vendredi 23 décembre 2011

[MAJ] Bilan spatial 2011 (2) Année anniversaire, année charnière ?

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Une fois cette comptabilité effectuée (voir Mise à Jour), nous pouvons en venir – sans bien entendu prétendre à l’exhaustivité – aux faits marquants de cette année (voir également, pour les curieux, le flop et le top de l’année). Ils ne sont pas tous estivaux !

De fait, la fin de la navette spatiale, de même que les accidents russes de l’été dernier et l’incertitude qui en a résulté par rapport à la desserte de l’ISS, ont déjà fait l’objet de précédentes séries de billets. Qui plus est, maintenant que ces inquiétudes-là se sont évaporées alors que deux nouveaux équipages internationaux ont déjà fait route vers l’ISS, l’année 2011 peut être analysée avec plus de sérénité. 

Avec le recul, c'est-à-dire en essayant d’embrasser l’année dans son intégralité, le grand angle devient alors plus facile à saisir.

Rappelons en effet que 2011 a commencé sous le signe de la nostalgie. Comme je vous en avais fait part il y a quelques mois et aussi plus récemment, nous avons fêté cette année un triple anniversaire. 1) Russe tout d’abord, avec les 50 ans du premier homme envoyé dans l’espace. 2) Américain ensuite, avec le cinquantenaire du discours de Kennedy et le début du programme Apollo qui a conduit 12 astronautes à marcher sur la Lune. 3) Sans oublier, Français enfin, soit l’anniversaire des 50 ans du Centre national d’études spatiales (CNES) dont vous pouvez encore suivre le déroulement des festivités sur le site internet et sur twitter #LeCNESa50ans

Or comme lors de chaque anniversaire, l’heure est certes aux célébrations, mais également aux interrogations. Et elles sont nombreuses ! C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il convient à mon avis d’analyser les événements de cet été, plus quelques autres qui ont marqué cette année. 

1) Ainsi, la navette spatiale vieille de 30 ans et tirant sa révérence, pour symbolique que cela puisse paraître, ne devient dans le contexte plus global de la politique spatiale américaine qu’un élément parmi d’autres. En effet, le nouveau programme spatial défini par l’administration Obama cherche à implanter une double rupture : 
- Technologique, imaginer les nouveaux modèles sur lesquels créer le nouvel âge de l’aérospatial. Cela se traduit par la recherche de nouvelles technologies et l’investissement massif dans la capacité de vol routinier en direction de l’orbite basse (LEO)

- Psychologique, penser l’innovation plutôt que la simple répétition. Cela se traduit par la remise en cause de l’évidence géographique (la nouvelle frontière spatiale) au profit de la LEO via l’essor de l’espace dit commercial, sans oublier non plus l’abandon – au moins partiel – du vieux rêve d’un retour sur la Lune pour l’étape suivante : Mars.  

- Dernier exemple significatif en date, la création de la nouvelle entreprise spatiale privée baptisée Stratolaunch Systems. Savant mélange entre le lanceur Falcon 9 (le lanceur de SpaceX) et le WhiteKnightTwo (l’avion porteur utilisé par Virgin Galactic), le projet associant plusieurs entreprises spatiales a pour ambition de lancer d’ici 2016 une fusée depuis un énorme avion porteur 10 km au dessus du sol. A l’origine de cette initiative, quelques grands noms : Paul Allen, co-fondateur de Microsoft, Burt Rutan, fondateur de Scaled Composites et Mike Griffin, ancien administrateur de la NASA.

2) Du côté russe, les interrogations sont d’autant plus fortes que la parité avec l’ancien ennemi américain semblait avoir été atteinte avec la fin de la navette spatiale. Pourtant les bourdes n’ont cessé de s’accumuler depuis décembre 2010. A la perte de satellites et à l’explosion d’un vaisseau Progress, s’est en effet ajouté l’abandon du programme d’exploration martienne Phobos-Grunt qui n’a pas réussi à quitter l’orbite terrestre et dont la sonde s’est finalement désintégrée dans l’atmosphère terrestre. 

