The human race is remarkably fortunate in having so near at hand a full-sized world with which to experiment: before we aim for the planets, we will have had the chance of perfecting our astronautical techniques on our own satellite…the conquest of the Moon will be the necessary and inevitable prelude to remote and still more ambitious projects.
Arthur
C. Clarke, 1951
Aujourd’hui que l’exploration martienne fait à nouveau
beaucoup parler d’elle, qu’il s’agisse des malheurs de la sonde russe Phobos-Grunt
ou du lancement du futur rover géant de la NASA – une coïncidence ayant principalement pour raison l’alignement
des planètes – ou encore du retour – peut-être plus révélateur – de
l’expérience Mars
500, doit-on en oublier pour autant qu’entre la Terre et la planète rouge
se trouve la Lune ? Nous le ferions que celle-ci se rappellerait à notre
bon souvenir, comme en témoigne le précédent
billet sur les justifications « politiques » d’une nouvelle
« course à la Lune ». Or d’autres aspects doivent certainement être
pris en compte.
Grosso modo, deux
modèles existent pour l’exploration spatiale. 1) Le premier peut être
qualifié de « modèle Apollo ». Il fait évidemment référence au
programme du même nom qui a reposé, c’est
un rappel, sur l’idée selon laquelle l’humanité – ou au moins l’Amérique –
pouvait s’épargner quelques étapes (une station orbite par exemple) et
directement atteindre son but lunaire. Certes l’objectif a été atteint, la
mission accomplie, mais l’intérêt, lui, reste à discuter alors que l’homme a
cessé de marcher sur la Lune moins de trois ans après y avoir posé le pied pour
la première fois. Pis, la plupart des brillantes avancées technologiques
effectuées (la fusée Saturn V
notamment) ont été « oubliées ». Bref, c’est « Kennedy ».
C’est aussi Bush père (« The
Space Exploration Initiative »), Bush fils (« Vision for Space
Exploration ») et aujourd’hui Obama.
2) Le second modèle est celui de la « navette
spatiale ». Cette dernière est en effet représentative d’une philosophie
opposée puisque sa création « post-Apollo » s’inscrivait dans une logique globale d’appropriation
graduelle de l’espace : d’abord une navette, ensuite une station spatiale
orbite, puis une base lunaire, etc. Il a fallu que la politique
s’en mêle pour sa logique soit pervertie même si la construction de l’ISS a été
l’occasion de sa renaissance. Vous l’aurez compris, le modèle est incrémental et cumulatif,
on fait étape par étape. Bref, c’est « Von Braun ». Et
c’est aussi Arthur C. Clarke comme en témoignent la citation ci-dessus et le
film 2001 : L’Odyssée de l’espace.
Dans cette dernière perspective, qu’est-ce que la Lune sinon
une chance exceptionnelle pour la Terre et l’humanité, un marche pied naturel
vers les étoiles ? Car il s’agit ici du premier argument en faveur d’un
retour sur notre satellite naturel : la proximité. Si nous reprenons à
l’envers l’argument devenu doxa aujourd’hui
aux Etats-Unis (« We’ve been
there before. Buzz has been there », il y a déjà « six American flags on the Moon »), notons que, outre d’être proche,
la Lune est aussi accessible… puisque nous y sommes déjà allés. En conséquence,
toutes les activités lunaires – surtout si elles sont robotiques dans un
premier temps – se feront quasiment en temps réel par rapport à la Terre. Nulle
autre destination spatiale n’offre de telles conditions.
En outre, et c’est le second argument, la Lune bénéficie de
ressources énergétiques et minières en quantité suffisante pour qu’elle puisse intéresser
l’humanité (on pense à l’Hélium 3, cf. le film Moon). C’est d’ores et déjà le cas comme le prouvent les nombreuses sondes
aujourd’hui envoyées par les grandes puissances spatiales afin de scanner notre satellite. Serge Grouard reconnaît lui aussi la pertinence de l’argument économique pour
justifier l’exploration lunaire lorsqu’il écrit que « Le raisonnement
repose sur une automacité : puisque l’espace recèle a priori des
richesses, l’exploitation de ces richesses est une certitude dont seule la date
reste encore indéterminée ». Mais son avis diverge quant à l’intérêt même
de l’exploration spatiale car « le bon sens nous laisse penser qu’il
restera beaucoup plus facile de produire sur Terre plutôt que dans
l’espace ».
Il manque à Grouard la prise en compte de la variable
psychologique. Tout l’opposé de James D. Spudis pour qui « the space
economy » est à la fois économique au sens que lui prête Grouard,
c'est-à-dire la rentabilité, mais aussi visionnaire dans ses aspects à la
fois techniques (la Lune est un laboratoire technologique) et plus
philosophiques (l’espoir de faire de l’humanité une espèce
multiplanétaire). Dans ces conditions, pourquoi faut-il dès aujourd’hui
s’intéresser au système Terre-Lune ? Spudis propose neuf
raisons, ainsi qu’un plan,
faisant de lui – à ma connaissance – le partisan le plus féroce de l’option 2 dite
de la « navette ».
Reste que celle-ci, pour rationnelle qu’elle soit,
présuppose un engagement dans la durée et une patience difficilement
conciliables avec la réalité et le besoin de résultats hic et nunc. Certes « It’s the space economy, stupid !
», et l’argent, plus que l’excitation, doit être au fondement d’un programme
spatial sérieux. Ou pas ? Car malgré cette logique, il n’est pas
impossible que Mars passe avant. Finalement, le débat ne doit pas se concentrer
exclusivement sur un seul déterminant, qu’il soit économique/technique ou
politique, mais plutôt tâcher de prendre en compte toutes les variables en jeu.
Tel est justement l’objet de la série que je vous propose et qui comprendra
deux autres billets…
A suivre…
Les illustrations
proviennent du magazine bien connu Collier’s
(1888-1957) à travers la publication, avec la coopération de Von Braun, de la série « Man
Will Conquer Space Soon! », vous pouvez les retrouver ici.
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