutissait Carl Sagan en 1994 et à laquelle je faisais déjà référence ici. S’il y a conquête alors celle-ci ne peut être qu’intérieure.

Avec nous, « unreconstructed geocentrists hiding behind a Copernican veneer » pour reprendre les mots de Sagan, la découverte de l’univers ne peut ressembler qu’à un gigantesque palimpseste. Qui plus est, cette exploration n’est constituée à l’origine que de « zéros et de uns » que seul un long travail de traitement transforme en images chargées d’émotion, un résultat qui, progrès informatiques aidant, sans cesse demande à être remis sur le métier. Dans ces conditions, sans qu’il soit même question de quitter physiquement la Terre, ce « troisième âge de l’exploration » ne peut connaître ni débuts ni fins.

Quoi de mieux pour illustrer ces quelques réflexions que cette vidéo mise en ligne par la Planetary Society, un organisme cofondé en 1980 par Carl Sagan, avec pour principaux objectifs l’exploration du système solaire et la recherche d’une forme de vie extraterrestre. Ou lorsque l’exploration de l’univers – quarante ans de collections déjà ! – fait appel à ses propres restaurateurs…

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