Liens de la semaine : Un Soyouz en Guyane et les débuts de Galileo en orbite

Sans qu’il soit besoin de préciser, on peut dire que l’actualité des derniers jours a été plutôt chargée. Mais s’il est un événement – ou devrais-je dire un doublé – qui a enflammé la communauté spatiale, c’est bien le Soyouz guyanais…

Source

Très nombreux ont en effet été les articles consacrés à cette première franco-russo-européenne. Il y a certes l’impatience causée par le report du lancement de 24h – occasionné par un dysfonctionnement au niveau des réservoirs du troisième étage –, mais il y a surtout trois autres éléments.

1) Souvenez-vous tout d’abord la surprise de l’été dernier qu’a été l’échec d’un vaisseau Progress et les questions qu’il a fallu posées et auxquelles on cherche encore à répondre. Mais rien n’a empêché la bonne tenue de cette 1777e mission du Soyouz.

2) De fait, le mythe Soyouz est toujours intact et le lancement de la fusée légendaire depuis les tropiques – dite « spécialement pour les tropiques », Soyouz-ST, selon la dénomination officielle – constitue non seulement une première, mais aussi un véritable spectacle. Chacun a pu suivre l’événement, merci au ministre et au CNES.

3) Enfin, il y a la cargaison très emblématique que ce premier tir emporte en orbite. Outre cette grande première qu’est la présence du Soyouz à Kourou, il faut aussi fêter le lancement de l’aventure Galileo puisque, désormais, les deux premiers satellites opérationnels de la Constellation sont partis dans l’espace.

Que nous faut-il comprendre ?

1) Tout d’abord que ce succès est l’aboutissement d’une collaboration initiée en 1996 entre la France et la Russie pour envoyer des satellites de taille moyenne dans l’espace. François Fillon parle du résultat d’une « longue démarche commune ». Mais n’oublions pas de noter que ce succès est aussi commercial. C’est d’ailleurs ce même François Fillon qui, en tant que ministre chargée des Télécommunications et de l’Espace de l’époque, est un des signataires à Moscou des textes qui ont créé la société commerciale Starsem. Cette société euro-russe, détenue à parité par Aerospatiale (Astrium-EADS) et Arianespace d’une part, et l’Agence spatiale russe (Roscosmos) et le Centre spatial de Samara (TsSKB-Progress) d’autre part, est la conséquence directe de la chute de l’URSS et de la commercialisation de l’espace soviétique après la fin de la guerre froide.

Source.

2) Mais l’utilisation du Centre spatial guyanais, envisagée depuis le début de cette collaboration, traduit également bien l’idée selon laquelle, pour citer François Fillon :

… sans lanceur, il n’est pas d’indépendance spatiale. Certes, l’autonomie de l’accès à l’espace ne se limite pas à la possession de lanceurs et des installations de lancement correspondantes, mais chacun comprend que, sans lanceur, on est tributaire des autres. La France a toujours considéré que le lanceur est l’élément clé de l’indépendance spatiale. En Europe, la France a toujours pris des initiatives pour développer des moyens nationaux et européens.

Un élément que nous avions déjà noté. Ces deux points, géopolitique et plus commercial, sont bien résumés par les propos du président du CNES, Yannick d’Escatha :

L’implantation du lanceur russe en Guyane répond à des objectifs à la fois stratégiques et commerciaux. Sur le plan stratégique, il s’agit de poursuivre et d’amplifier la coopération spatiale engagée par le général de Gaulle en 1966 entre la Russie et la France, en réalisant et en opérant en commun un nouveau système de lancement qui enverra dans l’espace dans des conditions optimales des satellites institutionnels européens, scientifiques, d’observation de la Terre ou de navigation. Sur le plan commercial, l’arrivée de Soyouz en Guyane permet à l’Arianespace d’étendre la gamme de ses services de lacement avec un lanceur de classe moyenne parfaitement adapté pour les petits satellites géostationnaires et les satellites moyens en orbite basse. […] En résumé, Soyouz en Guyane, c’est une association gagnante entre le meilleur lanceur dans sa catégorie et la meilleure base de lancement au monde.

in CNES Mag N°49

3) Ce qui nous amène vers notre dernier point : grâce au Soyouz, Galileo prend enfin son envol. Avec celui-ci, en effet, les Européens entrent dans une « nouvelle ère ». Malgré le retard, après l’accès à un lanceur indépendant mais avant la création d’une SSA propre, l’Europe franchit donc une nouvelle étape en direction de son autonomie. Bref, « le GPS européen est enfin sur orbite ». C’est d’autant plus important que la compétition dans le domaine est de plus en plus vive. Certains parlent même de « course ». De fait, alors que les Américains font évoluer leur GPS vers plus de précision et que les Russes améliorent eux-aussi leur système Glonass, engrangeant au passage quelques bons points, les Chinois poursuivent leurs plans en direction d’un Global Navigation Satellite System (GNSS) autonome : Beidu/Compass. A noter toutefois que, bien que le système européen se veuille indépendant, il sera néanmoins compatible avec le GPS et Glonass.

Le prochain tir Soyouz/Pléiades depuis la Guyane aura lieu en décembre prochain. A noter également les débuts de la fusée Vega en janvier de l’année prochaine.

Pour en savoir plus :

- Sur Galileo.

- Sur Soyouz.