- Cela explique le ton peu amène employé par le président Medvedev à l’égard des responsables du spatial russe. Plus largement, cela montre aussi la difficulté qu’éprouve aujourd’hui le secteur spatial russe, fortement malmené durant les années 1990, face aux velléités de changements et à la nécessité d’une modernisation. De fait, malgré quelques poches de qualité qui résistent, la crise des années 1990 est très loin d’être résorbée alors que le déclin scientifique de la Russie se poursuit comme l’expliquait encore très récemment le Washington Post.

- Reste la fusée Soyouz qui, entre autres Ariane et prochains tirs Vega, permet à Arianespace de conclure l’année sur un bilan compétitif très satisfaisant avec un carnet de commandes dépassant les 4 milliards et demi d’euros. Pour cause, passé du froid sibérien aux tropiques, le Soyouz a encore démontré sa grande fiabilité le 16 décembre dernier en procédant au lancement, depuis Kourou, de cinq satellites militaires français et un satellite chilien. Si les quatre petits satellites ELISA (Electronic Intelligence Satellite) permettront à la France de tester une capacité d’écoute électromagnétique (ROEM) partagée uniquement par les Etats-Unis, la Russie et la Chine, Pleiades 1 renforcera quant à lui nos capacités d’observation en fournissant des images d’une très grande résolution (voir les premières images ici). Rappelons en outre que le premier Soyouz avait mis en orbite deux satellites de la constellation européenne Galileo. 

3) Mais s’il y a interrogation, c’est aussi parce que 2011 illustre, peut-être plus que 2003, la montée en puissance du spatial chinois. 

- Non seulement la Chine est parvenu cette année à mettre en orbite un petit laboratoire, mais elle a aussi réussi à obtenir la capacité de rendez-vous orbital comme la manœuvre conduite entre Tiangong-1 et Shenzhou-8 peut en témoigner. Désormais, la Chine pourra poursuivre son programme spatial sur une plus grande échelle. D’ores et déjà, deux missions Shenzhou sont annoncées pour début 2012. 

- Enfin, contrairement à ce que j’avais laissé entendre dans mon précédent billet introductif (voir MAJ), la Chine a finalement dépassé pour la première fois les Etats-Unis en termes de lancements avec 19 tirs effectués cette année (un échec seulement) contre 18 pour les Américains (un échec aussi). La mise en orbite surprise du satellite d’observation ZY 1C hier a en effet bousculé mes conclusions peut-être trop hâtives. A noter que l’an passé, les Etats-Unis et la Chine avaient tous les deux procédé à 15 lancements. 

4) Alors 2011 année charnière ? Pari américain, modernisation russe, affirmation européenne et accélération chinoise : tout y est, bien qu’à des degrés différents et selon des efforts variables. Ainsi, les relations spatiales sino-américaines seront celles qui détermineront certainement tout le reste comme le montre ce récent article de la revue Nature. Elles s’inscriront de fait dans un ensemble plus vaste traduisant l’ascension militaire chinoise et le déclin relatif américain…
Le porte-avion chinois vu par un satellite QuickBird.
MAJ : La série noire qui frappe le spatial russe depuis bientôt un an se poursuit. Ce matin, un lanceur Soyouz-2 n’est pas parvenu à mettre en orbite le cinquième satellite de communication militaire Meridian. Reste à savoir comment va réagir Globalstar dont plusieurs satellites doivent être lancés le 28 décembre prochain... Pour plus d’info, voir LeMonde.fr et BBCNews.

2 commentaires:

  1. Affirmation européenne...Certes, Arianespace élargit son offre et conserve son avance sur les commandes de lancement, tout comme Astrium et TAS sur les satellites.
    Mais ExoMars pinaille toujours autant, Galileo est sur les rails mais avec 4 ans de retard et toujours pas de système habité...

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  2. Très juste : merci pour cette intervention ! Cette "affirmation" est en effet bien modeste. Cela dépend aussi en partie de la vision que l'on a concernant l'avenir du spatial en Europe, verre à moitié plein ou à moitié vide... J'avoue avoir malgré tout choisi l'optimisme pour cette année 2011 ! :)
    Bien à vous,

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